Cour d’appel de Orléans, le 9 septembre 2025, n°24/02502

Par un arrêt du 9 septembre 2025, la Cour d’appel d’Orléans, chambre des affaires de sécurité sociale, tranche un contentieux d’opposabilité relatif à l’instruction d’un accident du travail. Le litige oppose l’employeur et la caisse autour du respect du contradictoire et de l’accès aux pièces médicales de prolongation.

Une salariée a déclaré un accident du travail le 20 février 2023, assorti d’un certificat médical initial; l’employeur a formulé des réserves. La caisse a décidé la prise en charge le 16 mai 2023, après ouverture d’une phase de consultation et d’observations.

La commission de recours amiable a rejeté la contestation. Le pôle social du tribunal judiciaire de Nevers, le 4 juillet 2024, a déclaré la décision inopposable, retenant l’absence d’un délai effectif de consultation passive. La caisse a relevé appel et a soutenu que le contradictoire se limite au délai de dix jours francs d’observations, dont elle affirme le respect.

Devant la cour, l’employeur invoque l’existence d’une consultation passive distincte et d’environ dix jours, et soutient la violation de l’égalité des armes par l’absence de certificats médicaux de prolongation au dossier. La cour infirme le jugement, retenant que « Rien ne s’oppose en revanche à ce que la décision intervienne dès le lendemain de l’expiration du délai de consultation active, le délai de 90 jours francs étant un délai maximal ». Elle précise encore que « En conséquence, l’employeur ne peut valablement invoquer une quelconque violation du délai de consultation passive, qui n’est au demeurant pas quantifié par le texte ».

I. Le contradictoire encadré par l’article R. 441-8 du code de la sécurité sociale

A. L’absence d’exigence normative d’une consultation passive autonome

La décision affirme que la phase contradictoire vise le seul délai de dix jours francs pour consulter et présenter des observations, au terme duquel le dossier demeure consultable. Elle refuse de conférer une valeur prescriptive à une seconde période silencieuse et non chiffrée. La cour statue en ces termes, dépourvus d’ambiguïté: « Rien ne s’oppose en revanche à ce que la décision intervienne dès le lendemain de l’expiration du délai de consultation active, le délai de 90 jours francs étant un délai maximal ».

Cette lecture s’adosse à la structure de l’article R. 441-8, qui organise, d’abord, la mise à disposition du dossier, puis, le délai d’observations, enfin, la décision dans la borne des quatre-vingt-dix jours francs. La critique fondée sur une consultation passive d’environ dix jours demeure ainsi dépourvue d’ancrage textuel suffisant, comme le confirme la formule: « En conséquence, l’employeur ne peut valablement invoquer une quelconque violation du délai de consultation passive, qui n’est au demeurant pas quantifié par le texte ».

B. La computation des jours francs et la régularité de la décision

La cour rappelle la méthode de computation, qui sécurise la temporalité de l’instruction et exclut toute compréhension extensive des délais. Elle énonce que « Il sera en outre rappelé que lorsqu’un délai est exprimé en jours francs, il n’est pas tenu compte du jour de l’évènement qui le déclenche ni du jour auquel le délai arrive à échéance ». Elle ajoute, pour lever toute incertitude, que « Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant ».

Appliquant ces règles, la juridiction constate le respect des dix jours francs et admet la décision prise dès le lendemain, dans la limite du délai maximal. Le calcul des jours, incluant le report de l’échéance tombant un dimanche, neutralise l’argument tiré d’une prétendue précipitation décisionnelle, qui ne révèle aucune atteinte au contradictoire.

II. Les pièces médicales de prolongation et l’absence de grief utile

A. La convergence avec la jurisprudence de la deuxième chambre civile

La cour s’aligne sur la jurisprudence de la Cour de cassation en matière d’accès aux pièces médicales postérieures au certificat initial. Elle cite que « Il a été jugé que ne figurent pas parmi les éléments susceptibles de faire grief à l’employeur, les certificats ou les avis de prolongation de soins ou arrêts de travail, délivrés après le certificat médical initial, qui ne portent pas sur le lien entre l’affection, ou la lésion, et l’activité professionnelle » (Civ. 2e, 16 mai 2024, n° 22-15.499). Cette orientation rejoint également la solution relative à l’absence de sanction d’inopposabilité en cas de dossier incomplet (Civ. 2e, 1er juin 2023, n° 22-15.855).

La motivation articule clairement la raison du rejet: seules les pièces de nature à influencer l’appréciation du lien causal initial entrent dans le périmètre du contradictoire utile. D’où la conclusion normative, précisément formulée: « Il en résulte que leur absence de communication à l’employeur ne constitue pas une violation du principe du contradictoire, de sorte qu’aucune inopposabilité ne saurait être encourue de ce seul fait ».

B. Portée pratique et équilibre procédural en matière d’instruction

La solution clarifie le périmètre opposable du contradictoire en distinguant le débat sur l’imputabilité initiale et les suites médicales de la lésion. Elle réduit les risques d’inopposabilité fondés sur des griefs formels dépourvus d’incidence causale, tout en préservant l’accès aux éléments déterminants du lien professionnel.

Sur le plan opérationnel, la décision invite les employeurs à concentrer leurs moyens sur le contenu probatoire relatif aux circonstances et au siège des lésions initiales. Elle conforte, corrélativement, les caisses dans un calendrier décisionnel resserré, dépourvu d’une étape passive obligatoire, dès lors que les dix jours francs d’observations ont été offerts et correctement décomptés.

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Hassan KOHEN
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