Cour d’appel de Paris, le 10 juillet 2025, n°24/09141

Par un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 10 juillet 2025, la formation a statué, l’intimé étant défaillant. Le litige naît d’un crédit personnel souscrit électroniquement le 26 juin 2022, d’un montant de 43 500 euros, remboursable en 60 mensualités. Plusieurs échéances impayées ont conduit le prêteur à poursuivre la résolution judiciaire du contrat et le paiement du solde.

Le juge des contentieux de la protection a, par jugement du 12 janvier 2024, déclaré l’action recevable mais a refusé de prononcer la résolution, retenant deux échéances impayées et l’absence de mise en demeure préalable. L’appel, formalisé le 16 mai 2024, a conduit le conseiller de la mise en état à solliciter la production des pièces d’information précontractuelle et de preuve de la signature électronique, conformément aux exigences issues de la transposition de la directive de 2008.

La question principale portait sur la possibilité de prononcer la résolution judiciaire en l’absence de mise en demeure, au regard de l’importance et de la persistance de l’inexécution. S’y ajoutaient l’examen des conditions de la déchéance du droit aux intérêts au vu des preuves d’information et de signature, ainsi que l’étendue des sommes dues et l’ajustement d’une indemnité d’exigibilité.

La cour confirme la recevabilité, retient l’inexécution suffisamment grave, prononce la résolution, écarte la déchéance du droit aux intérêts, réduit l’indemnité de résiliation et fixe les intérêts au taux contractuel à compter de l’arrêt, tout en mettant les dépens à la charge de l’appelante.

I. L’assise procédurale et l’appréciation de l’inexécution grave

A. Le cadre du défaut, la forclusion et l’office du juge

La formation rappelle l’office du juge en cas de défaut, en posant que « Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée ». La solution annonce un contrôle concret des prétentions, malgré l’absence de l’intimé, et un examen strict de la régularité.

Le contentieux de forclusion, déjà tranché favorablement par le premier juge, demeure inchangé en appel. La décision précise, sans ambiguïté, « Le jugement doit être confirmé sur ce point ». La cour applique aussi l’économie de l’article 954 du code de procédure civile, rappelant que « la partie qui ne conclut pas […] est réputée s’en approprier les motifs ». L’instance est donc balisée, la contestation recentrée sur la résolution et ses effets.

Cette mise au point procédurale prépare l’analyse du manquement contractuel appréciée au jour où la cour statue, ce qui commande l’examen de la gravité et de la persistance des impayés. Le débat se déplace alors vers la qualification d’inexécution suffisamment grave et l’office du juge en matière de résolution.

B. La résolution judiciaire sans mise en demeure, au prisme de la gravité de l’inexécution

La cour mobilise le couple 1227–1228 du code civil. Elle rappelle, d’abord, que « L’article 1227 du code civil dispose que « la résolution peut en toutes hypothèse être demandée en justice » ». Le juge n’est donc pas lié par l’absence de mise en demeure préalable si l’inexécution, appréciée in concreto, justifie la résolution.

Ensuite, l’office est précisé par la règle d’équilibre des remèdes: « En application de l’article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts ». La juridiction s’attache aux impayés initiaux puis à leur persistance, relevée jusqu’à l’audience d’appel, ce qui atteste une incapacité durable d’exécuter.

Au terme de ce contrôle, la motivation se concentre sur le seuil de gravité: « Dès lors l’inexécution est suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résiliation du contrat ». La solution dépasse le constat ponctuel de deux échéances, en intégrant la trajectoire d’inexécution, ce qui valide la résolution judiciaire malgré l’absence de mise en demeure. Le raisonnement privilégie la réalité économique du défaut plutôt que son instantanéité.

II. La rigueur probatoire des obligations d’information et l’ajustement des sanctions

A. Preuves de l’information précontractuelle et de la signature: pas de déchéance des intérêts

Le conseiller de la mise en état a exigé la production de la FIPEN, des documents explicatifs, de la solvabilité et des éléments attestant la fiabilité de la signature électronique, en cohérence avec la jurisprudence de la première chambre civile (Cass. 1re, 7 juin 2023, n° 22-15.552). Le dossier comportait une liasse contractuelle signée numériquement, une enveloppe de preuve et des justificatifs corrélés, satisfaisant aux exigences d’information.

La cour en tire une conséquence nette, formulée sans réserve: « Aucune déchéance du droit aux intérêts contractuels n’est donc encourue ». La solution s’inscrit dans la ligne d’un contrôle probatoire exigeant mais pragmatique, où l’eIDAS sert de référentiel technique et où la preuve de la remise effective de la FIPEN demeure décisive. L’établissement de crédit conserve ainsi le bénéfice des intérêts contractuels attachés au capital exigible.

Cette approche conforte un droit positif stabilisé: la déchéance demeure une sanction probatoire, et non une automaticité, dès lors que la chaîne de preuve est complète et intelligible. Elle aligne la pratique sur les standards européens, tout en maintenant une vigilance sur la qualité de l’information précontractuelle.

B. Indemnité d’exigibilité et intérêts: proportionnalité et économie des remèdes

La cour statue ensuite sur le quantum exigible après résolution. Le capital, augmenté des échéances impayées, produit intérêts « au taux de 4,69 % à compter du présent arrêt », ce qui ménage la temporalité des intérêts en lien avec la décision. L’indemnité d’exigibilité, réclamée sur la base d’un pourcentage, est scrutée à l’aune du préjudice réellement démontré.

Le motif est particulièrement éclairant sur la recherche de proportion: l’indemnité « apparaît excessive au regard du préjudice subi et doit être réduite à la somme de 60 euros ». La juridiction exerce un pouvoir de modération conforme à l’esprit de l’article 1231-5 du code civil, évitant un cumul punitif avec les intérêts contractuels retrouvés. La sanction retrouve ainsi sa fonction réparatrice, sans alourdir indûment la charge du débiteur.

Enfin, la charge des dépens reflète l’économie du litige d’appel. L’appelante, qui obtient la résolution et la condamnation au principal, supporte cependant les dépens d’instance et d’appel, l’intimé étant demeuré défaillant. L’équilibre global des remèdes s’en trouve confirmé, dans une logique de stricte proportion entre manquement, preuve et sanction.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture