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Par un arrêt du 9 septembre 2025, la Cour d’appel d’Orléans statue sur la qualification d’un malaise survenu en entreprise et sur l’imputabilité à une faute inexcusable de l’employeur. Le salarié, contrôleur depuis plusieurs années, a présenté une crise d’angoisse au temps et au lieu du travail, ayant entraîné l’intervention des secours et un arrêt immédiatement prescrit, d’abord en maladie puis rectifié en accident du travail. La caisse compétente a pris en charge l’événement au titre de la législation professionnelle, après échec d’une conciliation préalable, le pôle social du tribunal judiciaire de Blois ayant confirmé la qualification d’accident mais écarté toute faute inexcusable.
Sur appel du salarié, l’employeur forme appel incident contre la qualification d’accident et invoque l’autorité de la chose jugée pénale à la suite d’une relaxe pour harcèlement moral. Sont également versées aux débats des décisions prud’homales antérieures, dont un arrêt du 27 mars 2025 retenant un licenciement sans cause réelle et sérieuse en lien avec l’obligation de sécurité, sans pour autant consacrer le harcèlement. La cour d’appel d’Orléans doit alors déterminer, d’une part, si le malaise relève de l’accident du travail, et, d’autre part, si l’employeur a commis une faute inexcusable au sens des textes sociaux. Elle confirme la prise en charge au titre des accidents du travail et retient la faute inexcusable, ordonnant une expertise et accordant une provision, tout en fixant la majoration de la rente au taux maximal.
I. La qualification d’accident du travail confirmée
A. Le cadre légal rappelé et l’événement soudain caractérisé
La cour rappelle les critères textuels de l’accident professionnel et s’y conforme étroitement. Elle cite la définition légale et fait primer l’événement soudain et daté, à l’exclusion d’une logique de maladie progressive. Elle relève les constatations médicales immédiates et l’intervention des secours, éléments qui ancrent la lésion dans le temps et le lieu du travail.
La juridiction reprend, au visa des textes, que « Constitue un accident du travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date d’apparition de celle-ci. » En l’espèce, les directives reçues, l’altération brutale décrite et la prise en charge immédiate suffisent à établir l’événement lésionnel. La cour souligne que « Il importe peu que ces directives soient légitimes ou non, la survenance d’une lésion apparue brutalement, constatée par au moins un témoin, » et rattache l’atteinte au travail par une motivation nourrie de constatations concordantes.
B. L’écartement des griefs adverses et la présomption confortée
Les arguments tirés d’un premier arrêt maladie, de l’absence prétendue de témoin direct, ou d’une cause progressive, sont neutralisés par une analyse concrète des éléments du dossier. La cour retient expressément que « Il importe peu également que son médecin traitant ait rectifié un certificat de travail initialement prescrit pour maladie simple, dès lors que la survenance soudaine d’une lésion sur le lieu de travail est démontrée; » Elle ajoute, au surplus, que « Il importe peu également que l’existence d’un harcèlement moral n’ait pas été reconnu par les juridictions pénale et civile saisies des faits, » l’accident psychique demeurant un événement soumis aux critères autonomes de l’article L. 411-1.
L’office probatoire est ici déterminant. Au terme d’une appréciation des témoignages et certificats, la formation retient que « Il en résulte que l’existence de présomptions graves, précises et concordantes venant conforter la réalité de la survenance d’un fait accidentel au temps et sur le lieu du travail est établie, sans qu’aucun élément ne vienne renverser cette présomption. » Le moyen dirigé contre la prise en charge est donc rejeté, la qualification d’accident du travail étant confirmée.
II. La faute inexcusable retenue
A. Le standard jurisprudentiel et la neutralisation des obstacles procéduraux
S’agissant du régime de la faute inexcusable, la cour réaffirme le critère classique, tenant à la conscience du danger et à l’insuffisance des mesures de prévention. Elle énonce que « Il résulte des articles L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail que le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ». La causalité exigée demeure assouplie, la cour rappelant qu’ »Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de la maladie survenue au salarié mais il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire ».
La charge de la preuve est assumée par la victime, conformément à la ligne prétorienne constante. La cour rappelle que « Il appartient au salarié de rapporter la preuve que l’employeur avait conscience du danger auquel il était exposé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ». Les exceptions tirées de décisions pénales ou prud’homales relatives au harcèlement sont sans emprise, dès lors que « Cependant, le présent litige a un objet différent, ayant pour but de voir caractériser ou non une faute inexcusable de l’employeur, qui répond à des critères distincts de ceux du harcèlement moral, et qui relève d’un mode de preuve autonome. » L’autorité de la chose jugée est donc inopérante sur cet objet.
B. L’appréciation concrète de la conscience du danger et les suites indemnitaires
Au regard des éléments versés, la cour constate une fragilité connue lors de la reprise, un état antérieurement altéré et des tensions organisationnelles notoires, révélées par divers témoignages. La gestion du retour n’a pas été aménagée, tandis que des injonctions immédiates et insistantes ont été adressées au salarié sur une tâche vécue comme délicate. Dans ce contexte, la juridiction précise que « Cela obligeait également l’employeur à prendre les mesures nécessaires à assurer la santé, notamment mentale, de son salarié, et à tout le moins de lui réserver un accueil qui ne la mette pas en péril. » L’abstention de mesures adaptées, conjuguée à la connaissance des difficultés, caractérise la faute inexcusable au sens des textes.
La solution ainsi consacrée entraîne des conséquences indemnitaires étendues. La majoration de la rente est fixée à son maximum, une expertise est ordonnée pour chiffrer les préjudices personnels, et une provision est accordée, dans le respect du mécanisme d’avance par la caisse et du recours contre l’employeur dans la limite du taux d’incapacité opposable. La cour en déduit qu’ »Il y a lieu de désigner avant dire droit un expert » afin d’embrasser la totalité des postes visés à l’article L. 452-3, conformément à l’ouverture issue de la censure constitutionnelle du caractère limitatif de la liste. L’arrêt articule ainsi, de manière cohérente, le principe de réparation complémentaire avec l’obligation de sécurité, dont la violation, ici, est jugée d’une particulière gravité.