Cour d’appel de Paris, le 10 septembre 2025, n°24/07126

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Rendue par la Cour d’appel de Paris, pôle 4 chambre 8, le 10 septembre 2025, sur renvoi après cassation (troisième chambre civile, 25 janvier 2024), la décision tranche un litige né d’un incendie parti d’un fonds non bâti et propagé à une maison voisine. La question porte sur le régime applicable à la communication d’incendie entre immeubles, la charge des obligations de débroussaillement en zone non urbaine et la recevabilité d’un recours subrogatoire de l’assureur des voisins. Les faits utiles tiennent à un feu de broussailles ayant gagné une haie proche de l’habitation sinistrée. L’assureur des voisins, ayant indemnisé, a exercé un recours contre l’assureur du propriétaire du fonds d’où le feu est parti.

La procédure a connu une condamnation par le tribunal judiciaire de Paris, le 16 janvier 2020, confirmée par un arrêt du 8 février 2022. La Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions et renvoyé devant une autre formation. Devant la cour de renvoi, l’assureur subrogé a demandé confirmation, au besoin par substitution de motifs, en invoquant l’article 1242, alinéa 2, la théorie des troubles anormaux de voisinage et les règles du débroussaillement. L’assureur du propriétaire du fonds non bâti a soutenu l’absence de faute, la charge du débroussaillement incombant au propriétaire de la construction en zone non urbaine. La cour écarte la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée, constate l’applicabilité de l’article 1242, alinéa 2, et infirme le jugement sur le fond, déboutant l’assureur subrogé.

I — Le cadre exclusif de la communication d’incendie et ses incidences

A — Le monopole de l’article 1242, alinéa 2, en présence d’un incendie

La cour énonce que « cet article est seul applicable lorsqu’il existe une relation directe entre l’incendie et les dommages subis par des tiers ». Elle ajoute de manière décisive qu’« il en résulte que la responsabilité du fait des troubles excédant les inconvénients anormaux de voisinage ne peut être étendue en cas de communication d’incendie entre immeubles voisins ». La solution circonscrit clairement le débat au terrain délictuel spécial de la communication d’incendie, excluant le régime objectif de voisinage, parfois invoqué pour contourner la preuve de la faute.

L’orientation s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence qui sépare les fondements lorsque l’événement dommageable relève d’un texte spécial. La portée pratique est nette : la victime ou son assureur subrogé doit rapporter la preuve d’une faute du détenteur du fonds d’où le feu a pris naissance, ce qui structure la suite de l’analyse probatoire.

B — La répartition des obligations de débroussaillement en zone non urbaine

La cour rappelle le contenu des articles L.134-6 et L.134-8 du code forestier, pour préciser le titulaire de l’obligation en zone non urbaine. Elle cite que « l’obligation de débroussaillement et de maintien en état débroussaillé s’applique pour les terrains situés à moins de 200 m des bois et forêts aux abords des constructions […], sur une profondeur de 50 mètres » et que, dans cette hypothèse, « les travaux de débroussaillement sont à la charge du propriétaire des constructions, […] pour la protection desquels la servitude est établie ». L’arrêt souligne en outre que « le maire assure le contrôle de l’exécution des obligations » par renvoi à l’article L.134-7.

Cette base légale conduit à écarter tout grief de faute tiré du non‑débroussaillement imputé au propriétaire du fonds non bâti. La solution est d’autant plus cohérente que la preuve documentaire situait les deux parcelles en zone agricole, ce qui déclenche la règle spéciale de charge au profit de la construction exposée.

II — L’exigence de la faute et les limites du recours subrogatoire

A — La charge et le niveau de preuve de la faute du détenteur du fonds

La cour énonce le cadre probatoire en termes simples : « il suppose […] la preuve de la communication d’un incendie et la preuve d’une faute de celui qui détient l’immeuble dans lequel l’[incendie] a pris naissance ». Elle constate d’abord qu’« il n’est pas contesté que l’incendie a pris naissance sur le terrain » à l’origine, ce qui satisfait la première condition. Elle examine ensuite les éléments invoqués pour la seconde, au premier rang desquels l’état d’une haie ayant favorisé la propagation.

Sur ce point, l’arrêt relève que le rapport amiable décrit que « le feu s’est rapidement communiqué à des végétaux de clôture […] puis à la toiture et à l’ensemble de l’habitation ». Toutefois, la cour exige un chemin probatoire complet en cas d’empiétement des travaux de débroussaillement au-delà des limites de propriété, en retenant que la faute ne pouvait être déduite sans « justifier d’un refus […] à [la] demande de débroussaillage », au regard de l’article R.131-14 et des pouvoirs municipaux d’injonction. Elle conclut que « [l’assureur subrogé] ne justifie […] d’aucune autre faute incombant [au propriétaire du fonds] qui serait à l’origine directe » du sinistre.

B — L’échec du recours subrogatoire et la portée de la décision

La conséquence est formulée avec netteté : « Dès lors que l’une des conditions d’application de l’article 1242 alinéa 2 du code civil n’est pas remplie, [l’assureur subrogé] […] n’est pas fondé à exercer l’action subrogatoire ». La cour déboute donc la demande de remboursement de l’indemnité versée, et infirme le jugement sur ce point, tout en statuant sur les dépens et les frais irrépétibles dans le sens de la succombance.

La décision confirme la place cardinale de la faute en matière de communication d’incendie et clarifie l’articulation avec le droit du débroussaillement en zone non urbaine. Elle incite les propriétaires de constructions exposées à activer les mécanismes de l’article R.131-14, faute de quoi la preuve d’une faute du fonds voisin non bâti restera déficiente. Elle consolide enfin une ligne cohérente de droit positif, refusant l’attraction du trouble anormal de voisinage lorsque le texte spécial gouverne, et sécurise le périmètre de l’action subrogatoire des assureurs en cas d’incendies de lisière.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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