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La Cour d’appel d’Orléans, 11 septembre 2025, statue sur un crédit affecté conclu pour financer une installation photovoltaïque. L’emprunteur, démarché à domicile, ne lisait ni n’écrivait le français. Il invoquait des manœuvres du préposé du fournisseur, qui lui aurait fait signer le contrat de crédit sans explications adéquates, alors qu’il ne comprenait pas la langue du contrat.
En première instance, le juge des contentieux de la protection d’Orléans, 17 novembre 2023, avait constaté la résiliation du prêt et condamné l’emprunteur au paiement du solde avec intérêts contractuels, après réduction de l’indemnité légale. L’emprunteur a interjeté appel, sollicitant principalement l’annulation du contrat de crédit pour dol, et subsidiairement des dommages et intérêts. Le prêteur concluait à la confirmation, à l’irrecevabilité de la demande d’annulation du seul crédit, et à la condamnation de l’emprunteur.
La question posée comportait deux volets. D’abord, l’emprunteur pouvait-il demander la nullité du crédit indépendamment du contrat principal, sur le fondement d’un dol imputé au préposé intervenu lors de la souscription. Ensuite, l’annulation du crédit justifiait-elle, malgré tout, la restitution du capital prêté, en l’absence de preuve d’un dysfonctionnement de l’installation financée.
La cour répond positivement au premier point et confirme la logique restitutoire au second. Elle rappelle que « le contrat de crédit est susceptible d’être annulé pour des causes qui lui sont propres (v. par ex. Civ. 1, 5 mai 2025, n° 23-19.064) ». Elle caractérise un dol au sens des articles 1137 et 1138 du code civil et prononce l’annulation du crédit. Toutefois, elle décide que l’emprunteur doit restituer le capital, à défaut de démonstration d’une faute du prêteur causant un préjudice compensable. Il convient d’exposer le sens de la décision, puis d’en apprécier la valeur et la portée.
I. La nullité autonome du crédit affecté pour dol du représentant
A. L’action en nullité du seul crédit est recevable
La cour écarte l’argument tiré du caractère prétendument accessoire et indissociable du crédit affecté. Elle retient que l’emprunteur n’attaque pas le crédit « en conséquence » de la vente, mais pour des causes propres au contrat de prêt. L’énoncé suivant structure le raisonnement et fixe le cadre de l’office du juge: « le contrat de crédit est susceptible d’être annulé pour des causes qui lui sont propres (v. par ex. Civ. 1, 5 mai 2025, n° 23-19.064) ».
La distinction est décisive. La nullité accessoire suppose d’abord l’anéantissement de la vente. La nullité autonome procède des vices du consentement au prêt lui-même. La cour installe clairement la seconde voie, conforme au droit commun des obligations, sans exiger l’appel en la cause du fournisseur.
Cette solution sécurise l’accès du consommateur au juge du crédit lorsque le vice affecte le processus de souscription du prêt. Elle évite un détour contentieux par la vente, inutile lorsque le grief vise l’obtention du consentement au financement et non l’exécution du contrat principal.
B. La caractérisation du dol par référence aux articles 1137 et 1138
La cour rappelle la définition légale: « Selon l’article 1137 du code civil, le dol est le fait, pour un contractant, d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges. » Elle ajoute: « Aux termes de l’article 1138, le dol est également constitué s’il émane du représentant, gérant d’affaires, préposé ou porte-fort du contractant. » Enfin: « Il l’est encore lorsqu’il émane d’un tiers de connivence. »
Les juges du fond constatent que l’emprunteur ne comprenait pas la langue du contrat et qu’un préposé intervenu lors du démarchage l’a fait signer. Ils retiennent des « man’uvres fautives caractéristiques d’un dol » dans le contexte d’une absence de compréhension linguistique connue de l’intervenant. L’analyse ne se fonde pas sur l’ignorance de la langue en tant que telle, mais sur la combinaison de cette ignorance et de la conduite du préposé.
La référence à l’article 1138 est centrale. L’imputation du dol au « représentant » ou « préposé » du contractant rattache directement le vice au prêteur partie au crédit. La cour n’a donc pas besoin d’établir une connivence tierce. Elle rattache l’irrégularité au processus de formation du prêt et en tire la sanction: « Dès lors que le consentement des parties est l’une des conditions nécessaires à la validité d’un contrat », l’annulation s’impose au regard de l’article 1128.
II. Les effets de l’annulation et l’équilibre des restitutions
A. La rétroactivité de l’anéantissement et l’obligation de restitution
La cour rappelle les principes: « L’annulation du contrat entraîne son anéantissement rétroactif, en sorte que les parties doivent être replacées en l’état où elles se trouvaient avant sa conclusion. » Pour le crédit affecté, la règle est précisée: « L’annulation d’un contrat de crédit affecté emporte en conséquence pour l’emprunteur l’obligation de restituer au prêteur le capital prêté, déduction faite, le cas échéant, des échéances réglées. »
En l’espèce, l’emprunteur n’établit pas le moindre dysfonctionnement de l’installation. Il a conservé le bien financé et n’a pas exercé d’action contre le fournisseur. La cour en déduit l’obligation de restituer le capital, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, plutôt qu’au taux contractuel, ce qui rééquilibre la charge financière.
Le mécanisme restitutif reflète la logique de l’anéantissement rétroactif: le financement disparaît, mais le bien subsiste chez l’emprunteur. Restituer le capital évite un enrichissement sans cause, tout en purgeant le contrat vicié des accessoires onéreux liés au taux convenu.
B. Les limites à la restitution et la portée pratique de la solution
La cour circonscrit une exception nette: « L’emprunteur ne peut échapper à une telle restitution que s’il parvient à démontrer que le prêteur a commis une faute en libérant les fonds, laquelle lui permet d’obtenir des dommages et intérêts venant se compenser avec le capital emprunté. » Elle ajoute: « Dans cette dernière hypothèse toutefois, l’emprunteur demeure tenu de restituer le capital s’il ne justifie d’aucun préjudice en lien avec la faute du prêteur. »
Ces attendus tracent une ligne d’équilibre. Ils protègent l’emprunteur contre une libération fautive des fonds, par exemple en cas de versement malgré des irrégularités manifestes, mais exigent la preuve d’un préjudice corrélatif. À défaut, la restitution du capital s’impose, même si le crédit est annulé pour dol lors de la formation.
La solution incite les prêteurs à mieux encadrer leurs réseaux de distribution et leurs mandataires. Elle encourage des dispositifs de vérification de la compréhension linguistique, une information adaptée en cas de démarchage, et des pratiques de signature séparée clarifiant les rôles des intervenants. Elle ferme toutefois la voie à une exonération générale de restitution en l’absence de grief probant sur le déblocage des fonds.
La portée jurisprudentielle est double. Sur le terrain de la formation, l’arrêt conforte l’application de l’article 1138 au crédit affecté, en admettant que le dol du préposé intervenu à la souscription viciait le consentement au prêt. Sur celui des effets, il réaffirme une restitution principielle maîtrisée par l’exigence de preuve, maintenant un équilibre entre protection du consentement et prévention de l’enrichissement indu.
Ainsi, l’articulation entre nullité autonome du crédit et restitution du capital se trouve clarifiée. La citation initiale le rappelle avec force et clarté: le crédit peut être annulé « pour des causes qui lui sont propres », mais la sanction n’efface pas la dette de restitution, sauf démonstration d’une faute imputable au prêteur causant un préjudice compensable.