Cour d’appel de Orléans, le 24 juin 2025, n°24/01479

Now using node v22.15.1 (npm v10.8.2)
Utilisation de Node.js v20.19.4 et npm 10.8.2
Codex est déjà installé.
Lancement de Codex…
Rendue par la Cour d’appel d’Orléans le 24 juin 2025, l’affaire oppose un organisme de sécurité sociale à une héritière à propos du recouvrement, sur succession, d’allocations indûment versées. L’organisme a décerné, le 17 octobre 2022, une contrainte réclamant une quote-part de 16 030,62 euros. L’héritière a formé opposition dans le délai légal. Le Pôle social du tribunal judiciaire de Blois, le 29 mars 2024, a déclaré l’opposition recevable, rejeté la nullité de la contrainte, mais jugé la créance mal fondée et débouté l’organisme de ses demandes. En appel, l’organisme sollicitait la validation de la contrainte et la condamnation de l’héritière. Celle-ci demandait sa nullité, invoquait la prescription et, subsidiairement, engageait la responsabilité de l’organisme pour défaut d’information. Deux interrogations dominaient le litige. D’une part, la personne n’ayant pas saisi la commission de recours amiable pouvait-elle, par l’opposition, contester la régularité et le bien-fondé de la contrainte. D’autre part, la contrainte, muette sur la période et contredite par ses propres accessoires, respectait‑elle l’exigence de motivation. La cour confirme la recevabilité de l’opposition et prononce l’annulation de la contrainte pour défaut de motivation cohérente, tout en statuant sur les dépens et l’article 700.

I. La solution retenue: recevabilité de l’opposition et nullité de la contrainte

A. L’opposition comme voie de contestation effective
Au soutien de la recevabilité, la cour mobilise le revirement de la deuxième chambre civile du 22 septembre 2022, en garantissant un recours effectif. Elle rappelle que « le cotisant qui n’a pas contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable peut, à l’appui de l’opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte ». La cour souligne, de façon concrète, l’objet véritable de la mise en demeure dans le contentieux social. Ainsi, « on ne voit pas par quel autre moyen qu’une contestation de la mise en demeure, qui seule constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, la commission de recours amiable aurait pu être saisie ». L’office du juge de l’opposition redevient alors entier, sur la forme et le fond, loin d’une fin de non‑recevoir fondée sur l’absence de saisine préalable. Cette lecture commande la solution, la formation ajoutant que « le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a jugé recevable l’opposition à contrainte ».

B. L’exigence de motivation et la contradiction des périodes
La cour s’attache ensuite à la régularité formelle de l’acte querellé. D’abord, elle rappelle le cadre textuel, selon lequel « A peine de nullité, l’acte d’huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l’opposition doit être formée, l’adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine ». Elle précise la règle prétorienne applicable, d’après laquelle « La motivation de la contrainte, qui répond aux mêmes exigences que celles issues de la jurisprudence résultant de l’arrêt du 19 mars 1992, peut être opérée par référence à la mise en demeure ». Cette technique suppose toutefois une cohérence d’ensemble, que le dossier ne présentait pas. La cour constate que « La contrainte ne mentionne donc pas les périodes de versement desdites allocations ». Elle relève surtout une incohérence déterminante: « Il existe donc une contradiction flagrante non seulement sur la date à partir de laquelle le reversement est demandé, 1er janvier 1988 pour la contrainte et 1er janvier 1998 pour la mise en demeure, mais encore sur la dernière période réclamée, décès le 7 mai 2020 pour la contrainte et 30 avril 2010 pour la mise en demeure ». Dans ces conditions, le débiteur ne peut connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation. La formation le rappelle sans détour: « Il est acquis que cette exigence de motivation s’applique à la contrainte ». La nullité s’impose alors de plein droit, sans démonstration d’un grief, au regard du standard constant en matière sociale.

II. Valeur et portée: protection du débiteur et rigueur procédurale accrues

A. Une interprétation exigeante, conforme au droit au recours
La décision présente une réelle cohérence avec le basculement opéré en 2022, qui renforce l’effectivité du contrôle juridictionnel. La priorité accordée au droit au recours structure le raisonnement. L’opposition à contrainte ne se réduit plus à un contrôle minimal, mais redevient l’instrument d’un examen complet, lorsque l’étape amiable a été omise. La reprise littérale du principe, selon lequel le cotisant « peut […] contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte », confirme cette protection. La même rigueur irrigue l’examen formel. La possibilité de motiver par référence ne vaut qu’à condition d’une parfaite concordance des indications essentielles. La cour exige cette concordance, en s’appuyant sur l’économie des articles R. 133-3, L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, et sur la jurisprudence sociale. Cette exigence sert la clarté de l’obligation, donc la sécurité juridique des justiciables.

B. Des conséquences pratiques fortes pour le recouvrement sur succession
La portée dépasse l’espèce, en particulier pour le recouvrement d’allocations sur succession. D’une part, la rédaction des contraintes doit intégrer, sans approximation, la période exacte des versements en cause. La mention sur la seule page de signification ne suffit pas si elle contredit la mise en demeure, ou si l’acte principal reste silencieux. D’autre part, la nullité sanctionne l’insuffisance ou l’incohérence, sans preuve d’un préjudice distinct. Cette ligne invite les organismes à auditer leurs modèles d’actes et leurs chaînes de notification, afin d’éviter des annulations sérielles. La cohérence documentaire devient une condition de validité, et non un simple enjeu probatoire. Enfin, la recevabilité large de l’opposition encourage une contestation sur le fond des sommes réclamées, y compris en matière successorale. Elle rééquilibre la discussion, en amont d’éventuelles questions de prescription, en imposant un débat contradictoire complet sur la cause et l’étendue de l’obligation. Par là, la solution accroît la densité du contrôle juridictionnel, sans désarmer le recouvrement, mais en l’astreignant à une rigueur procédurale essentielle.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture