Cour d’appel de Paris, le 10 septembre 2025, n°24/20383

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Par un arrêt du 10 septembre 2025, la Cour d’appel de Paris statue sur la prescription de l’action disciplinaire dirigée contre un professionnel des ventes volontaires à la suite de la mise en vente d’un sac ultérieurement reconnu inauthentique. L’enjeu tient à la détermination de l’acte interruptif du délai triennal prévu par le code de commerce et, partant, à l’articulation entre l’instruction préalable menée par l’autorité poursuivante et l’engagement effectif des poursuites.

Les faits utiles se résument ainsi. Une vente aux enchères publiques, organisée le 9 juillet 2020, comprend un sac présenté comme authentique. L’acheteuse obtient le remboursement des seuls frais et saisit l’organe disciplinaire en 2021. L’autorité poursuivante diligente diverses investigations, notamment un rapport remis en novembre 2021, puis un signalement pénal classé sans suite en mai 2023. La saisine de la formation de jugement intervient le 29 février 2024.

La procédure a conduit la formation disciplinaire à retenir la prescription, estimant que seul l’acte de saisine, doté d’une date certaine, interrompt le délai de trois ans courant du manquement. L’autorité poursuivante interjette appel, soutenant que ses actes d’investigation, par analogie pénale, ont interrompu la prescription. Le professionnel intimé conclut à la confirmation, rappelant la lettre des textes et l’autonomie des règles disciplinaires. Le ministère public invite la cour à considérer la prescription comme susceptible d’interruption par les actes d’enquête de l’autorité poursuivante.

La question posée tient à la portée interruptive des diligences d’instruction préalable accomplies par l’autorité poursuivante au regard du délai triennal de l’action disciplinaire. La Cour d’appel de Paris confirme la prescription, énonçant que « Il est de jurisprudence constante que les poursuites disciplinaires ne relèvent pas de la matière pénale » et adoptant le principe selon lequel, hors condamnation pénale devenue définitive, seule la saisine de la formation disciplinaire interrompt le délai. La solution se trouve encore précisée lorsqu’il est affirmé que « C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que la commission des sanctions a considéré qu’à l’exception d’une condamnation pénale devenue définitive, seule la saisine (…) est interruptive de la prescription triennale ».

I. Le sens du raisonnement: autonomie disciplinaire et unicité de l’acte interruptif

A. L’affirmation du caractère non pénal des poursuites disciplinaires

La cour rappelle d’abord l’autonomie du contentieux disciplinaire, dont la finalité et l’office ne relèvent pas de la répression pénale. Il est expressément jugé que « les poursuites disciplinaires ne relèvent pas de la matière pénale », ce qui exclut l’importation des mécanismes interruptifs propres à l’action publique. Cette affirmation éclaire le régime applicable à la prescription, indexé sur les textes spéciaux et non sur le code de procédure pénale.

Le statut de l’autorité poursuivante ne modifie pas cette grille. La formation souligne que « Si le magistrat de l’ordre judiciaire (…) est habituellement un magistrat du ministère public, (…) cela ne signifie pas qu’il en a les mêmes pouvoirs ». La distinction vaut tant pour l’économie générale de la procédure que pour l’effet des actes accomplis en amont de la saisine. L’instruction préalable demeure préparatoire; elle ne constitue pas l’engagement des poursuites au sens des textes.

B. La consécration d’un acte interruptif unique: la saisine dotée de date certaine

Dans le prolongement, la cour retient un critère opératoire et lisible. Elle approuve la position selon laquelle, « à l’exception d’une condamnation pénale devenue définitive, seule la saisine (…) par tout moyen conférant date certaine à sa réception aux fins de poursuite est interruptive de la prescription triennale ». La clarté de l’acte, sa destination contentieuse et son horodatage objectif justifient son seul effet interruptif.

La solution s’accorde avec l’exigence de sécurité juridique. Les actes d’enquête, demandes de précisions, saisines d’un service d’investigation ou signalements au parquet, ne manifestent pas, par eux-mêmes, l’engagement de l’action disciplinaire devant la formation compétente. Ils préparent éventuellement la poursuite, sans en tenir lieu. Le point de départ du délai, fixé au manquement, demeure inchangé et son interruption obéit à un formalisme unique.

II. La valeur et la portée: sécurité des délais, office d’instruction et efficacité régulatrice

A. Une lecture conforme aux textes et à la légalité des poursuites

La solution s’enracine dans les dispositions qui fixent un délai triennal et désignent la saisine comme modalité d’engagement. En réservant le cas particulier d’une condamnation pénale définitive, la cour respecte l’économie du dispositif et la prévisibilité des atteintes à la situation professionnelle. La règle posée ménage l’équilibre entre la protection du professionnel et l’effectivité de la discipline.

Le raisonnement procède aussi d’une conception stricte de la prescription, instrument d’ordre public de sécurité. Il est opportun que l’acte interruptif soit univoque, traçable et directement rattaché à la mise en mouvement de l’action. Une pluralité d’actes précontentieux à effet interruptif affaiblirait la clarté du régime et exposerait à des incertitudes probatoires peu compatibles avec la rigueur requise.

B. Des conséquences pratiques maîtrisées pour l’enquête et la poursuite

La cour écarte l’argument d’une paralysie de l’instruction, en relevant qu’« une telle interprétation des textes n’aboutit pas à empêcher le commissaire du gouvernement de mener à bien sa mission ». Les diligences utiles peuvent et doivent intervenir dans le délai, afin d’éclairer l’opportunité des poursuites. L’efficacité régulatrice dépend, dès lors, d’une gestion diligente du temps d’enquête et d’un pilotage resserré des étapes.

Cette orientation incite à une discipline procédurale accrue. L’autorité poursuivante doit planifier ses investigations, recueillir les éléments pertinents et, le cas échéant, saisir avant l’expiration du terme. Les professionnels gagnent en lisibilité sur l’horizon temporel du risque disciplinaire. Le régime renforce la sécurité des délais, sans priver l’enquête de substance, pourvu que l’office d’instruction demeure prompt et proportionné.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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