Cour d’appel de Nouméa, le 4 septembre 2025, n°24/00048

Cour d’appel de Nouméa, 4 septembre 2025, chambre sociale. Un salarié licencié pour faute grave conteste la rupture, l’employeur invoquant des consignes ignorées et des dégradations sur des vitrages professionnels. Engagé en contrat à durée indéterminée comme agent d’entretien, l’intéressé a nettoyé des vitres d’un hall d’exposition avec un outil abrasif, malgré des rappels. Il a été mis à pied à titre conservatoire, convoqué à entretien préalable, puis licencié pour faute grave par une lettre circonstanciée. Le premier juge a retenu une cause réelle et sérieuse, mais écarté la faute grave, allouant préavis, congés afférents, salaire de la mise à pied et indemnité de licenciement. Appels principal et incident portent l’un sur l’absence de cause, l’autre sur la qualification de faute grave, avec demandes financières corrélatives.

La question portait, d’une part, sur la matérialité des faits et l’incidence d’une erreur de date dans la lettre de rupture, d’autre part, sur la qualification disciplinaire. La cour retient des témoignages concordants que les consignes ont été méconnues et que des dommages ont été causés, tout en relevant que « Toutefois, cette erreur matérielle n’affecte pas la validité du licenciement. » Elle confirme l’existence d’une cause réelle et sérieuse mais exclut la faute grave, au regard d’un comportement isolé sans antécédents.

I. L’appréciation des faits et de la lettre de licenciement

A. La matérialité des faits et la preuve testimoniale

La cour motive sa décision par une analyse serrée des attestations délivrées par le donneur d’ordres, le responsable de chantier et un équipier. Les dépositions convergent sur la remise d’un matériel adéquat, la répétition des consignes et l’usage persistant d’un grattoir inadapté, à l’origine de rayures substantielles. La circonstance que le coordinateur n’ait reçu sa désignation officielle qu’après l’incident ne prive pas d’autorité ses directives opérationnelles, retenues comme régulières. En référant aux « témoignages concordants invoqués par l’employeur », l’arrêt consacre un standard probatoire classique en droit du travail, où la cohérence des récits vaut preuve suffisante en l’absence d’éléments contraires.

Le contrôle opéré se déploie dans le cadre fixé par la lettre de rupture, qui délimite le litige et oblige l’employeur à la précision factuelle. La cour relève une discordance sur la date mentionnée, sans lien avec l’identification du chantier ni la description des manquements. Elle énonce que « Toutefois, cette erreur matérielle n’affecte pas la validité du licenciement. » La solution s’accorde avec la jurisprudence sur la portée des irrégularités non substantielles de la lettre, pourvu que les faits soient déterminés et contrôlables.

B. L’incidence limitée de l’irrégularité de date

La mention erronée du jour des faits, isolée et rectifiable par les pièces, ne vicie pas la procédure dès lors que l’intéressé identifie précisément les reproches. L’arrêt refuse d’ériger la formalité en fin de non‑recevoir, préférant un examen au fond fondé sur l’intelligibilité de la motivation et la défense effective. Cette orientation évite une nullité automatique, réservant la censure aux hypothèses d’imprécision empêchant toute contradiction utile. Elle participe d’une conception finaliste des exigences formelles, cohérente avec la fonction informative de la lettre de licenciement.

Cette mise au point procédurale conditionne la suite du raisonnement, en laissant intact le périmètre des griefs articulés et en autorisant leur qualification au regard du droit disciplinaire.

II. La qualification de la faute et ses conséquences

A. La cause réelle et sérieuse caractérisée

Le non‑respect réitéré de directives claires, concernant l’emploi d’un outil non abrasif, conjugué à un dommage matériel immédiat et significatif, constitue une cause réelle et sérieuse. L’arrêt retient un manquement aux obligations contractuelles d’exécution consciencieuse et loyale, insusceptible d’excuse au regard de l’information délivrée et de la simplicité des consignes. La formule selon laquelle le salarié « a commis une faute qui justifiait son licenciement » reflète un contrôle de proportion, s’attachant aux faits précis plutôt qu’à des considérations abstraites. La solution est conforme à la conception objective de la cause, appréciée selon des critères de réalité, de précision et de gravité suffisante.

Cette qualification entraîne la confirmation de la rupture, tout en invitant à mesurer la sanction au degré de gravité requis pour écarter les indemnités de rupture attachées à une faute non qualifiée de grave.

B. L’exclusion de la faute grave et les effets indemnitaires

La juridiction de premier degré avait déjà écarté la faute grave en relevant l’isolement des faits et l’absence d’antécédents. L’arrêt rapporte que « Le tribunal du travail a refusé de qualifier le comportement du salarié de faute grave, compte tenu de l’absence d’antécédents disciplinaires et du caractère isolé de la faute. » Il ajoute, dans une claire approbation, que « Reprenant cette analyse à son compte, la cour confirmera le jugement entrepris en toutes ses dispositions ». Il s’en déduit que la poursuite du contrat n’était pas impossible ne serait‑ce que pendant le préavis, seuil caractéristique de la faute grave.

La conséquence pratique est double: ouverture du droit au préavis avec congés afférents, au rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, et à l’indemnité de licenciement; maintien, en revanche, de la rupture pour cause réelle et sérieuse. Le dispositif l’exprime sans ambiguïté par la formule « Confirme le jugement entrepris ; », marquant l’alignement sur l’économie du premier jugement et la cohérence des réparations accordées. Cette mesure équilibrée illustre une appréciation circonstanciée de la gravité, attentive à la proportion entre manquement, antécédents et effets contractuels.

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