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La Cour d’appel de Paris, 1er juillet 2025, se prononce sur un recours en annulation d’une sentence arbitrale rendue dans un litige de commerce agricole. Le différend naît d’une relation suivie débutée en 2011, structurée autour d’accords oraux conclus par téléphone, confirmés par écrit, puis exécutés sans difficulté notable pendant plusieurs années. Cinq confirmations de vente émises en 2021, restées inexécutées à l’été 2022, déclenchent une procédure arbitrale fondée sur une clause compromissoire insérée au recto des confirmations et rappelée par renvoi à des règles professionnelles.
Saisi par une partie contestant avoir accepté la clause, au motif d’une absence de signature et d’une prétendue non‑réception des courriels, le tribunal arbitral se reconnaît compétent, alloue des dommages‑intérêts, et met les frais à la charge de la partie défaillante. Le recours en annulation, introduit devant la juridiction étatique, invoque l’incompétence de l’arbitre au sens de l’article 1492, 1°, du code de procédure civile.
La question de droit tient à l’opposabilité d’une clause compromissoire écrite, non signée par l’adversaire, mais insérée dans des confirmations d’achat adressées selon un mode de contractualisation répété, et à l’articulation de l’exigence d’écrit avec l’autonomie de la clause. La juridiction d’appel rejette le recours, relevant que l’écrit existe, que l’acceptation peut être non formaliste, et que l’inefficacité alléguée du contrat principal demeure indifférente. Elle retient notamment que « Il en résulte, d’une part, que si la clause compromissoire doit être écrite, son acceptation par les parties n’est quant à elle régie par aucune condition de forme spécifique et, d’autre part, que son existence ne dépend pas de la formation, de la validité ou de l’exécution du contrat principal litigieux. » La conséquence en est double, sur la compétence arbitrale et sur l’exequatur de la sentence.
I. Exigence d’écrit et autonomie de la clause compromissoire
A. L’écrit exigé et l’acceptation non formaliste
La juridiction rappelle le cadre légal combinant l’article 2061 du code civil et les articles 1443 et 1447 du code de procédure civile. L’exigence d’écrit porte sur la clause, non sur les modalités formelles de son acceptation, laquelle peut résulter de circonstances établissant une connaissance effective et une adhésion sans équivoque. L’arrêt souligne ainsi que « Il en résulte, d’une part, que si la clause compromissoire doit être écrite, son acceptation par les parties n’est quant à elle régie par aucune condition de forme spécifique ». La solution refuse de confondre écrit et signature, conformément à une conception matérielle de la preuve de la convention d’arbitrage.
Le raisonnement s’attache ensuite au support et à la portée de la clause. L’insertion en plein corps des confirmations de vente, complétée par un renvoi à des règles professionnelles comportant une stipulation arbitrale, satisfait la condition d’un écrit accessible et intelligible. La preuve de la transmission des confirmations, dans la continuité d’un processus contractuel constant, suffit à caractériser l’exposition de la clause au cocontractant. La juridiction vérifie la cohérence des pièces avec le mode de contractualisation allégué, puis rattache l’adhésion à la réception sans protestation utile.
B. L’indépendance de la clause face à l’inefficacité alléguée
L’autonomie de la clause emporte son détachement du sort du contrat principal. La juridiction d’appel écarte donc les moyens fondés sur l’absence de signature, l’inexécution matérielle ou la contestation de la formation des ventes, dès lors qu’ils ne portent pas sur l’existence de la convention d’arbitrage. Elle l’énonce nettement en jugeant que « Le refus de contracter de la demanderesse et l’inexistence alléguée des contrats litigieux (…) sont dépourvus de toute incidence sur l’appréciation autonome de l’existence et de l’acceptation de la clause compromissoire ». Le contrôle se concentre sur l’existence d’un écrit contenant la clause et sur la réalité d’une acceptation, indépendamment des aléas du contrat de base.
Cette séparation des plans consolide la compétence arbitrale en présence d’un faisceau d’indices concordants. La juridiction retient que l’adhésion s’infère des pratiques établies, du contenu des documents échangés, et de l’absence de contestation ciblée. Le syllogisme se conclut sans ambiguïté: « Le tribunal arbitral ne s’est donc pas déclaré compétent à tort. » La voie de l’annulation se ferme, car le grief d’incompétence ne résiste pas au contrôle d’externalité propre à la clause compromissoire.
II. Opposabilité dans la relation suivie et effets procéduraux
A. Le mode de contractualisation répété comme preuve d’adhésion
L’arrêt valorise la relation suivie pour qualifier l’opposabilité. La répétition d’un schéma de conclusion, combinant accord oral et confirmation écrite constante, rend plausible l’information sur la clause et sa réception. La réception à une adresse déclarée, déjà utilisée lors d’exécutions antérieures, confirme la stabilité du canal de communication. La motivation lie ces éléments à l’acceptation non formaliste, en l’absence de protestation pertinente. Cette méthode, pragmatique, accorde un poids significatif aux usages sectoriels et au comportement antérieur.
La solution présente toutefois des exigences probatoires précises. La charge de démontrer l’écrit, la transmission et l’accès effectif demeure au demandeur à la clause. La juridiction s’assure d’une concordance entre pièces et pratiques, puis infère l’acceptation d’une attitude dépourvue d’ambiguïté. L’approche préserve l’équilibre contractuel dans les relations professionnelles, tout en rappelant que la sécurité des échanges exige constance et clarté dans les documents diffusés.
B. Les conséquences procédurales: compétence et exequatur
Le rejet du recours entraîne des effets procéduraux immédiats. La juridiction d’appel érige la sentence en titre exécutoire interne, conformément aux textes régissant l’exequatur consécutif. Elle le formule en des termes dépourvus d’équivoque: « Ce rejet confère l’exequatur à la sentence arbitrale rendue le 24 novembre 2023. » L’économie du contentieux est ainsi préservée, grâce à une articulation nette entre contrôle étatique et autorité de la sentence.
La portée de la décision dépasse l’espèce, car elle confirme un standard probatoire en matière d’opposabilité des clauses compromissoires en B to B. L’écrit de la clause demeure indispensable, mais son acceptation peut résulter du comportement, des usages et de la réitération d’un mode de contractualisation. La sécurité juridique des marchés de matières premières y gagne, sous réserve d’une vigilance documentaire continue des opérateurs. Cette exigence invite à discipliner la circulation des confirmations et à traiter sans délai toute divergence sur les stipulations arbitrales.