- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
La Cour d’appel d’Orléans, chambre sociale, 11 septembre 2025, se prononce sur l’annulation d’une sanction disciplinaire et sur le bien-fondé d’un licenciement motivé par des inexactitudes dans un rapport d’activité. Le jugement du conseil de prud’hommes de Tours du 28 mars 2023 avait annulé une suspension temporaire de 2019, rejeté les griefs de harcèlement et de discrimination, et dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, en allouant diverses sommes au salarié. L’employeur a relevé appel, le salarié a conclu à la nullité du licenciement ou, à tout le moins, à l’aggravation de l’indemnisation.
Les faits tiennent d’abord à une suspension temporaire de cinq jours infligée en octobre 2019 à raison d’un départ anticipé et de justifications fluctuantes. Ils tiennent ensuite à une procédure de licenciement engagée fin 2020, fondée sur la rédaction erronée d’un suivi d’activité du 4 novembre 2020 et sur la présence au local avant la fin nominale du service. Le conseil de discipline avait donné un avis partagé, puis l’employeur avait notifié un licenciement pour faute grave en janvier 2021.
La cour confirme l’annulation de la sanction de 2019 pour disproportion, écarte toute qualification de harcèlement moral et de discrimination, et retient l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, sans faute grave. Elle statue encore sur l’irrecevabilité d’une demande d’augmentation du quantum non formée dans le dispositif des premières conclusions, et valide l’application du barème légal d’indemnisation. Elle précise enfin l’absence d’astreinte pour la remise des documents de fin de contrat.
I. Le sens de la décision
A. Le contrôle de proportionnalité de la suspension de 2019
La juridiction du fond rappelle le cadre légal du pouvoir disciplinaire, notamment l’office du juge en cas de litige disciplinaire et la règle probatoire favorable au salarié: « Si un doute subsiste, il profite au salarié. » L’argumentation s’appuie aussi sur la convention collective de branche, qui distingue les sanctions de premier degré des sanctions de second degré, dont la suspension temporaire sans solde.
La cour relève que l’employeur a infligé une sanction de second degré pour un abandon de poste unique, assorti d’explications contradictoires, alors que le salarié ne présentait aucun antécédent disciplinaire. Elle admet la possibilité d’individualiser la réponse disciplinaire, mais censure le choix de l’échelle de gravité au regard de l’historique du salarié. Le motif est formulé sans ambiguïté: « La sanction est donc disproportionnée à la faute commise. Elle y a donc lieu de l’annuler. » Le rappel de salaire afférent est en conséquence dû, sans octroi de dommages-intérêts faute de grief correctement saisi dans le dispositif initial de l’appel incident.
La portée de cette censure tient à l’articulation entre la gradation conventionnelle des sanctions et la proportionnalité concrète. La suspension temporaire comme sanction de second degré n’est pas illégale en soi; elle devient excessive lorsqu’aucun passé disciplinaire n’étaye la sévérité retenue. Le contrôle exercé se concentre sur l’adéquation, non sur la qualification abstraite de la faute.
B. L’absence de harcèlement et de discrimination au vu des éléments établis
La cour applique la méthode probatoire des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. Elle examine l’ensemble des éléments invoqués, prend en compte la matérialité des faits, et apprécie s’ils laissent supposer un harcèlement. Elle retient ici l’insuffisance des éléments relatifs aux plannings et à une prétendue surcharge, faute de pièces suffisantes, et constate que les autres faits sont établis mais étrangers au harcèlement.
Deux extraits fondent l’analyse. D’une part, concernant la surveillance alléguée: « Il ressort de ces pièces non pas une surveillance excessive et prohibée mais un simple contrôle de l’activité de salariés qui entre dans l’exercice normal du pouvoir de direction et de contrôle de tout employeur. » D’autre part, quant à la qualification juridique: « Il résulte de ces éléments que les faits matériellement établis sont étrangers à tout harcèlement moral. » La différenciation des sanctions avec un collègue ne révèle pas davantage une discrimination, l’employeur apportant une justification objective et aucun motif prohibé n’étant allégué ni établi.
Ce raisonnement, sobre et structuré, illustre l’examen global des indices, en distinguant contrôle légitime de surveillance attentatoire, et en replaçant les sanctions comparées dans leur contexte. La cour refuse d’ériger en harcèlement soit la répression d’un manquement caractérisé, soit une pratique de contrôle ponctuel de l’activité.
II. La valeur et la portée
A. La faute grave écartée et l’indemnisation encadrée par le barème
Sur le licenciement, la lettre fixe les limites du litige. Les griefs tiennent à des mentions erronées du rapport d’activité et à la présence au local avant la fin nominale du service. La cour constate des erreurs dans le suivi et retient une faute. Elle souligne toutefois l’existence d’un doute sur l’heure exacte de la débauche, et la nécessité de temps pour la rédaction du compte rendu. Surtout, l’ancienneté et les circonstances ne rendaient pas impossible la poursuite du contrat.
Le dispositif analytique aboutit alors à cette formule: « Par voie de confirmation du jugement, il y a lieu de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse. » La faute n’atteint ni l’intensité ni l’immédiateté exigées par la faute grave, et la rupture ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse. L’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de licenciement sont dues; l’employeur supporte en outre le remboursement partiel des allocations chômage conformément à l’article L. 1235-4.
La cour valide expressément l’office du juge dans le cadre du barème légal d’indemnisation, réaffirmant sa conformité aux exigences d’adéquation et de dissuasion: « Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT. » La fixation à 9 293,12 euros bruts respecte l’échelle liée à l’ancienneté et à la rémunération, appréciée au vu des circonstances concrètes.
Cette solution confirme une ligne désormais stabilisée. Le juge du fond exerce un contrôle serré sur la qualification de la faute et sur la proportionnalité de la sanction ultime, tout en s’inscrivant pleinement dans l’économie du barème, qu’il applique en tenant compte de l’ensemble des données personnelles et professionnelles pertinentes.
B. La rigueur procédurale du dispositif en appel et l’office du juge
L’arrêt apporte une précision utile concernant l’effet dévolutif et la délimitation des prétentions à l’appel. La cour note que la demande d’augmentation des dommages et intérêts n’avait pas été formulée dans le dispositif des premières conclusions. Elle en déduit que la juridiction d’appel n’était pas régulièrement saisie de ce chef.
L’énoncé est clair et pédagogique: « La cour n’est donc saisie par le salarié d’aucune demande tendant à l’augmentation du montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui lui ont été alloués par le conseil de prud’hommes. » La référence à la jurisprudence récente de la deuxième chambre civile confirme l’exigence: l’objet du litige est fixé par le dispositif, non par les motifs des conclusions, et l’irrecevabilité frappe la prétention tardive.
La portée pratique est importante. Les parties doivent formuler sans ambiguïté, dès leurs premières écritures, les chefs d’infirmation sollicités et les prétentions incidentes ou subsidiaires affectant le quantum. À défaut, la cour ne peut déroger à la règle, même lorsque l’évaluation de l’indemnité relève du pouvoir souverain d’appréciation dans l’enceinte du barème.
Ainsi se dessine une décision cohérente qui articule trois exigences complémentaires: proportionnalité de la sanction disciplinaire, qualification précise de la faute au regard de la rupture, et rigueur de la saisine en appel. L’employeur voit confirmée la licéité d’un contrôle raisonnable de l’activité; le salarié obtient l’annulation d’une sanction disproportionnée et la réparation barémisée d’un licenciement injustifié. L’ensemble s’inscrit dans une jurisprudence attentive à la mesure, tant quant au fond que quant à la procédure.