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Rendue par la Cour d’appel de Paris le 10 septembre 2025, la décision tranche un contentieux de licenciement économique portant sur la reconstitution d’ancienneté et l’exécution de l’obligation de reclassement. Une salariée engagée en contrat à durée indéterminée en 2014, après divers contrats au sein d’un même périmètre économique, a accepté un contrat de sécurisation professionnelle en janvier 2019 puis a contesté la rupture. Le conseil de prud’hommes l’avait déboutée en 2021. L’appel porte sur la prescription liée à l’ancienneté, l’irrégularité de la procédure, la réalité des recherches de reclassement au sein du groupe, et les conséquences indemnitaires, notamment le préavis malgré le dispositif de sécurisation.
La Cour retient la recevabilité des prétentions relatives à l’ancienneté, la fixe à compter du 1er septembre 2001, écarte tout grief procédural au regard d’un procès-verbal de carence, mais sanctionne un manquement à l’obligation de reclassement, en relevant des embauches intervenues durant le délai de réflexion et non proposées. Elle déclare le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alloue des indemnités (préavis et dommages-intérêts), ordonne la remise des documents et le remboursement partiel des allocations versées par l’organisme d’assurance chômage.
I. Sens et cohérence de la solution
A. Prescription, ancienneté et rattachement à la rupture
La Cour articule d’abord le délai d’action avec la date de rupture et précise la fonction de l’ancienneté dans l’économie des droits du salarié. Elle énonce que « Il est constant que l’ancienneté s’apprécie du premier jour au dernier jour du contrat et que cette ancienneté détermine les droits du salarié sur le quantum des sommes éligibles au titre des indemnités dues au dernier jour du contrat ». La conséquence en est tirée par une règle de point de départ, dégagée en considération des textes de prescription invoqués : « Ainsi, la rupture effective du contrat de travail ayant été actée à la date du 6 février 2019, c’est à cette date que le délai de prescription doit s’appliquer. »
La chronologie contractuelle est retracée et filtrée par la preuve utile. Les périodes non justifiées sont exclues, tandis que les périodes établies au sein du même ensemble économique sont rattachées à une ancienneté unique. La Cour reconstitue ainsi l’ancienneté à compter du 1er septembre 2001, ce qui impacte directement le calcul du reliquat d’indemnité légale de licenciement. Le choix du point de départ, calé sur la rupture, sécurise la recevabilité des demandes relatives à l’ancienneté et confirme une logique indemnitaire arrimée à la durée totale de la relation de travail utilement démontrée.
B. Procédure économique et portée du procès-verbal de carence
Sur l’irrégularité de la procédure économique, la Cour contrôle la réalité du procès-verbal de carence et sa notification à l’autorité administrative, ce qui emporte l’impossibilité de consultation des représentants absents. Elle relève que les pièces versées attestent de ce formalisme et statue en conséquence : « Ainsi, la cour confirmant le jugement entrepris, rejette la demande d’irrégularité de la procédure de licenciement économique. »
Cette affirmation recentre le débat sur le cœur matériel du motif économique, à savoir l’exécution loyale et sérieuse de l’obligation de reclassement. La solution sépare nettement la validité de la procédure collective de l’examen concret des efforts de reclassement, lequel demeure déterminant pour la cause réelle et sérieuse.
II. Valeur et portée de la décision
A. L’obligation de reclassement, exigence de loyauté et d’effectivité
La Cour rappelle la densité de l’obligation de reclassement, tant dans son objet que dans son calendrier. Elle souligne que « Il est constant que les recherches de reclassement doivent s’effectuer dès le moment où le licenciement est envisagé, tout au long du processus de reclassement, jusqu’au jour du licenciement. » Elle précise la qualité attendue des offres, qui doivent être individualisées et vérifiables : « Les offres de reclassement doivent être précises, concrètes et personnalisées, les juges du fond appréciant souverainement ces éléments factuels. »
L’arrêt constate une démarche insuffisante au niveau du groupe, limitée à une sollicitation isolée et non relancée, tandis que des recrutements ont été opérés pendant le délai de réflexion sans proposition préalable. La Cour écarte les justifications tirées de la hiérarchie des postes ou de la prétendue inadéquation des compétences, rappelant la possibilité d’adaptation par la formation et l’exigence d’explorer des postes équivalents, voire inférieurs avec accord exprès. La carence de l’employeur, appréciée au regard des embauches concomitantes et de l’absence d’offres ciblées, emporte l’absence de cause réelle et sérieuse.
B. Les effets de l’absence de cause et la consolidation indemnitaire
La sanction se décline sur plusieurs vecteurs cohérents, en droit positif. D’une part, l’indemnité de licenciement est recalibrée en fonction de l’ancienneté reconstituée, sans que le reçu pour solde de tout compte ne puisse paralyser l’action. La Cour rappelle sur ce point que « Par ailleurs, la signature du salarié ne le prive pas de son droit de contestation de son licenciement et l’employeur ne peut se prévaloir de l’effet libératoire du reçu pour solde de tout compte lors d’une action en justice. » D’autre part, l’acceptation d’un dispositif de sécurisation ne neutralise pas les effets du défaut de cause économique. La Cour énonce, en termes généraux, que « Il est constant qu’en l’absence de reconnaissance du motif économique du licenciement, l’employeur est tenu de verser l’indemnité compensatrice de préavis accompagnée des congés payés afférents, peu peu important les sommes versées dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle.. »
L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est évaluée au regard de l’ancienneté, de l’âge et de la situation de retour à l’emploi, dans les bornes légales. Les intérêts sont distingués selon la nature salariale ou indemnitaire des créances, avec capitalisation. Enfin, le remboursement partiel des allocations versées par l’organisme d’assurance chômage est ordonné, conformément au texte qui permet un tel retour dans la limite légalement fixée. L’ensemble dessine une solution ferme, qui affirme la centralité probatoire de la recherche de reclassement et l’exigence d’une exploration effective et continue des postes disponibles, y compris lorsqu’un dispositif de sécurisation est proposé.