Cour d’appel de Orléans, le 9 septembre 2025, n°24/02532

Cour d’appel d’Orléans, 9 septembre 2025, chambre des affaires de sécurité sociale. Le contentieux oppose l’organisme de recouvrement à un cotisant condamné pénalement pour travail dissimulé. La juridiction d’appel tranche la modulation d’une taxation forfaitaire opérée après contrôle, en présence d’une activité principale à temps plein.

Les faits utiles tiennent à un contrôle portant sur les années 2018 à 2020, suivi d’une lettre d’observations de février 2023 et d’une mise en demeure en mai 2023. Le cotisant n’a produit aucune comptabilité, mais des éléments pénaux ont permis d’identifier une activité accessoire très limitée. La commission de recours amiable a rejeté sa contestation à l’automne 2023.

Le pôle social du tribunal judiciaire de Tours, 15 juillet 2024, a ramené l’assiette des cotisations à une base forfaitaire équivalente à dix heures hebdomadaires, en retenant un caractère excessif de la taxation appliquée. L’organisme de recouvrement a interjeté appel, soutenant que l’assiette légale équivalant à trois fois la valeur annuelle du plafond devait jouer pleinement, sans référence horaire.

La question posée concernait l’office du juge en présence d’une taxation forfaitaire fondée sur l’article R. 243-59-4 du code de la sécurité sociale, et la possibilité de réduire l’assiette lorsque le cotisant prouve son caractère excessif. La cour confirme la solution de première instance, après avoir rappelé la charge de la preuve et admis un prorata strictement lié à la durée objectivement consacrée à l’activité dissimulée. « le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions, y compris accessoires. »

I. Le sens de la décision

A. Le régime de l’assiette forfaitaire en cas de travail dissimulé

L’article R. 243-59-4 permet une taxation forfaitaire lorsque l’absence de comptabilité empêche de fixer les revenus exacts, avec un plafond maximal de trois fois le PASS pour chaque exercice. La cour souligne que, dans ce cadre, l’assiette demeure annuelle et détachée de toute durée légale du travail, ce qui écarte l’argument d’une conversion automatique en heures.

La motivation précise toutefois l’analyse menée par le premier juge sur la méthode de calcul. La cour rappelle expressément que « le premier juge n’a toutefois pas calculé les cotisations selon le nombre d’heures effectuées. » L’assiette a été déterminée à partir de la base retenue dans la lettre d’observations, puis ajustée au regard de l’intensité réelle de l’activité dissimulée.

B. La preuve du caractère excessif et le contrôle juridictionnel

Le contrôle opéré repose sur la charge probatoire pesant sur le cotisant. La cour cite la solution classique selon laquelle « L’employeur supporte la charge de la preuve du caractère excessif de la taxation forfaitaire (Soc 14 mai 1992 n° 90-12. 192). » La réduction n’intervient donc qu’en présence d’éléments suffisamment convaincants et contemporains.

Les juges d’appel valident l’appréciation des pièces, en particulier celles relatives à l’emploi principal à temps plein, qui limitent par nature le temps disponible pour l’activité dissimulée. Ils entérinent ainsi l’ajustement proportionnel de l’assiette, sans la refonder sur un horaire salarié, mais en contrôlant la cohérence probatoire du prorata admis.

II. La valeur et la portée de la solution

A. Une conciliation entre finalité répressive et proportion de l’assiette

La décision concilie l’objectif de lutte contre le travail dissimulé et l’exigence de proportion. Elle admet que la taxation plafond n’a pas vocation à devenir un minimum automatique, mais à céder lorsqu’un excès manifeste est établi par le cotisant. D’où la validation d’un recalibrage mesuré, strictement corrélé aux preuves du dossier.

La formule retenue illustre une proportionnalité guidée par des données objectives. En confirmant que le premier juge « a ramené cette base au prorata de la durée consacrée à l’activité dissimulée, soit 10 heures par semaine », la cour impose une modulation encadrée, évitant une pénalisation déconnectée de l’activité effectivement exercée.

B. Effets pratiques pour le contentieux du recouvrement

La portée est nette pour les contentieux de redressement en cas de travail dissimulé chez les travailleurs indépendants. La preuve du caractère excessif demeure à la charge du cotisant, mais des éléments extrinsèques fiables, issus notamment d’une procédure pénale, peuvent suffire à obtenir un recalibrage probant. La juridiction d’appel réaffirme ici la valeur d’un faisceau d’indices précis.

L’organisme de recouvrement conserve la main sur la mise en œuvre du forfait, mais s’expose à une modulation lorsque la réalité de l’activité se trouve solidement documentée. L’arrêt sécurise une ligne pragmatique et efficace pour le juge du fond, que la cour confirme clairement en énonçant que « le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions, y compris accessoires. »

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Hassan KOHEN
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