Cour d’appel de Orléans, le 24 juillet 2025, n°23/02264

Now using node v22.15.1 (npm v10.8.2)
Utilisation de Node.js v20.19.4 et npm 10.8.2
Codex est déjà installé.
Lancement de Codex…
Rendue par la chambre commerciale de la Cour d’appel d’Orléans le 24 juillet 2025 (n° RG 23/02264), la décision tranche un litige né d’un crédit affecté finançant l’acquisition d’un véhicule d’occasion. L’emprunteur ayant cessé ses paiements, le prêteur a prononcé la déchéance du terme et a sollicité sa condamnation. Le premier juge a rejeté l’action pour défaut de preuve de la livraison au sens de l’article L. 312-48 du code de la consommation. En appel, l’intimé est demeuré défaillant, et l’appelante sollicite l’infirmation intégrale, la fixation de la créance et l’allocation de frais.

Les faits pertinents tiennent à une offre acceptée en novembre 2018, à des impayés persistants malgré mise en demeure en novembre 2021, puis à la déchéance du terme en février 2022. La procédure a conduit à un jugement réputé contradictoire du 7 juillet 2023, qui a débouté le prêteur faute de preuve de la livraison. L’appel a été interjeté en septembre 2023, l’intimé n’ayant pas constitué avocat. La juridiction d’appel rappelle qu’« il résulte de l’article 472 du code de procédure civile que si, en appel, l’intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond », la partie défaillante étant « réputée s’approprier les motifs du jugement entrepris ». La question est double. D’abord, la preuve de la livraison conditionnant l’exigibilité des obligations dans le crédit affecté, ainsi que l’office du juge au regard du code de la consommation. Ensuite, l’étendue de la dette après déchéance du terme, incluant l’indemnité et les intérêts moratoires.

I – Les conditions d’exigibilité du crédit affecté: office du juge et charge de la preuve

A – Le cadre de contrôle en appel par défaut et l’office du juge de la consommation

La cour situe d’abord son contrôle dans le cadre du procès civil. Elle rappelle l’articulation des textes de procédure et leur portée en matière de défaillance de l’intimé. Elle vise l’article 954, selon lequel « la partie qui ne conclut pas est réputée s’approprier les motifs du jugement entrepris ». Toutefois, ce rappel n’exonère pas l’appelante de la preuve de ses prétentions.

Le contentieux du crédit affecté impose, en outre, un office particulier du juge de la consommation. La décision énonce que l’article R. 632-1 permet de soulever d’office les dispositions protectrices, « à la condition, toutefois, que l’irrégularité résulte des faits litigieux, dont l’allégation, comme la preuve, incombe aux parties ». Une telle formulation concilie la vigilance du juge et le principe dispositif. Elle rejoint la jurisprudence prudente sur l’activation ex officio des règles du code de la consommation en présence d’un débat suffisamment nourri (v. Cass. 1re civ., 25 janv. 2017).

B – La charge et les modes de preuve de la livraison dans le crédit affecté

Au fond, la cour souligne le principe déterminant: « Selon l’article L. 312-48, les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ». Elle ajoute: « S’il appartient au prêteur qui agit en paiement des sommes dues au titre d’un crédit affecté de justifier que l’obligation de l’emprunteur est née, en démontrant que le bien financé a effectivement été livré », le juge ne peut suppléer les défaillances d’allégation ou de preuve étrangères aux faits du litige.

Pour convaincre, l’appelante produit des éléments extrinsèques au bon de livraison, reposant sur des données assurantielles et l’historique contractuel. La cour en déduit que la mise à disposition effective est établie, à la date correspondant à l’entrée en couverture du véhicule. Cette approche probatoire, déjà admise pour des indices concordants et sérieux, s’accorde avec une jurisprudence qui ne fige pas les modes de preuve de la livraison lorsque le dossier comporte des éléments objectifs de possession et d’usage (v. Cass. 1re civ., 13 avr. 2016). La solution infirme logiquement l’analyse initiale, en rétablissant l’exigibilité des obligations nées de la livraison.

II – L’étendue de la dette après déchéance du terme: calcul, modération et plafonnement

A – Le calcul de la créance et la place des intérêts moratoires

Constatant la déchéance du terme, la cour applique le cadre légal: « Aux termes de l’article L. 312-39 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ». Elle rappelle que « jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt ». La créance est ainsi fixée poste par poste, après imputation des règlements, pour un solde précisément arrêté.

La décision réaffirme ensuite le principe de force obligatoire: « Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». En conséquence, « il sera précisé […] que les intérêts moratoires […] ne pourront excéder 3,73 % l’an ». Ce plafonnement, articulé avec l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, aligne le taux moratoire sur le taux conventionnel, assurant une stricte cohérence entre l’économie du contrat et la finalité réparatrice de l’intérêt de retard.

B – La modération de l’indemnité contractuelle: contrôle de proportion et maintien du caractère comminatoire

La cour exerce un contrôle de proportion sur l’indemnité de résiliation prévue par le cadre réglementaire. Elle relève que, « cumulée avec les intérêts conventionnels dont le taux est nettement supérieur au taux légal, cette indemnité revêt un caractère manifestement excessif au regard de la durée du prêt qui restait à courir ». Elle décide qu’elle « sera réduite d’office à un montant qui, pour conserver à la stipulation son caractère comminatoire, sera fixé à 50 euros ». La motivation vise l’article D. 312-16 et s’inscrit dans le sillage de l’article 1231-5 du code civil, permettant la réduction judiciaire des clauses pénales disproportionnées.

Cette modération illustre une ligne constante, qui admet l’indemnité d’exigibilité anticipée tout en prévenant une accumulation d’accessoires créant un effet de surpénalisation. Elle maintient la fonction incitative de la clause, sans rompre l’équilibre contractuel ni altérer l’objectif d’indemnisation mesurée des coûts liés à la défaillance. Le cumul maitrisé avec les intérêts moratoires, déjà bornés, garantit une réparation adéquate, conforme au droit positif et aux exigences de protection en matière de crédit à la consommation.

En définitive, l’arrêt infirme la décision initiale, retient la preuve de la livraison et rétablit l’exigibilité, tout en encadrant fermement les accessoires. La solution, méthodique, ordonne la charge de la preuve, clarifie l’office du juge de la consommation et préserve l’équilibre financier du contrat après déchéance du terme.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture