- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Par un arrêt rendu par la Cour d’appel d’Orléans le 11 septembre 2025, la chambre commerciale statue sur un litige de transport d’un engin de chantier endommagé avant livraison. Un chargeur sur pneus devait être acheminé vers un chantier le 23 juillet 2020, lorsque un incident est survenu à proximité du lieu de destination, entraînant un refus de livraison et un retour immédiat chez l’expéditeur. Une expertise amiable a été menée, puis l’assureur subrogé et l’expéditrice ont recherché la responsabilité du transporteur au titre de l’obligation de résultat. Le tribunal de commerce a rejeté les prétentions au fond, tout en déclarant l’action recevable, décision frappée d’appel par les demanderesses. La cour devait d’abord apprécier la fin de non‑recevoir tirée de l’article L.133‑3 du code de commerce, puis, au fond, juger si les éléments versés, principalement une expertise amiable non contradictoire, suffisaient à établir le dommage imputable au transport.
I. La recevabilité au prisme de la réception effective
A. Définition de la réception et articulation avec l’article L.133‑3
La fin de non‑recevoir suppose une réception qui déclenche le délai de protestation, ce qui implique une remise acceptée par le destinataire. La cour rappelle avec netteté que « la réception de la marchandise qui sert de point de départ au délai de trois jours de l’article L.133-3 précité s’entend de la prise de livraison effective, soit la remise physique de la marchandise au destinataire ou à son représentant qui l’accepte ». La solution, classique, sépare le paiement du prix du transport de la matérialité d’une réception, laquelle requiert une acceptation effective et non équivoque. L’économie de l’article L.133‑3 demeure ainsi d’interprétation stricte, afin d’éviter qu’une présomption informelle de livraison ne vaille purge anticipée des recours.
B. Application au refus de livraison et portée de la solution
Les juges relèvent que « en l’espèce, il ressort des éléments du dossier que le destinataire n’a pas réceptionné la machine et a ordonné son retour chez l’expéditeur ». Cette constatation suffit à écarter la fin de non‑recevoir tirée du défaut de protestation dans les trois jours, l’absence de remise acceptée empêchant l’écoulement du délai. La cour confirme dès lors la recevabilité de l’action, tout en précisant qu’un règlement de facture ne crée ni réception, ni présomption de livraison. La solution, conforme à la finalité protectrice du régime, rappelle aux opérateurs l’importance de formaliser la prise de livraison, notamment lors de livraisons refusées ou interrompues.
II. La preuve de l’avarie et de son imputabilité au transport
A. Principe jurisprudentiel relatif à l’expertise non judiciaire
Au fond, l’obligation de résultat du transporteur n’exonère pas le demandeur de prouver un dommage imputable au transport, par des éléments probants et, idéalement, contradictoires. La cour vise un principe clair: « le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, et ce même si la partie à laquelle est opposée l’expertise a été régulièrement appelée aux opérations d’expertise et le rappport soumis à la discussion desdites parties » (3e civ., 14 mai 2020, n° 19‑16.278). Le rappel s’inscrit dans une ligne constante qui subordonne la force probante des rapports unilatéraux à l’existence d’indices externes convergents, ou à une contradiction réellement assurée.
B. Appréciation des éléments et conséquences pratiques
La cour constate l’absence de constat d’accident, l’incertitude sur le lieu et les circonstances, et des versions divergentes quant au déroulement des faits, les seuls dégâts établis paraissant circonscrits à des bris de glace. L’expertise amiable, non contradictoire, n’est corroborée par aucun élément extérieur décisif, de sorte que l’imputabilité au transport n’est pas démontrée avec la certitude requise. Le rejet des demandes au fond, confirmé, s’inscrit dans une exigence probatoire cohérente avec le contrôle du juge sur la valeur des preuves unilatérales. La décision souligne, pour la pratique, la nécessité d’organiser sans délai des constats, de solliciter en référé une expertise judiciaire, et de collecter des preuves contextualisées du sinistre. Elle rappelle également que l’obligation de résultat ne renverse pas la charge d’établir des faits précis d’avarie et de causalité, spécialement lorsque la livraison a été refusée et que les circonstances demeurent incertaines.