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La Cour d’appel de Paris, le 10 juillet 2025, statuant sur renvoi après cassation (Com., 27 mars 2024, n° 22-17.174), tranche deux questions étroitement liées. D’abord, le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité d’un investisseur contre un intermédiaire pour manquement à ses obligations d’information et de conseil. Ensuite, les conditions d’opposabilité d’une assurance de responsabilité professionnelle dans le cadre d’une action directe. L’espèce concerne l’acquisition, en 2011, de parts indivises d’une collection de manuscrits, présentée avec la perspective d’une option d’achat au terme de cinq ans, assortie d’un taux d’accroissement annoncé. Une procédure pénale a été ouverte, puis une procédure collective a affecté le promoteur du produit. L’investisseur a, en 2019, recherché la responsabilité de l’intermédiaire et de ses assureurs, sollicitant l’indemnisation d’une perte de chance d’éviter la perte partielle de son capital, d’une immobilisation de fonds, ainsi que d’un préjudice moral. Le tribunal de commerce de Paris (25 mars 2021) a déclaré l’action prescrite et a débouté l’ensemble des demandes. La Cour d’appel de Paris (4 avril 2022) a confirmé. La Cour de cassation (27 mars 2024) a censuré, retenant que le dommage tenant aux pertes subies ne s’était pas réalisé au jour du contrat. Saisie comme juridiction de renvoi, la Cour d’appel de Paris écarte la fin de non-recevoir tirée de la prescription, retient la responsabilité de l’intermédiaire pour manquements d’information et de conseil, condamne celui-ci avec son assureur qui ne conteste pas sa garantie, et déboute l’action dirigée contre l’autre assureur faute de preuve de la qualité d’assuré selon la police invoquée.
I. Le point de départ de la prescription quinquennale et son application au litige
A. La règle rappelée par la juridiction de renvoi, conforme à la censure de cassation
La décision réaffirme la combinaison des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce. Elle cite la formule générale: « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. » Surtout, elle fixe le critère spécifique aux placements à horizon déterminé: « Le manquement d’un intermédiaire en investissement à une obligation d’information ou à une obligation de conseil […] prive l’investisseur d’une chance […] Il s’en déduit que le délai de prescription […] ne peut commencer à courir avant la première date à laquelle l’un ou l’autre de ces risques s’est réalisé. » La charge de la preuve du point de départ incombe à celui qui invoque la prescription, conformément à la règle probatoire: « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier […] l’extinction de son obligation. »
Cette construction rejoint le motif de cassation, qui écarte l’ancrage du délai au jour de la conclusion lorsque le dommage n’est pas encore réalisé. Elle souligne qu’une information médiatique défavorable, ou une correspondance d’alerte, ne suffisent pas, à elles seules, à établir la réalisation du risque de perte.
B. La mise en œuvre concrète du critère de réalisation du risque
En l’espèce, la Cour écarte l’argument tiré d’articles de presse publiés à l’automne 2014, puis d’une lettre d’information adressée aux investisseurs. Elle relève qu’il n’est pas établi que l’investisseur en ait eu effectivement connaissance à la date considérée, et que ces seuls éléments n’excluaient pas l’exercice ultérieur de l’option. Le dommage n’était pas encore certain, ni quant à la levée de l’option, ni quant à la valeur de revente des actifs. La prescription ne pouvait donc courir avant la première manifestation du risque visé par la règle de principe, à savoir le dénouement contractuel ou la survenance d’une perte effective.
La juridiction de renvoi rejette, en conséquence, la fin de non-recevoir. Elle infirme le jugement sur ce point, tout en rappelant que le délai applicable à l’action directe contre l’assureur suit celui de l’action en responsabilité. Cette articulation assure l’unité du régime temporel des recours, ce qui préserve la cohérence procédurale.
II. Les manquements d’information et de conseil et la question de l’assurance
A. Le contenu des obligations et la caractérisation des manquements
L’intermédiaire, présenté comme conseiller en gestion de patrimoine et revendiquant son statut de conseiller en investissements financiers, doit délivrer une information exacte et un conseil adapté. Le rappel des textes applicables sert de boussole. La décision cite que « Toutes les informations, y compris à caractère promotionnel, adressées par un conseiller en investissements financiers, présentent un caractère exact, clair et non trompeur. » Elle combine également les exigences déontologiques: « Il se déduit de la combinaison de ces textes que […] ce conseiller est tenu d’appliquer les règles de bonne conduite prévues […] ainsi que les précisions apportées par […] l’article 325-5. »
La Cour identifie plusieurs carences déterminantes. L’investisseur n’a pas reçu d’explications suffisantes sur la nature exacte de ses droits, limités à des parts indivises et non à la collection elle-même. Il n’a pas été informé de l’absence d’engagement de rachat au profit de l’indivision au prix majoré, mais seulement de l’existence d’une option que le promoteur demeurait libre de ne pas exercer. Les documents remettaient une présentation optimiste du marché, minimisant le risque de perte en capital. Enfin, le produit préconisé ne correspondait pas au profil prudent exprimé pour l’intégralité des fonds à investir.
B. L’indemnisation au titre de la perte de chance et l’action directe contre l’assureur contestée
La Cour retient une perte de chance double. D’une part, éviter la perte partielle du capital investi; d’autre part, placer la somme sur un support sécurisé produisant un rendement raisonnable. Elle évalue la probabilité d’abstention à 70 %, compte tenu de l’âge, des objectifs de transmission et du profil de risque, puis applique cette probabilité à la perte subie et au gain manqué allégué. Le raisonnement reste mesuré et cohérent avec la logique indemnitaire de la perte de chance, sans excéder le dommage certain.
S’agissant de l’assurance, la Cour rappelle les principes directeurs de l’action directe. D’abord, « Le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. » Ensuite, la charge de la preuve pèse sur le demandeur: « il appartient au tiers lésé qui exerce une action directe à l’encontre d’un assureur d’établir l’existence du contrat d’assurance garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. » L’économie de la police invoquée reservait la qualité d’assuré à des agents placés sous mandat exprès du distributeur. Les éléments produits ne démontrent ni l’existence d’un tel mandat exprès au moment des opérations, ni l’intégration de l’intermédiaire dans le périmètre garanti. La possibilité d’un sous-mandat, non couvert par les stipulations utiles, n’est pas écartée. La demande dirigée contre l’assureur contestataire est donc rejetée, tandis que l’autre assureur, qui ne conteste pas sa garantie, est condamné in solidum avec l’intermédiaire.
L’ensemble dessine une solution d’équilibre. La Cour circonscrit fermement le point de départ de la prescription en matière de placements à horizon, puis exige des professionnels une information prudente et adaptée. Elle ordonne une réparation calibrée et réserve l’action directe aux hypothèses où la preuve de la qualité d’assuré résulte clairement des stipulations contractuelles applicables.