Cour d’appel de Papeete, le 26 juin 2025, n°23/00292

Par un arrêt de la Cour d’appel de Papeete du 26 juin 2025, un litige d’assurance santé oppose un assureur à un assuré, médecin généraliste. Lors de la souscription, un questionnaire de santé a mentionné une question large sur d’éventuels troubles psychiques ou psychologiques. L’assuré y a répondu négativement, puis a déclaré un arrêt de travail pour burn-out, donnant lieu au versement d’indemnités journalières. L’assureur a ultérieurement invoqué une fausse déclaration en alléguant d’anciens épisodes d’anxiété et a sollicité la répétition de l’indu pour les sommes versées.

La juridiction de première instance a débouté l’assureur et condamné celui-ci à verser le reliquat des indemnités jusqu’au terme de l’arrêt de travail. Devant la Cour d’appel, l’assureur demande la restitution des paiements antérieurs et conteste la poursuite des garanties. L’assuré soutient la généralité de la question de santé et réclame les indemnités restant dues, ainsi qu’une réparation pour procédure abusive. La question porte sur la portée d’une réponse négative à une question générale relative aux troubles psychiques, au regard des articles L.112-3 et L.113-2 du code des assurances applicable localement, et sur l’articulation avec la répétition de l’indu. La Cour confirme le jugement, retient l’insuffisante précision de la question et écarte toute fausse déclaration, tout en refusant l’indemnisation pour procédure abusive.

I. Le contrôle de la déclaration du risque et la portée des questions générales

A. L’exigence légale de précision des questions de santé

Le texte local consacre une limite claire à l’obligation déclarative posée par l’article L.113-2. Le juge d’appel cite l’article L.112-3, alinéa 2, selon lequel: « Lorsque, avant la conclusion du contrat, l’assureur a posé des questions par écrit à l’assuré, notamment par un formulaire de déclaration du risque ou par tout autre moyen, il ne peut se prévaloir du fait qu’une question exprimée en termes généraux n’a reçu qu’une réponse imprécise. » Ce rappel gouverne l’interprétation du formulaire, en imposant à l’assureur la charge de formuler des questions suffisamment ciblées pour apprécier le risque.

La Cour articule ce principe avec l’obligation prévue par l’article L.113-2, 2°, qui impose à l’assuré « De répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque […] sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge ». L’exactitude de la réponse se mesure ainsi à l’aune de la précision de la question, le texte neutralisant les formulations génériques et équivoques. La normativité de l’instrumentum questionnaire demeure donc décisive.

B. L’appréciation concrète de l’imprécision et l’absence de fausse déclaration

La Cour relève que la question litigieuse mêlait des pathologies lourdes, comme la dépression ou l’hospitalisation spécialisée, et des états banals, tels que la fatigue ou l’anxiété. Cette hétérogénéité, qui confond symptômes communs et affections caractérisées, affecte la précision attendue dans un document déterminant le calcul des cotisations. Le juge note, en outre, l’incertitude des antécédents, l’évocation d’un « suivi régulier » étant contredite par d’autres pièces mentionnant un suivi irrégulier et non pathologique.

En conséquence, la Cour estime que l’ambivalence du libellé ne permet pas de tenir la réponse négative pour mensongère. En présence d’un doute sur la signification médicale d’anciens épisodes de stress, l’assureur devait poser des questions plus ciblées. Le choix de formulations générales le prive de s’en prévaloir contre l’assuré. Le contrôle de proportion se déploie ici avec mesure, sans rétrograder l’obligation de bonne foi, mais en rappelant la rigueur requise dans l’élaboration des questionnaires.

II. L’articulation entre exécution contractuelle et répétition de l’indu

A. L’indépendance du fondement quasi-contractuel face aux obligations valablement exécutées

La Cour fonde sa solution sur la combinaison des articles 1376 et 1134 du code civil, version applicable localement. Elle énonce: « Il résulte de la combinaison de ces deux dispositions que le caractère indû d’un paiement étant constitué par l’absence de cause justifiant le paiement intervenu, ce paiement ne peut résulter de l’exécution valable d’obligations contractuelles. » Lorsque la garantie est due, la restitution se trouve sans cause, car le paiement trouve son fondement dans le contrat.

Le contrat d’assurance, d’ailleurs, précise la gradation des sanctions en cas d’inexactitude déclarative: « Les bases de notre accord reposant sur vos déclarations, toute inexactitude intentionnelle ou non, toute omission, peut nous amener à invoquer la nullité du contrat ou à réduire les indemnités dues en cas de sinistre ». Cette clause confirme que l’arsenal de l’assureur se mobilise sur le terrain contractuel, sous le contrôle des textes spéciaux, et non par un cavalier restitutif autonome lorsque la garantie demeure due.

B. Les conséquences pratiques: maintien de la garantie, rejet des abus, régulation des frais

Constatant l’absence de fausse déclaration, la Cour retient que l’arrêt de travail entrait dans les garanties, et que l’assureur devait verser les indemnités jusqu’à la date de reprise. La demande de répétition de l’indu échoue, puisque le paiement initial procédait d’une exécution contractuelle valable. Le raisonnement préserve ainsi l’équilibre synallagmatique en évitant une confusion des plans entre inexécution contractuelle alléguée et action de restitution.

Les demandes indemnitaires pour abus de procédure sont rejetées, faute de faute caractérisée ou de préjudice établi. Le contrôle opéré reste strict et factuel, sans dériver vers une sanction procédurale disproportionnée. En revanche, la Cour confirme l’allocation des frais irrépétibles à l’assuré, outre les dépens, conformément aux règles locales. L’ensemble compose une réponse calibrée, assurant la cohérence entre la logique contractuelle et le régime autonome de la répétition.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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