- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Cour d’appel de Nouméa, 4 septembre 2025, chambre sociale. L’affaire oppose un employeur du transport aérien à l’organisme de recouvrement, à la suite d’un contrôle portant sur l’intégration, dans l’assiette des cotisations, d’avantages aériens accordés aux salariés sous forme de billets à tarif préférentiel. Le litige tient aux billets avec réservation (R1) et sans réservation (R2), s’agissant tant de leur qualification que de leur évaluation.
À la suite d’un avis de régularisation et de plusieurs contraintes, l’employeur a formé opposition. Le Tribunal du travail de Nouméa, par jugement du 23 juillet 2019, a validé les contraintes. Un premier arrêt du 29 octobre 2020 a annulé celles-ci faute de pouvoir relier précisément les pièces aux montants réclamés. La deuxième chambre civile, le 16 novembre 2023, a censuré ce refus de statuer, rappelant qu’il appartenait à la juridiction d’appel « d’ordonner toute mesure d’instruction utile pour lui permettre de déterminer le quantum de la demande ». La cause a été renvoyée devant la cour de Nouméa, qui valide de nouveau les contraintes après correction du calcul.
L’employeur demandait l’annulation des contraintes en soutenant que les billets R2 ne constituent pas un avantage en nature, invoquant une lettre gouvernementale de 2017 et l’arrêté de 2019, et critiquait les modalités de calcul. Subsidiairement, il sollicitait un recalcul, plus subsidiairement une expertise, et, en tout état, la déchéance des majorations de retard en tant que sanctions. L’organisme de recouvrement concluait à la validation, soutenant l’assujettissement des billets R1 et R2, l’application du seuil de 30 %, et produisait un décompte rectifié déduisant la participation salariale.
La question posée à la cour tenait à la qualification des billets préférentiels, y compris sans réservation, comme avantage en nature au sens du droit calédonien, aux critères de leur évaluation, et à la nature des majorations de retard. La solution retient la qualification d’avantage en nature lorsque la réduction excède 30 % du prix public, l’évaluation à la valeur réelle avec déduction de la participation du salarié, l’absence d’effet rétroactif de l’arrêté de 2019, et la nature exclusivement compensatoire des majorations prévues par la délibération de 2001.
I. La qualification d’avantage en nature et son encadrement normatif
A. La reconnaissance d’un avantage en nature au regard des textes applicables
Le cadre légal local saisit l’avantage en nature comme élément de rémunération soumis à cotisations. La délibération de 2001 le définit par « la fourniture au salarié de biens ou de services produits par l’employeur » à titre gratuit ou à « une retenue inférieure à la valeur réelle ». La cour retient que les billets R1 et R2, réservés aux salariés et à leurs proches, constituent une prestation à conditions préférentielles, inaccessible au public, et relèvent de cette définition lorsque l’avantage est substantiel.
La cour se réfère à la note explicative du 4 mars 2011, qui précise le seuil de tolérance. Elle rappelle que « Ne sont pas considérés comme des avantages en nature les fournitures de produits et services réalisés par l’entreprise à des conditions préférentielles dès lors que leurs réductions tarifaires n’excèdent pas 30 % du prix de vente public normal ». Dès que la réduction franchit ce seuil, l’avantage entre dans l’assiette. Ainsi, les contraintes propres aux billets sans réservation ne retirent pas à la réduction tarifaire sa nature d’avantage en nature dès lors que la faveur économique demeure objective.
B. L’évaluation à la valeur réelle, avec prise en compte de la participation salariale
Le principe d’évaluation, directement issu de la loi de pays, est sans ambiguïté. L’article Lp 9 dispose que « l’estimation des rémunérations allouées sous la forme d’avantages en nature est faite d’après leur valeur réelle, lorsqu’elle n’est pas fixée par des dispositions réglementaires particulières ». La note de 2011 complète le dispositif en encadrant la méthode de calcul et le traitement de la participation des salariés.
Cette note précise utilement que « La participation du salarié ne remet pas en cause les modalités d’évaluation de l’avantage consenti, elle vient seulement minorer la valeur dudit avantage à concurrence de cette participation ». Elle ajoute, pour les cas d’avantages dépassant le seuil, que « Lorsque la fourniture est gratuite ou lorsque la remise dépasse 30 % du prix de vente normal, il convient de réintégrer la totalité de l’avantage en nature dans l’assiette ». La cour valide le décompte rectifié, déduisant la participation salariale, par référence aux prix publics communiqués, ce qui satisfait l’office du juge après la cassation sur l’insuffisance probatoire.
II. La valeur et la portée de la solution dans l’ordre social calédonien
A. La hiérarchie des normes et l’office du juge après cassation
La cour écarte l’argument tiré d’une lettre gouvernementale de 2017 relative aux billets sans réservation. Elle énonce que « Une telle lettre n’avait aucun caractère normatif et ne peut être assimilée à une circulaire émanant de l’organisme social ou une instruction ministérielle régulièrement publiées, dont le cotisant pourrait se prévaloir ». Cette position conforte la sécurité juridique des sources, en réservant l’autorité aux textes et instruments régulièrement publiés.
La cour refuse l’application rétroactive de l’arrêté de 2019, dès lors qu’il « n’institue aucune exonération » spécifique pour les billets sans réservation et ne prévoit pas d’application aux contrôles antérieurs. La démarche satisfait aux exigences rappelées par la cassation, le juge d’appel n’ayant pas la faculté de décliner sa mission pour insuffisance de pièces, mais pouvant « ordonner toute mesure d’instruction utile » et statuer sur une base chiffrée consolidée.
B. Les conséquences pratiques: billets sans réservation et majorations de retard
La solution consolide un traitement homogène des billets préférentiels, réservé à un public interne et soumis à des aléas d’embarquement. Elle confirme que ces aléas ne neutralisent pas l’avantage économique lorsque la réduction franchit 30 % du prix public, ce qui limite les controverses sur la comparabilité des prestations internes et commerciales, au profit d’un critère objectif et vérifiable.
S’agissant des majorations de retard, la cour s’appuie sur le texte applicable, qui prévoit que « Il est appliqué une majoration de retard de 1,5 % du montant des cotisations qui n’ont pas été versées, par mois, ou fraction de mois ». La majoration n’a « aucun caractère punitif » dans le régime local, mais compense strictement le temps écoulé jusqu’au paiement effectif. La validation des contraintes, après déduction de la participation salariale, fixe un standard opératoire clair pour les entreprises accordant des avantages tarifaires internes et sécurise la pratique de contrôle en matière d’assiette.