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La soumission d’un couple surendetté à l’obligation de céder sa résidence principale constitue une question récurrente dans le contentieux du surendettement des particuliers. La cour d’appel d’Orléans, par un arrêt du 13 août 2025, se prononce sur la légitimité d’une telle mesure au regard des capacités de remboursement des débiteurs.
Un couple avait saisi la commission de surendettement des particuliers. Par un avis du 28 décembre 2023, cette commission imposait un rééchelonnement des dettes sur vingt-quatre mois, subordonné à la vente de leur bien immobilier et à la restitution de deux véhicules en location avec option d’achat. Les débiteurs contestaient ces mesures.
Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montargis, par jugement du 19 septembre 2024, déclarait la contestation recevable. Il fixait les créances aux montants arrêtés par la commission et ordonnait le remboursement selon un tableau annexé, tout en maintenant l’obligation de vente de l’immeuble servant de résidence principale. Les débiteurs interjetaient appel le 17 octobre 2024.
Les appelants sollicitaient un étalement de leurs dettes sur quinze à vingt ans afin de conserver leur résidence principale, héritée d’un membre de leur famille. Ils exposaient que ce bien valait trente mille euros et qu’ils avaient contracté des crédits pour le restaurer. L’un des créanciers demandait la confirmation du jugement.
La question posée à la cour d’appel d’Orléans était de déterminer si la vente forcée de la résidence principale des débiteurs surendettés pouvait être ordonnée lorsque leur capacité de remboursement ne permet pas d’apurer l’intégralité des dettes dans le délai légal de sept ans.
La cour confirme le jugement entrepris. Elle relève que le premier juge avait retenu des ressources mensuelles de 2 928,80 euros, des charges de 2 349 euros et une capacité de remboursement de 579,80 euros. Face à un endettement total de 129 625,30 euros, la cour juge que « l’endettement total du débiteur ne pourrait être réglé suivant un rééchelonnement de sept années alors que la vente du bien immobilier permettrait de régler intégralement les dettes ». Elle qualifie la proposition d’échelonnement sur quinze à vingt ans d’« irréaliste » et conclut que « la seule solution saine à la situation actuelle réside dans la vente du bien immobilier ».
Cet arrêt illustre l’articulation entre le respect du délai légal maximal de rééchelonnement et la protection du logement des personnes surendettées (I). Il met également en lumière l’appréciation par le juge du caractère réaliste des propositions alternatives formulées par les débiteurs (II).
I. La primauté du délai légal de sept ans sur la conservation de la résidence principale
L’arrêt de la cour d’appel d’Orléans rappelle l’existence d’une limite temporelle impérative au rééchelonnement des dettes (A), ce qui conduit à subordonner la protection du logement à l’effectivité du désendettement (B).
A. Le caractère impératif du délai maximal de rééchelonnement
Le code de la consommation encadre strictement la durée des mesures de traitement du surendettement. L’article L. 733-1 dispose que les mesures de rééchelonnement ne peuvent excéder sept années. Ce délai constitue une limite impérative que ni la commission ni le juge ne sauraient dépasser.
La cour d’appel d’Orléans fonde sa décision sur ce constat arithmétique. Avec une capacité de remboursement mensuelle de 579,80 euros, le couple ne pourrait rembourser en sept ans que 48 703,20 euros environ. Or l’endettement total s’élève à 129 625,30 euros. Le calcul révèle une impossibilité mathématique de parvenir au désendettement dans le délai légal par le seul rééchelonnement. La cour retient ainsi que « l’endettement total du débiteur ne pourrait être réglé suivant un rééchelonnement de sept années ».
Cette motivation s’inscrit dans une jurisprudence constante. La Cour de cassation veille au respect de cette durée maximale et censure les décisions qui l’excèdent. Le délai de sept ans protège les créanciers contre une paralysie excessive de leurs droits tout en permettant aux débiteurs de retrouver une situation financière saine dans un temps raisonnable.
B. La subordination de la protection du logement à l’objectif de désendettement
Le législateur a certes prévu une protection de la résidence principale des personnes surendettées. L’article L. 733-3 du code de la consommation prévoit que le plan peut comporter des mesures relatives aux conditions de remboursement permettant au débiteur de conserver son logement. Cette protection n’est pas absolue. Elle cède devant l’impossibilité d’atteindre l’objectif de rétablissement de la situation du débiteur.
La cour d’appel d’Orléans opère une mise en balance entre deux intérêts. D’un côté, la conservation par les débiteurs de leur résidence principale, bien hérité auquel ils sont attachés. De l’autre, la nécessité de parvenir à un apurement effectif des dettes dans le délai légal. La juridiction tranche en faveur du second intérêt. Elle qualifie la vente de « seule solution saine à la situation actuelle ».
Cette formulation révèle l’orientation de la cour. Le terme « saine » suggère que toute autre solution serait pathologique, c’est-à-dire contraire au bon fonctionnement du mécanisme du surendettement. La protection du logement apparaît ainsi comme un objectif secondaire, qui doit s’effacer lorsqu’il entre en conflit avec l’impératif d’un désendettement effectif.
II. Le rejet des propositions alternatives des débiteurs comme irréalistes
La cour d’appel d’Orléans écarte la demande d’échelonnement sur une durée prolongée en la qualifiant d’irréaliste (A). Cette appréciation soulève la question des critères retenus par le juge pour évaluer le caractère viable d’une proposition de remboursement (B).
A. La qualification d’irréalisme de la demande d’échelonnement prolongé
Les débiteurs sollicitaient un étalement de leurs dettes sur quinze à vingt ans. Cette durée leur aurait permis, avec leur capacité de remboursement mensuelle, de rembourser entre 104 364 euros et 139 152 euros. Le montant supérieur de cette fourchette excède l’endettement total de 129 625,30 euros. D’un point de vue strictement arithmétique, la proposition des débiteurs aurait pu permettre l’apurement des dettes.
La cour qualifie cette proposition d’« irréaliste ». Ce terme mérite analyse. Le réalisme invoqué ne renvoie pas à la faisabilité mathématique du remboursement. Il vise la conformité de la proposition au cadre légal. Une durée de quinze à vingt ans excède le délai maximal de sept ans prévu par l’article L. 733-1 du code de la consommation. La proposition est donc irréaliste au sens où elle se heurte à une impossibilité juridique.
La cour ne discute pas la possibilité d’effacer partiellement les dettes pour permettre un remboursement du solde sur sept ans tout en conservant le logement. L’article L. 733-1 du code de la consommation autorise pourtant l’effacement partiel des créances. Cette solution alternative n’est pas examinée dans les motifs de l’arrêt.
B. Les critères d’appréciation du caractère viable d’une solution de désendettement
L’arrêt de la cour d’appel d’Orléans révèle une conception particulière de la viabilité des solutions de traitement du surendettement. La juridiction retient que la vente du bien immobilier « permettrait de régler intégralement les dettes ». Ce critère d’apurement intégral apparaît comme déterminant dans le raisonnement de la cour.
Cette approche peut être discutée. Le mécanisme du surendettement n’a pas pour seul objectif l’apurement intégral des dettes. L’article L. 711-1 du code de la consommation vise le « rétablissement de la situation du débiteur ». Ce rétablissement peut passer par un effacement partiel des créances lorsque la situation du débiteur le justifie. La situation de handicap de l’un des époux, évoquée lors des débats, aurait pu constituer un élément d’appréciation.
L’arrêt met en lumière une tension inhérente au droit du surendettement. D’une part, le législateur souhaite protéger les débiteurs en difficulté et leur permettre de conserver leur logement. D’autre part, il impose des délais stricts qui limitent les possibilités d’aménagement. La juridiction d’appel privilégie une lecture stricte du cadre légal, sans explorer les marges de manœuvre que celui-ci pourrait offrir. Cette position traduit une conception du surendettement où l’intérêt des créanciers à obtenir un remboursement dans un délai raisonnable prévaut sur l’attachement des débiteurs à leur patrimoine immobilier.