Cour d’appel de Papeete, le 11 septembre 2025, n°24/00028

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La cour d’appel de Papeete, 11 septembre 2025, n° RG 24/00028, statue sur l’opposabilité à des cautions d’une cession de créances réalisée dans le cadre d’une opération de titrisation. Un établissement avait consenti en 2008 un prêt à une société commerciale. Deux personnes physiques s’étaient engagées comme cautions solidaires. Des impayés sont apparus, puis la déchéance du terme a été prononcée. La procédure collective de la débitrice principale est intervenue en 2013. La créance a été cédée en 2017 à un fonds de titrisation représenté par un organisme, lequel a entrepris des démarches de recouvrement et a informé les cautions.

Le premier juge a écarté la demande du cessionnaire, retenant une insuffisante justification de la cession. L’appelant sollicitait l’infirmation, en produisant le bordereau et son annexe, pour démontrer la régularité formelle de l’opération et l’individualisation de la créance. La question de droit portait sur les exigences probatoires attachées au bordereau prévu par l’article L 214-169 du code monétaire et financier et, surtout, sur la suffisante individualisation de la créance pour fonder l’opposabilité aux cautions. La cour retient que « l’acquisition ou la cession de créances par un organisme de financement s’effectue par la seule remise d’un bordereau », lequel « prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau ». Elle juge que l’annexe « comporte donc bien les éléments permettant d’identifier sans risque la créance cédée » et que « ces pièces justificatives […] apportent la preuve de la cession de créance et de son opposabilité aux tiers ». Le jugement est infirmé et les cautions sont condamnées dans la limite de leurs engagements.

I. Le contrôle des conditions légales du bordereau de cession et de son opposabilité

A. Les exigences textuelles de l’article L 214-169 CMF et leur portée probatoire

La cour rappelle avec précision la règle de fond et de preuve. Selon elle, « l’acquisition ou la cession de créances par un organisme de financement s’effectue par la seule remise d’un bordereau dont les énonciations et le support sont fixés par décret ». La solution distingue effet entre parties et opposabilité aux tiers, en relevant que l’opération « devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise », sans formalité supplémentaire. Cette formulation reprend la logique probatoire propre aux cessions réalisées pour les véhicules de financement, distincte de l’ancienne cession professionnelle par bordereau, mais inspirée par la même économie.

Le contrôle opéré par la juridiction s’attache ensuite au contenu du bordereau et de son annexe, au regard des exigences réglementaires. Sont vérifiés la dénomination de l’acte, la mention du régime légal applicable, l’identification du cessionnaire, ainsi que l’individualisation des créances et des éléments susceptibles d’y pourvoir. La cour souligne que ces items ne relèvent pas d’un formalisme excessif, mais d’un standard de traçabilité et de certitude, compatible avec la circulation de créances dans un dispositif de titrisation.

B. L’individualisation de la créance cédée et la preuve « sans risque »

L’apport central réside dans l’appréciation concrète de l’annexe, laquelle listait des identifiants propres à la relation de crédit, la nature du financement et ses paramètres. La cour estime que ces références suffisent à isoler la créance de manière non équivoque, ce qu’elle exprime par la formule décisive selon laquelle l’annexe « comporte donc bien les éléments permettant d’identifier sans risque la créance cédée ». La référence au « risque » vise l’évitement de toute confusion, non l’exigence d’une description exhaustive.

Cette appréciation gouverne l’opposabilité aux cautions, tiers au transfert mais tenues par l’obligation de couverture. La juridiction retient ensuite que « ces pièces justificatives […] apportent la preuve de la cession de créance et de son opposabilité aux tiers », ce qui consacre l’efficacité externe de l’opération à la date du bordereau. La mise en demeure préalable et la déchéance du terme, établies, complètent le syllogisme, en validant la dette causale et la mobilisation de l’engagement accessoire.

II. La valeur de la solution et sa portée pour le contentieux du financement titrisé

A. Un standard de preuve équilibré, fidèle à l’économie du financement

La décision convainc par sa fidélité à l’économie de la titrisation, qui suppose des exigences formelles claires, mais compatibles avec la gestion par lots et annexes. Exiger la mention cumulative de tous les éléments contractuels alourdirait inutilement le bordereau, sans bénéfice probatoire réel. La cour adopte un critère opératoire, centré sur l’identifiabilité « sans risque », qui prévient les confusions et garantit la sécurité des transmissions.

La solution préserve en outre les droits des garants. L’opposabilité se fonde sur la date du bordereau, mais l’information adressée aux cautions a été relatée, ce qui renforce la loyauté de la circulation. La cohérence du raisonnement tient à la double exigence: un bordereau régulier et une annexe intelligible, permettant à un tiers normalement diligent d’associer sans ambiguïté les références listées à l’obligation garantie.

B. Des effets pratiques notables pour la preuve et le recouvrement

La portée pratique est nette dans les dossiers où les débiteurs principaux sont en procédure collective. Le créancier cessionnaire peut démontrer la chaîne de droits au moyen du bordereau et de son annexe, sans reconstituer l’intégralité des historiques bancaires, dès lors que les identifiants permettent une association certaine. Le critère retenu réduit les risques d’aléas contentieux nés d’un formalisme excessif, sans abaisser le niveau de certitude requis.

L’arrêt conforte également la lisibilité des engagements de caution, limités aux plafonds stipulés et au taux contractuel. La condamnation dans la limite des montants garantis illustre la rigueur de la cour, qui articule efficacité du transfert et protection des plafonds. Cette ligne directrice favorise la prévisibilité du recouvrement des portefeuilles cédés, tout en maintenant une exigence probatoire raisonnable et contrôlable par le juge.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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