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La présente décision de la Cour d’appel d’Orléans du 13 août 2025 illustre la rigueur du contentieux de l’exécution en matière de saisie-attribution. Elle s’inscrit dans un litige familial opposant deux sœurs au sujet du recouvrement de condamnations prononcées au titre de l’article 700 du Code de procédure civile lors de procédures antérieures.
Une saisie-attribution a été pratiquée le 21 décembre 2023 pour un montant de 6 178,34 euros et dénoncée le lendemain à la débitrice. Cette dernière a contesté la mesure par assignation devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Orléans le 19 janvier 2024. Le juge de l’exécution, par jugement du 15 juillet 2024, a déclaré cette contestation irrecevable au motif que la preuve de la dénonciation de la contestation au commissaire de justice, exigée dans le délai légal, n’était pas rapportée. L’appelante a interjeté appel le 7 août 2024.
Devant la cour, la contestataire soutenait avoir respecté les délais en produisant une attestation de l’huissier instrumentaire certifiant l’envoi d’une lettre recommandée le jour même de l’assignation ainsi qu’une confirmation d’achat d’une vignette d’affranchissement électronique. L’intimée opposait l’insuffisance probatoire de ces éléments.
La question posée à la cour était de savoir si l’achat d’une vignette d’affranchissement électronique et l’attestation d’un huissier suffisent à établir la preuve du dépôt effectif de la dénonciation de contestation dans le délai prescrit par l’article R. 211-11 du Code des procédures civiles d’exécution.
La Cour d’appel d’Orléans confirme le jugement. Elle retient que l’attestation de l’huissier constitue un simple témoignage et non un acte authentique, de sorte que « son contenu ne saurait valoir jusqu’à inscription de faux ». Elle constate que l’appelante « ne démontre pas l’utilisation de la vignette électronique pour la dénonciation de saisie qui devait être faite le même jour ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant » faute de produire « un message électronique émanant de la poste attestant le dépôt du courrier en temps utile ».
Cette décision invite à examiner la charge de la preuve en matière de dénonciation de contestation (I) avant d’apprécier la valeur probatoire accordée aux éléments produits (II).
I. L’exigence d’une preuve positive du dépôt de la dénonciation
La cour rappelle le caractère impératif du formalisme entourant la contestation de saisie-attribution (A) tout en précisant les contours de la charge probatoire incombant au contestant (B).
A. Le formalisme de la contestation de saisie-attribution
L’article R. 211-11 du Code des procédures civiles d’exécution impose au débiteur saisi qui entend contester une saisie-attribution de dénoncer cette contestation au commissaire de justice ayant procédé à la saisie par lettre recommandée avec demande d’avis de réception le jour même de l’assignation ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant. Ce formalisme, prescrit à peine d’irrecevabilité, vise à assurer l’information rapide de l’huissier instrumentaire afin qu’il ne procède pas au paiement des sommes saisies.
En l’espèce, l’assignation ayant été délivrée le vendredi 19 janvier 2024, la dénonciation devait intervenir au plus tard le lundi 22 janvier 2024. La cour relève que si le délai d’un mois pour saisir le juge de l’exécution a été respecté, la question porte sur le respect du délai de dénonciation au commissaire de justice.
Cette exigence temporelle stricte traduit la volonté du législateur de préserver la sécurité juridique des opérations de saisie. Elle protège tant le créancier saisissant, qui doit pouvoir compter sur la stabilité de la mesure, que le tiers saisi, qui doit savoir s’il peut se libérer entre les mains du créancier.
B. La charge de la preuve incombant au contestant
La cour confirme que la charge de la preuve du respect des formalités prescrites pèse sur celui qui conteste la saisie. L’appelante devait donc établir non seulement l’expédition mais surtout le dépôt effectif de la lettre recommandée dans le délai imparti.
Le juge de l’exécution avait relevé que « ni la preuve de dépôt, ni l’avis de réception signé, ni aucun document relatif au caractère non réclamé du courrier recommandé ne sont produits ». La cour d’appel reprend cette analyse en constatant que l’appelante « ne produit pas de message électronique émanant de la poste attestant le dépôt du courrier en temps utile ».
Cette exigence probatoire apparaît logique. L’achat d’une vignette d’affranchissement ne préjuge pas de son utilisation effective ni de la date de dépôt du courrier. Une vignette électronique peut être acquise sans être jamais apposée sur un pli ou être utilisée ultérieurement. La cour applique ici les principes classiques du droit de la preuve selon lesquels il appartient à celui qui invoque l’accomplissement d’une formalité d’en rapporter la démonstration.
II. L’appréciation de la valeur probatoire des éléments produits
La cour se prononce sur la force probante de l’attestation de l’huissier (A) et sur l’insuffisance des preuves d’achat de la vignette électronique (B).
A. La qualification de l’attestation de l’huissier en simple témoignage
L’appelante produisait une attestation établie le 27 mars 2024 par l’huissier de justice ayant signifié l’assignation, certifiant que « le même jour, une lettre recommandée avec avis de réception aux fins de dénoncer la contestation a été adressée » au commissaire de justice ayant pratiqué la saisie. Elle soutenait que cette attestation « vaut jusqu’à inscription de faux ».
La cour rejette cette prétention en opérant une distinction fondamentale. Elle énonce que « s’il s’agit seulement d’un témoignage et non d’un acte d’huissier, son contenu ne peut être considéré comme valant jusqu’à inscription de faux ». Cette qualification emporte des conséquences probatoires majeures. L’acte authentique dressé par un officier public fait foi jusqu’à inscription de faux des faits que l’officier a personnellement constatés dans l’exercice de ses fonctions. En revanche, une attestation rédigée postérieurement pour relater des faits passés ne bénéficie pas de cette force probante renforcée.
La cour précise par ailleurs que « les formalités de l’article 202 du Code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité », admettant ainsi l’attestation comme élément de preuve sans l’écarter pour un vice de forme. Elle juge néanmoins cet élément insuffisant à lui seul pour établir le dépôt effectif du courrier.
B. L’insuffisance de la preuve d’achat de la vignette électronique
L’appelante versait aux débats un courrier électronique de La Poste daté du 19 janvier 2024 confirmant l’achat d’une vignette d’affranchissement recommandé en ligne. Le premier juge avait observé que « son achat ne permet pas à lui seul d’établir que la dénonciation a été envoyée au plus tard le lundi 22 janvier 2024 ».
La cour confirme cette analyse en relevant que l’appelante « ne démontre pas l’utilisation de la vignette pour la dénonciation de saisie ». La preuve de l’achat d’un affranchissement n’équivaut pas à la preuve du dépôt du courrier. La Poste délivre, lors du dépôt effectif d’un envoi recommandé, un message électronique distinct attestant de la prise en charge du pli avec horodatage.
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante exigeant des preuves tangibles du respect des délais de procédure. Le développement des moyens électroniques de correspondance facilite pourtant la conservation de telles preuves. L’absence de production du message de confirmation de dépôt, élément aisément accessible, affaiblit considérablement la position du contestant.
La décision rappelle ainsi aux praticiens l’impérieuse nécessité de conserver l’ensemble des justificatifs de dépôt des correspondances procédurales. La dématérialisation des services postaux offre des outils de traçabilité qui, faute d’être produits, se retournent contre celui qui prétend avoir accompli les diligences requises.