Cour d’appel de Orléans, le 26 juin 2025, n°23/02035

Now using node v22.15.1 (npm v10.8.2)
Utilisation de Node.js v20.19.4 et npm 10.8.2
Codex est déjà installé.
Lancement de Codex…
Rendue par la Cour d’appel d’Orléans, chambre sociale, le 26 juin 2025 (n° RG 23/02035), la décision commente la régularité d’une sanction disciplinaire, la caractérisation d’un harcèlement moral, l’étendue de l’obligation de sécurité et les effets d’une inaptitude sur la rupture. Un salarié, embauché en 2018 puis confirmé en contrat à durée indéterminée en 2019, a frappé une porte d’atelier en octobre 2020 et s’est blessé. L’employeur a infligé un avertissement. Après un arrêt de travail, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte en mars 2021, avec mention d’un reclassement impossible. Le licenciement pour inaptitude est intervenu en mars 2021.

En première instance, la juridiction prud’homale a rejeté le harcèlement moral et la nullité de la rupture, mais a retenu divers manquements de l’employeur, allouant des indemnités, notamment de préavis et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les deux parties ont relevé appel, l’employeur sollicitant l’infirmation des condamnations et le salarié la reconnaissance d’un harcèlement, l’annulation de l’avertissement et la nullité ou, subsidiairement, l’absence de cause réelle et sérieuse de la rupture.

La question tranchée tient, d’abord, à l’existence d’éléments laissant présumer un harcèlement moral, à la validité corrélative d’un avertissement et au respect de l’obligation de sécurité. Elle porte, ensuite, sur le lien entre l’inaptitude et un risque professionnel, ainsi que sur le bien‑fondé du licenciement et ses conséquences indemnitaires. La juridiction d’appel confirme l’absence de harcèlement et la validité de l’avertissement, écarte tout manquement à l’obligation de sécurité et juge la rupture fondée sur une cause réelle et sérieuse.

I — Le contrôle de la preuve du harcèlement et la validité de la sanction

A — Le cadre probatoire resserré du harcèlement moral

Le texte rappelle le standard légal avec netteté. Il est énoncé que « Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral ». La charge de la preuve aménagée est rappelée sans ambiguïté : « En application de l’article L. 1154-1 du code du travail, (…) il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement ». La méthode d’examen est précisée, invitant à une appréciation globale et contextualisée des éléments versés aux débats. Ainsi, « Il résulte de ces dispositions que (…) il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié (…) et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer (…) un harcèlement moral ».

La juridiction applique rigoureusement ce schéma. Elle retient que les éléments produits sont auto‑déclaratifs, non corroborés et postérieurs à l’incident matériel, ce qui ne permet pas de franchir le seuil probatoire. L’appréciation combine la matérialité lacunaire des faits allégués avant l’incident, la temporalité des pièces et l’absence de témoignages indépendants. La logique du faisceau d’indices est donc mobilisée, mais elle demeure insuffisante au regard de l’exigence d’éléments précis et concordants.

B — La proportionnalité de l’avertissement et son autonomie disciplinaire

La juridiction d’appel contrôle d’abord la réalité de la faute, puis la proportion de la sanction. Elle retient que l’acte de violence, même dirigé vers un objet, caractérise une faute, eu égard à la sécurité au travail et au trouble objectif dans l’atelier. Surtout, elle tranche avec une formule brève et ferme : « La mesure d’avertissement est justifiée et proportionnée à la faute commise ». L’autonomie disciplinaire de la sanction est également affirmée. L’arrêt souligne que « Cette sanction, prononcée par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire, est étrangère à tout harcèlement moral ».

Cette articulation sépare nettement l’examen de la faute de celui d’un éventuel contexte harcelant. La sanction n’est pas l’accessoire d’un environnement dégradé, mais l’expression d’un pouvoir de direction proportionné à la matérialité d’un fait fautif. La solution s’inscrit dans une jurisprudence constante qui réserve l’annulation de la sanction aux vices propres de celle‑ci, et non à des griefs extérieurs non établis avec suffisamment de précision.

II — L’obligation de sécurité et les effets de l’inaptitude sur la rupture

A — L’absence de manquement à l’obligation de sécurité

L’obligation de sécurité est rappelée dans sa teneur légale, sans l’ériger en obligation de résultat généralisée. L’arrêt énonce que « En application de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Au vu des éléments produits, la juridiction estime suffisantes les diligences engagées, compte tenu de la réaction disciplinaire immédiate, de l’absence d’alertes antérieures caractérisées et de la cessation d’activité du salarié après l’incident.

La motivation se conclut par une appréciation synthétique et décisive : « L’employeur rapporte la preuve d’avoir rempli son obligation de sécurité ». La formule marque un retour assumé à une logique de moyens renforcés, appréciés in concreto, en l’absence d’indices probants d’une défaillance structurelle ou d’un manquement face à un risque signalé et connu.

B — Le lien entre inaptitude et origine professionnelle, et la cause réelle et sérieuse

La juridiction d’appel vérifie le lien entre l’inaptitude et un risque professionnel, à la lumière de l’avis médical et des circonstances de la relation de travail. Elle constate que l’inaptitude n’est pas rattachée à l’accident antérieur, que le harcèlement est écarté et qu’aucun manquement causal n’est retenu. L’énoncé suivant structure l’issue du litige indemnitaires et le régime applicable aux indemnités spécifiques: « Il n’est pas établi que l’inaptitude du salarié ait, au moins partiellement, pour origine l’accident du travail ».

La conséquence est logique sur le terrain de la rupture. L’absence de cause d’irrégularité ou de nullité, jointe à l’impossibilité de reclassement, fonde la légitimité du licenciement pour inaptitude. L’économie générale de la décision écarte les demandes indemnitaires afférentes au préavis, au doublement légal de l’indemnité et aux dommages‑intérêts. La solution est cohérente avec l’ensemble des motifs, lequel refuse toute présomption d’illicéité de la rupture faute de fait générateur établi avec le degré probatoire requis.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture