Cour d’appel de Paris, le 10 septembre 2025, n°22/01108

Par un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 10 septembre 2025, la juridiction tranche la validité d’un licenciement pour inaptitude et l’étendue des obligations de sécurité et de reclassement. L’affaire naît d’une embauche comme secrétaire en 2016, suivie d’un arrêt maladie en 2018, puis d’un avis d’inaptitude en 2019 mentionnant une possible affectation dans un autre environnement géographique.

Licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, la salariée conteste la rupture. Le conseil de prud’hommes rejette ses demandes en 2021, puis la Cour d’appel de Paris est saisie en 2022 pour infirmer ce jugement et statuer sur des indemnités de rupture et de responsabilité.

La salariée impute son inaptitude à une dégradation de ses conditions de travail et invoque une modification unilatérale de ses fonctions. L’employeur soutient avoir agi dans le cadre du pouvoir de direction, avoir répondu aux alertes et respecté les exigences légales de prévention et de reclassement.

La Cour rappelle le cadre normatif de l’obligation de sécurité: « Il résulte des article L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. » Elle énonce encore que « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi ». S’agissant du reclassement, elle fixe le standard probatoire: « Il appartient à l’employeur de justifier des démarches précises et concrètes qu’il a accomplies pour parvenir au reclassement, au sein de l’entreprise d’abord, puis, lorsque celle-ci appartient à un groupe, auprès des autres sociétés du groupe. » Elle confirme enfin le jugement et retient la cause réelle et sérieuse.

I – La cause réelle et sérieuse au prisme des obligations de sécurité et de loyauté

A – Le standard jurisprudentiel de prévention et de bonne foi

La Cour précise la portée de l’obligation de sécurité en termes de moyens renforcés. Elle affirme: « Toutefois, l’employeur ne méconnaît pas cette obligation légale s’il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un manquement à son obligation de sécurité, a pris les mesures immédiates propres à les faire cesser. » Le rappel de l’article L.1222-1 sur la bonne foi imprègne l’analyse de l’exécution contractuelle et borne les griefs de loyauté.

Ce double ancrage normatif conduit à apprécier les diligences concrètes. La Cour confronte les preuves d’alertes, de propositions d’entretiens, d’orientations vers la médecine du travail et d’échanges écrits, et juge la réaction de l’employeur conforme au standard exigé.

B – L’appréciation in concreto des faits et le pouvoir de direction

L’absence de fiche de poste ne suffit pas à caractériser une faute. La Cour énonce que « dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur peut changer les conditions de travail d’un salarié et notamment lui donner des tâches différentes de celles qu’il effectuait antérieurement, pourvu qu’elles correspondent à sa qualification. » Elle constate l’absence de surcharge prouvée, l’encadrement identifié, le refus non abusif d’une formation spécifique, et l’absence de sanction issue des contrôles d’horaires.

Partant, la formation retient l’absence de manquement aux obligations invoquées. Elle conclut, en des termes généraux, à l’absence de défaillance: « Il ne résulte pas de l’ensemble des éléments qui précèdent et des pièces communiquées l’existence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ou à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail. » L’inaptitude demeure la cause du licenciement, sans imputabilité fautive à l’employeur.

II – Le contrôle des diligences de reclassement et le sort des demandes accessoires

A – Les démarches de reclassement exigées et leur preuve

La Cour rappelle l’économie de l’article L.1226-2 du code du travail sur l’obligation de proposition d’un emploi approprié, au besoin par adaptation du poste. Elle souligne l’exigence probatoire: « Il appartient à l’employeur de justifier des démarches précises et concrètes qu’il a accomplies pour parvenir au reclassement, au sein de l’entreprise d’abord, puis, lorsque celle-ci appartient à un groupe, auprès des autres sociétés du groupe. » La consultation des représentants, la sollicitation des agences et les réponses négatives établissent une recherche effective.

En l’absence de poste compatible avec les restrictions, la solution s’impose. La Cour énonce que « A défaut de poste de reclassement disponible au sein de l’ensemble de l’entreprise correspondant aux restrictions émises par le médecin du travail, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ». Le respect des démarches précises et concrètes emporte validation de la rupture.

B – Le rejet du préjudice moral autonome et la confirmation au titre de la sécurité

La demande de dommages-intérêts pour préjudice moral est écartée faute d’éléments distincts. La décision motive que la salariée « ne justifie pas, par les pièces communiquées, de l’existence d’un préjudice distinct du licenciement lui-même en raison de circonstances vexatoires ou brutales de la rupture de son contrat de travail. » L’absence de circonstances aggravantes ferme la voie d’un chef autonome d’indemnisation.

S’agissant de l’obligation de sécurité, la Cour confirme le respect des mesures de prévention et d’accompagnement. Elle conclut, de manière nette: « Il en résulte, ainsi que des éléments qui ont été relevés par la cour dans le cadre de l’examen du licenciement que l’employeur n’a pas méconnu son obligation de sécurité. » L’économie d’ensemble de l’arrêt consacre une approche rigoureuse des diligences et réaffirme la centralité de la preuve concrète dans l’inaptitude non imputable.

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Hassan KOHEN
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