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La Cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 6), le 10 septembre 2025, statue sur un litige prud’homal mêlant allégations de discrimination fondée sur le sexe et l’origine, harcèlement discriminatoire, et requalification de la démission en prise d’acte. La salariée, embauchée en 2008, a connu des promotions initiales puis un repositionnement en 2016 sur un poste de conseiller clientèle, avec stagnation de carrière et absence d’accès au statut cadre. Après un refus d’une rupture conventionnelle en juin 2019, un arrêt maladie en juillet, puis une démission motivée en septembre, elle a saisi la juridiction prud’homale. Le premier juge a rejeté ses demandes, dont la communication de données comparatives. En appel, elle invoque un régime probatoire aménagé, des comparaisons de trajectoires professionnelles internes, et l’équivoque de sa démission. L’employeur conteste tout grief et oppose des éléments de contexte, de formation et de rémunération.
La question de droit porte d’abord sur l’office du juge en matière de preuve des discriminations et du harcèlement discriminatoire, incluant la proportionnalité des injonctions de production au regard des données personnelles. Elle porte ensuite sur l’appréciation des éléments versés, la justification patronale requise, et les effets d’une démission motivée en situation de manquements graves, au regard de la prise d’acte et de la nullité. La Cour confirme le principe directeur du partage probatoire, décline le contrôle de proportionnalité sur la production, retient l’existence d’une discrimination et d’un harcèlement discriminatoire, puis requalifie la démission en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement nul, avec réparations associées.
I. Le contrôle probatoire des discriminations et du harcèlement discriminatoire
A. Le cadre normatif et la production de données
Les textes applicables structurent l’office du juge. La Cour rappelle que « Il incombe au salarié de présenter des éléments de fait laissant selon lui supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte ». Elle ajoute que « Il appartient au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination ». En miroir, la défense doit établir des raisons objectives étrangères à tout motif prohibé. Le harcèlement discriminatoire suit un régime analogue, sous l’empire de l’article L.1154-1 du code du travail.
La production de données personnelles est gouvernée par un triple test de nécessité, proportionnalité et minimisation. La Cour transpose la méthode dégagée récemment, exigeant « de rechercher si cette communication n’est pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve », puis « de cantonner, au besoin d’office, le périmètre de la production de pièces ». Elle en déduit que l’injonction sollicitée n’est pas indispensable pour établir l’existence de la discrimination alléguée, la salariée estimant posséder déjà des éléments suffisants pour ce volet, la question résiduelle portant l’évaluation du préjudice. Cette première séquence borne la preuve, sans priver l’examen au fond de sa portée.
B. L’appréciation concrète des éléments et la défaillance de justification
Les pièces réunies laissent supposer un traitement défavorable dans l’évolution de carrière et de rémunération. La Cour retient que la quasi-totalité des augmentations étaient automatiques, avec des années sans revalorisation malgré des évaluations favorables. Elle constate un repositionnement en 2016 sur un poste sans encadrement, privant d’opportunités vers la direction d’agence, alors que des validations internes et un cursus avaient été obtenus. Elle relève enfin des comparaisons internes pertinentes, montrant des évolutions significativement plus favorables, à statut ou à temporalité d’embauche comparables.
L’employeur n’apporte pas la preuve attendue d’éléments objectifs, circonstanciés et vérifiables. Les tableaux anonymisés sont jugés peu probants, les explications sur les gel ou transformation des voies d’accès au statut cadre contredites par des promotions internes contemporaines. Aucune démonstration spécifique n’établit que les écarts constatés procèdent d’éléments étrangers à tout motif prohibé. Le faisceau d’indices fonde la présomption, non renversée, de discrimination en raison du sexe et de l’origine, ainsi qu’un harcèlement moral à caractère discriminatoire. Les éléments médicaux et chronologiques corroborent une dégradation de la santé en lien avec les agissements retenus.
II. Les effets de la nullité sur la rupture et la réparation
A. L’équivoque de la démission et la prise d’acte
Le contrôle de la rupture s’enracine dans un principe net, que la Cour rappelle en ces termes: « La démission doit résulter d’une volonté claire et non équivoque du salarié de rompre son contrat de travail. » En présence d’une démission motivée par des griefs d’évolution professionnelle anormalement ralentie, de stress, et d’un arrêt de travail concomitant, l’ambiguïté est caractérisée. La qualification bascule alors vers une prise d’acte, si les manquements allégués se révèlent d’une gravité empêchant la poursuite du contrat.
Ayant retenu la discrimination et le harcèlement moral discriminatoire, la Cour enchaîne logiquement sur le régime de nullité attaché à la rupture. Elle formule la solution en des termes dénués d’ambiguïté: « La prise d’acte est donc justifiée et produit les effets d’un licenciement nul. » Cette qualification entraîne les conséquences protectrices attachées au licenciement nul, indépendamment d’une dispense de préavis ou d’un arrêt maladie sur la période.
B. L’indemnisation, les restitutions associées et la portée
La nullité commande l’indemnité compensatrice de préavis et les congés afférents, ainsi que l’indemnité conventionnelle de licenciement. Au titre de la nullité, la Cour applique l’article L.1235-3-1 du code du travail, accordant une indemnité au moins égale aux six derniers mois de salaire, modulée par l’ancienneté, l’âge et la situation postérieure. S’y ajoutent les dommages-intérêts réparant le préjudice de carrière né de la discrimination, ainsi que le préjudice moral attaché au harcèlement discriminatoire, appréciés in concreto à partir des pièces disponibles, sans qu’une production supplémentaire soit jugée nécessaire.
Le jugement de première instance est infirmé, sauf sur le rejet de l’injonction de production. La Cour ordonne en outre le remboursement à l’organisme d’assurance chômage dans la limite légale et la délivrance des documents de fin de contrat rectifiés. L’ensemble dessine un équilibre exigeant: la preuve aménagée demeure rigoureuse, la production de données reste proportionnée, et la sanction de la nullité joue pleinement lorsqu’une discrimination et un harcèlement discriminatoire sont caractérisés et non justifiés. Par une motivation précise, l’arrêt combine pédagogie probatoire et effectivité des droits, sans céder sur les garanties attachées aux données personnelles.