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Par un arrêt de la Cour d’appel de Nouméa du 4 septembre 2025, la chambre sociale tranche un litige portant sur la requalification d’une relation de travail et sur les effets de sa rupture. L’employeur public territorial avait d’abord conclu un contrat à durée déterminée, puis un contrat à durée indéterminée retiré après contrôle de légalité pour défaut de publicité, avant d’organiser une succession de contrats à durée déterminée prorogés jusqu’à l’été 2020. La relation a été rompue au moyen d’un « avenant » qualifiant la faute de lourde, puis une lettre postérieure a énoncé divers griefs, notamment des absences et un sinistre impliquant un véhicule de service.
Devant le tribunal du travail, le salarié a réclamé salaires et indemnités. Le premier juge a retenu l’existence d’un contrat à durée déterminée et le caractère abusif de sa rupture anticipée. En appel, l’employeur a défendu la régularité de la rupture sous le régime du CDD, tandis que le salarié a sollicité la requalification en CDI et la réparation d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, avec demandes accessoires.
La question posée à la Cour d’appel concernait d’abord le bien‑fondé d’une requalification en CDI au regard des conditions légales de recours au CDD, puis l’identification du régime applicable à la rupture et la mesure de l’indemnisation. L’arrêt précise d’abord les critères de requalification et écarte l’« avenant » de résiliation, puis il fixe la base salariale et articule les différentes indemnités, en déboutant les demandes non caractérisées.
La Cour d’appel de Nouméa requalifie la relation en contrat à durée indéterminée, juge la rupture assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et accorde les indemnités de licenciement, de préavis et de dommages‑intérêts, tout en confirmant le rejet des congés payés non pris et du caractère vexatoire.
I. La consécration du CDI et le contrôle des CDD successifs
A. Les conditions de recours au CDD et l’identification d’un besoin permanent
La cour réaffirme la hiérarchie des formes d’emploi et pose le cadre probatoire. Elle relève d’emblée que « Il convient de rappeler que le contrat à durée indéterminée, reste le principe retenu par la loi dans les relations de travail, parce qu’il assure au salarié un emploi pérenne et un statut plus protecteur. » Cette prémisse oriente l’analyse du motif de recours et de la durée totale des engagements successifs.
L’examen des stipulations contractuelles montre l’absence de rattachement à un cas légal de recours. L’arrêt souligne que « Il est manifeste que les motifs énoncés dans les différentes conventions signées des parties ne font aucunement référence à un concours de recrutement de la fonction publique, mais uniquement à des avis de vacances de postes, en instance de dépouillement des candidatures. » Le juge du fond caractérise ainsi un emploi répondant à un besoin durable, incompatible avec la logique d’exception qui gouverne le CDD.
La cour constate enfin un dépassement des bornes temporelles et un renouvellement prohibé. Elle retient que « De même il est établi que la durée totale de la relation de travail est supérieure à la durée maximale d’une année prévue par la loi et que les conventions ont été renouvelées ou ‘prorogées’ à quatre reprises, en violation des dispositions précitées qui sont d’interprétation stricte. » La combinaison du motif inadapté et de la durée excessive emporte requalification.
B. La qualification de la rupture et l’inanité de l’« avenant » de résiliation
La modalité de rupture choisie par l’employeur ne résiste pas au contrôle de qualification. La cour énonce que « Dans ce contexte, la rupture anticipée du contrat de travail, intervenue le 20 juillet 2020, par un acte intitulé ‘avenant au contrat de travail’, duquel il ressort que les parties auraient convenu d’une résiliation de la convention pour ‘faute lourde et non présentation aux deux convocations pour entretien préalable les 10 et 20 juillet 2020”, ayant le maire de la commune pour seul signataire ne peut être analysée comme une rupture conventionnelle. » L’unilatéralité de l’acte, jointe à la requalification en CDI, exclut l’économie juridique du CDD et de la rupture anticipée disciplinaire.
La solution s’impose alors avec netteté. La cour conclut que « Dans ces conditions, il convient de requalifier la convention ayant uni les parties en contrat de travail à durée indéterminée, ce qui conduit, selon une jurisprudence constante à appliquer à la rupture du contrat de travail les règles régissant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. » La conséquence est l’application du droit du licenciement, avec contrôle de la cause et de la procédure.
II. Les effets indemnitaires et la portée pratique de la décision
A. La base de calcul et l’articulation des indemnités
Le juge d’appel retient comme salaire de référence la moyenne des trois derniers mois, en conformité avec le texte réglementaire applicable. L’arrêt rappelle que « Selon l’article R 122-4 du code du code du travail de Nouvelle Calédonie, l’indemnité de licenciement prévue à l’article Lp 122-27 ne peut être inférieure à une somme calculée, par année de service dans l’entreprise, sur la base de 20 heures de salaire pour les salariés rémunérés à l’heure et d’un dixième de mois pour les salariés rémunérés au mois. » Cette base irrigue l’indemnité légale de licenciement et le préavis, le licenciement sans faute grave ouvrant droit au délai‑congé.
S’agissant de la réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour mobilise le texte local, en citant que « Si ce licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise avec maintien de ses avantages acquis. » À défaut de réintégration, « Cette indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois est due sans préjudice, le cas échéant de l’indemnité prévue par l’article Lp 122-27. » Sur ce fondement, l’arrêt condamne l’employeur à une indemnité plancher équivalente à six mois.
L’économie du dispositif appelle une remarque de cohérence. Les motifs retiennent une moyenne mensuelle de 426 025 francs pacifiques, tandis que le dispositif alloue « 2 593 878 francs pacifiques à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ». Ce montant correspond à six fois 432 313 francs pacifiques, somme revendiquée par le salarié, et non à la moyenne arrêtée par la cour. L’écart s’analyse comme une possible erreur matérielle, sans altérer la qualification juridique.
B. Les limites posées aux demandes accessoires
La cour encadre strictement la réparation d’un préjudice moral distinct. Elle rappelle que « Le droit commun de la responsabilité délictuelle doit permettre au salarié d’obtenir la réparation du préjudice consécutif à la rupture de son contrat de travail sous réserve que ce préjudice moral, découlant des circonstances brutales et humiliantes de son licenciement soit distinct de celui résultant de la rupture proprement dite. » Faute d’éléments caractérisant des circonstances vexatoires, la demande est rejetée, ce qui préserve la logique de non‑cumul des réparations.
La prétention relative aux congés payés non pris est également écartée, en l’absence de preuve d’une impossibilité de prise imputable à l’employeur. La cour confirme la décision entreprise, en énonçant que « Le jugement frappé d’appel sera en conséquence confirmé de ce chef. » Cette solution s’accorde avec la charge de la preuve pesant sur le demandeur à la créance salariale.
L’arrêt fixe ainsi une grille claire de calcul des indemnités et borne les chefs accessoires non étayés, tout en réaffirmant la vigilance particulière requise lorsque des contrats à durée déterminée successifs masquent un besoin pérenne dans un service public local.