Cour d’appel de Paris, le 10 septembre 2025, n°22/05538

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Par un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 10 septembre 2025 (Pôle 6 – Chambre 4), un contentieux d’assistance en escale interroge la portée du transfert conventionnel des contrats et le régime de l’intervention forcée en appel. Une salariée, anciennement affectée à des prestations pour des compagnies aériennes, a vu son contrat non transféré lors de la reprise des marchés après la liquidation de l’entreprise sortante. Le liquidateur a adressé des sommations et des listes de personnels au(x) repreneur(s), avant un licenciement économique prononcé en contexte de cessation d’activité. Saisi, le conseil de prud’hommes a fixé une indemnité pour non-respect de la procédure de transfert, a débouté du surplus, et a mis la charge au passif, la garantie de l’organisme de garantie des salaires étant déclarée opposable dans la limite légale. Devant la Cour d’appel de Paris, l’entreprise sortante, les sociétés entrantes et l’organisme de garantie ont développé des prétentions contraires, tandis que des appels en intervention forcée visaient une filiale d’exploitation et un centre territorial de garantie.

La cour énonce d’abord que « il n’est pas soutenu, ni a fortiori établi, que les conditions posées par l’article L. 1224-1 du code du travail […] auraient été réunies en l’espèce ». Elle rappelle, ensuite, le mécanisme de l’annexe VI de la convention collective du personnel au sol, dont l’article 2.1 prévoit que « lorsque la prestation […] correspond au périmètre de l’activité […] et que la prestation est effectuée par des personnels uniquement dédiés […], les contrats de travail de ces personnels sont transférables sous réserve que les salariés soient affectés […] depuis au moins 4 mois […]. Il appartient à l’entreprise sortante de vérifier que ces conditions sont remplies ». Elle retient, enfin, que le liquidateur a transmis des listes et informations inadaptées, sans mise en œuvre complète des garanties, causant une perte de chance d’examen du transfert. Sur le terrain procédural, la cour déclare irrecevables des interventions forcées en appel, au visa de l’article 555 du code de procédure civile, faute d’« élément nouveau de fait ou de droit […] de nature à transformer l’issue du procès ». Elle confirme le jugement, rejette les demandes dirigées contre les entreprises entrantes, fixe l’indemnité au passif et ajoute des frais irrépétibles.

I) Le cadre du transfert conventionnel réaffirmé et précisé

A) Les conditions matérielles et la charge de vérification imposées à l’entreprise sortante
La Cour d’appel de Paris rétablit d’abord la hiérarchie des sources. L’article L. 1224-1 demeurant inapplicable, seul le régime conventionnel TAPS gouverne la succession d’entreprises sur le marché. Le texte cite l’article 2.1, qui « organise le transfert des salariés en cas de succession d’entreprises […] lorsque ce transfert n’est pas de droit » et lie la transférabilité à l’affectation, aux quatre mois, et aux habilitations requises. La décision insiste sur la charge probatoire et procédurale placée sur la sortante, laquelle doit authentifier l’affectation, réunir les pièces, et assurer l’interface loyale avec les entrantes.

Cette exigence se double d’un processus séquencé. La cour rappelle que « la mise en œuvre de ce mécanisme suppose […] un accord préalable entre les entreprises entrante et sortante sur les effectifs requis […] puis sur l’identification des salariés affectés au marché concerné ». La convention fixe, en outre, des critères d’ordre, des modalités de répartition en cas de pluralité d’entrantes, et un recours à l’expertise en cas de désaccord. L’économie du dispositif commande ainsi que les listes opposables résultent d’un dimensionnement partagé, dûment justifié, et suivi d’une transmission complète des dossiers individuels.

B) L’application aux faits: listes opposables, absence de manquement des entrantes, faute de la sortante
La cour constate que des listes initiales ont été dressées unilatéralement, avant qu’un accord de dimensionnement n’intervienne et qu’une ultime liste, complète, soit transmise. Elle en déduit le principe directeur suivant: « seule la liste des salariés transférables ainsi établie constitue la base de l’obligation de reprise du personnel attachée au marché ». Les sociétés entrantes, liées par la dernière liste convenue et les pièces afférentes, n’étaient pas tenues d’élargir le périmètre ni d’intégrer des salariés non identifiés selon les critères conventionnels. Les refus antérieurs ou les oscillations initiales ne suffisent pas à caractériser un manquement dès lors que la liste opposable ne faisait pas apparaître la salariée.

En revanche, la cour retient des carences déterminantes du côté de la sortante. Elle souligne l’absence de vérification préalable des conditions d’affectation, la communication d’informations inexactes, et le défaut de recours à l’expertise conventionnelle en cas de désaccord. Ce faisceau d’erreurs prive la salariée d’une chance sérieuse d’examen effectif de son transfert. L’action indemnitaire se fonde alors non sur un transfert de droit, mais sur un préjudice autonome de procédure, ce qui ménage l’économie générale de l’annexe VI et l’équilibre des obligations croisées.

II) La cohérence procédurale: intervention forcée, qualification du préjudice et portée

A) L’encadrement de l’intervention forcée en appel au regard de l’article 555
La Cour d’appel de Paris adopte une lecture stricte du texte. Elle rappelle que « peuvent être appelées devant la cour des personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance seulement si l’évolution du litige implique leur mise en cause ». L’exigence d’un fait ou d’un droit nouveau, postérieur et décisif, protège le double degré de juridiction et circonscrit l’effet dévolutif. Or, aucune circonstance nouvelle n’était caractérisée. En conséquence, « les interventions forcées seront déclarées irrecevables ». La solution, classique, sécurise l’office du juge d’appel en évitant la recomposition tardive du litige social au détriment des tiers.

Cette rigueur procédurale interagit avec le fond. Le contentieux du transfert conventionnel appelle des déterminations techniques (dimensionnement, affectations, expert). Leur contestation à l’instance d’appel, par l’adjonction de parties inédites, aurait déséquilibré le procès et contourné les voies instituées par l’annexe VI. La décision conforte, par là même, la centralité des diligences à la première instance, et la loyauté de la mise en cause.

B) La nature du préjudice, l’office du juge et la portée pratique de la solution
Sur le licenciement, la Cour d’appel de Paris constate la cessation d’activité complète dans le cadre d’une liquidation judiciaire, l’exécution d’obligations de reclassement, et rejette la thèse d’une absence de cause réelle et sérieuse. La qualification économique demeure, le transfert n’étant pas de droit, et la procédure conventionnelle n’ayant pas abouti. La discussion se déplace alors sur le terrain de la responsabilité procédurale de l’entreprise sortante dans la conduite du transfert conventionnel.

La motivation est nette: « Il résulte toutefois de ce qui précède que l’employeur, soit l’entreprise sortante représentée par le liquidateur, a donné des informations erronées […] Ses manquements […] n’ont pas permis l’examen d’un transfert éventuel du contrat de travail de la salariée. » La cour consacre un préjudice de perte de chance, précisément détaché d’un droit à transfert. L’évaluation retenue est entérinée: « préjudice que le conseil de prud’hommes a exactement évalué ». La portée est double. D’une part, les entreprises entrantes ne peuvent être condamnées en l’absence de liste opposable et d’inexécution caractérisée de leurs obligations. D’autre part, l’entreprise sortante engage sa responsabilité lorsqu’elle faillit aux vérifications requises ou omet le recours expertal prévu.

En pratique, la solution incite les sortantes à documenter rigoureusement l’affectation, à échanger tôt sur le dimensionnement, et à saisir l’expert en cas de blocage. Elle rappelle, corrélativement, que la réparation vise la chance perdue d’examen loyal, sans présumer d’un transfert acquis. Elle stabilise enfin le contentieux d’appel en resserrant l’accès de tiers, conformément à l’article 555, et en confirmant l’office du juge social face aux mécanismes conventionnels d’assistance en escale.

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Hassan KOHEN
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