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Par un arrêt de la cour d’appel d’Orléans, chambre commerciale, 24 juillet 2025, n° RG 23/01926, la juridiction tranche un litige relatif à l’exécution d’un engagement de caution et au devoir de mise en garde. Une société d’intermédiation automobile a ouvert un compte professionnel et obtenu une facilité de caisse, son dirigeant se portant caution solidaire dans la limite de 24 000 euros. Après un redressement judiciaire rapidement converti en liquidation, la banque a déclaré sa créance et poursuivi la caution en paiement.
Le tribunal de commerce a condamné la caution. En appel, la caution invoquait la disproportion manifeste de son engagement lors de la souscription et, subsidiairement, un manquement de la banque à son devoir de mise en garde. La banque sollicitait la confirmation de la condamnation et l’infirmation des délais. La question tenait, d’une part, à l’articulation de l’ancien article L. 341-4 du code de la consommation avec la situation patrimoniale au jour de l’appel, d’autre part, à l’existence et aux effets d’un devoir de mise en garde envers une caution non avertie.
La cour retient la disproportion de l’engagement lors de sa conclusion, tout en jugeant que le patrimoine ultérieur permettait l’exécution de l’obligation et autorisait la banque à se prévaloir du cautionnement. Elle constate un manquement au devoir de mise en garde et indemnise la caution sur le fondement d’une perte de chance, avec compensation légale des créances réciproques. Le jugement est confirmé pour le paiement, les intérêts, la capitalisation, les délais et la mesure conservatoire, et infirmé sur la demande indemnitaire.
I. Le régime de la disproportion du cautionnement et la prise en compte du patrimoine ultérieur
A. Les critères de la disproportion et la charge de la preuve
La cour rappelle d’abord la règle issue de l’ancien article L. 341-4. Elle énonce que « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ». Elle précise aussitôt le temps d’appréciation et les éléments pertinents en indiquant que « la disproportion s’apprécie à la date de conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l’engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution, en prenant en considération son endettement global ».
La charge probatoire est posée avec netteté. La cour retient que « c’est à la caution qui se prévaut des dispositions de l’article L. 332-1 de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle invoque ». Elle ajoute une précision sur l’obligation d’investigation du prêteur en énonçant que « le code de la consommation n’impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, mais s’il le fait, il est en droit de se fier aux renseignements communiqués par la caution, sauf existence d’anomalies apparentes ». L’ensemble pose un cadre probatoire exigeant, mais compatible avec la sécurité des relations bancaires.
B. L’appréciation in concreto et l’efficacité subsistante de la garantie
Au vu de revenus déclarés de 900 euros et d’un endettement préexistant portant le taux d’effort à 35 %, la cour retient que l’engagement de 24 000 euros était, lors de la conclusion, manifestement disproportionné. La motivation demeure pédagogique, car elle isole chaque donnée utile et écarte les éléments indifférents à ce stade. La bascule s’opère ensuite vers l’exception légale tenant au patrimoine au jour de l’appel.
La décision indique que « le créancier peut en outre démontrer que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où il l’a appelée en paiement ». Procédant à une valorisation nette, la cour intègre un immeuble recueilli par succession, son mode de détention, les loyers perçus et l’encours des prêts garantis. Elle déduit une valeur nette d’environ 37 000 euros, suffisante pour permettre l’exécution de l’obligation garantie. La solution est cohérente avec le texte, puisqu’elle maintient l’inopposabilité en cas de disproportion initiale, sauf preuve contraire rapportée sur le second temps d’appréciation.
II. Le devoir de mise en garde de la banque envers la caution non avertie
A. Les conditions d’existence du devoir et du manquement
La cour rappelle le périmètre du devoir avec une formule de principe. Elle énonce que « le banquier dispensateur de crédit, tenu d’un devoir de non-ingérence dans les affaires de sa clientèle, n’est débiteur d’aucune obligation de conseil envers la caution. Il est en revanche tenu d’un devoir de mise en garde envers la caution non avertie ». Elle précise l’assise de la responsabilité en ajoutant que « la responsabilité du banquier peut donc être engagée pour manquement à ce devoir, en application de l’article 1231-1 du code civil ».
L’appréciation du caractère non averti s’appuie sur l’absence de formation financière et de compétence en gestion, l’expérience opérationnelle sectorielle demeurant sans incidence décisive. La cour rattache ensuite le devoir au jour de la conclusion et à un « risque d’endettement excessif », caractérisé ici par des revenus modestes, un endettement en cours et un plafond de garantie élevé. Elle retient, enfin, que des concours supérieurs aux prévisions ont accru le risque supporté par la caution et que la banque « ne justifie ni même n’allègue avoir mis en garde » l’intéressé, ce qui consomme le manquement.
B. La réparation par perte de chance et son articulation avec l’action en paiement
La cour adopte le standard indemnitaire classique. Elle rappelle que « la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue; elle ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance ». Le taux est ici fixé à 50 %, au regard d’un risque de défaillance déjà sérieux à la date de l’engagement et de l’absence d’actifs disponibles. La somme allouée atteint 12 500 euros, ce qui reflète une quantification proportionnée au plafond garanti.
L’articulation entre l’indemnisation et l’action en paiement est résolue par la compensation légale. La cour énonce que « en application de l’article 1347 du code civil, les dettes respectives des parties se compenseront à due concurrence ». L’exécution de la garantie demeure donc possible, mais l’indemnité vient réduire le solde exigible. La cour confirme, en cohérence, les intérêts au taux légal avec capitalisation, les délais de paiement accordés sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil, et le maintien de la mesure hypothécaire à titre conservatoire.
Cette décision concilie strictement la protection de la caution par le contrôle de la proportionnalité et du devoir de mise en garde avec l’impératif de sécurité du crédit. Le double temps d’appréciation, d’abord au jour de la conclusion, ensuite au jour de l’appel, assure un équilibre pragmatique, la réparation par perte de chance garantissant une réponse adéquate au défaut d’alerte sans paralyser la sûreté.