Cour d’appel de Paris, le 10 septembre 2025, n°25/02252

Par un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 10 septembre 2025, la juridiction statue, sur déféré, sur l’irrecevabilité d’un appel formé contre un jugement prud’homal. Le litige naît d’une contestation de la rupture du contrat de travail, rejetée par le conseil de prud’hommes de Paris le 10 juillet 2024. La salariée a interjeté appel les 30 septembre et 2 octobre 2024, après notification du jugement par lettre recommandée avec avis de réception. Le conseiller de la mise en état a déclaré l’appel forclos le 20 mars 2025. L’appelante invoquait des irrégularités de distribution, tenant à une intervention de la gardienne, à l’absence de cachet postal, et à un suivi en ligne lacunaire, pour obtenir l’annulation de la notification. L’intimée opposait l’avis de réception signé et la régularité de l’acheminement, afin de faire constater la tardiveté de l’appel.

La question posée à la Cour tenait au point de départ du délai d’appel lorsque la notification est faite par le greffe par voie postale, et à la valeur probatoire de l’avis de réception signé au regard d’irrégularités alléguées de remise. La Cour confirme l’ordonnance, en rappelant le principe selon lequel le délai court de la réception effective. Elle énonce que « Il résulte des textes précités, que si le délai d’appel court à compter de la notification du jugement, la date de cette notification, lorsqu’elle est opérée par voie postale, est celle de la réception de la lettre ». Elle précise encore que « Il a été jugé que la preuve de la remise au destinataire résultait de la signature de l’avis de réception par l’intéressé ». L’analyse se concentre d’abord sur l’ancrage légal du dies a quo, puis sur l’examen des preuves de remise et leurs incidences pratiques.

I. La réception comme point de départ légal et opposable

A. La lettre des textes et son application par la Cour
La Cour articule sa motivation autour des articles 528, 538, 668 et 670 du code de procédure civile, ainsi que de l’article R. 1454-26 du code du travail. Elle reprend une formule de principe claire, qui guide la solution retenue. Elle affirme que « Il résulte des textes précités, que si le délai d’appel court à compter de la notification du jugement, la date de cette notification, lorsqu’elle est opérée par voie postale, est celle de la réception de la lettre ». Le choix de cette référence, précise et cohérente, situe sans ambiguïté le fait générateur du délai dans la réception avérée, et non dans la date d’expédition ou de première présentation.

L’articulation avec l’article 670 renforce la rigueur du raisonnement. L’avis de réception signé vaut notification à personne et fixe, en conséquence, la date de départ du délai. La Cour n’ajoute aucune exigence étrangère aux textes. Elle évite une lecture formaliste excessive de la chaîne postale, en concentrant l’examen sur l’élément décisif et objectivable qu’est la signature du destinataire.

B. La preuve par l’avis de réception et l’écartement des contestations
Le cœur de la solution tient à la force probante de l’avis de réception signé. La Cour rappelle que « Il a été jugé que la preuve de la remise au destinataire résultait de la signature de l’avis de réception par l’intéressé », ce qui distingue nettement la remise effective de la première présentation. Cette distinction neutralise les développements fondés sur l’itinéraire du pli ou sur son passage par une loge, dès lors que la signature du destinataire figure sur l’avis.

La motivation s’attache à identifier la pièce décisive parmi les documents postaux. Elle relève que « Il sera relevé en toute occurrence que parmi les documents établis par la poste, c’est l’accusé de réception signé par le destinataire et retourné à l’expéditeur qui atteste que le courrier a bien été réceptionné et à quelle date ». La Cour apprécie ensuite la valeur des attestations produites, et rejette celles-ci en des termes mesurés mais fermes. Elle juge que « Ces témoignages aussi énigmatiques que confus sont dépourvus de toute valeur probante », compte tenu du retour de l’avis signé et des pièces du greffe corroborantes. Enfin, elle écarte l’argument tiré d’un avis de passage inexistant par une précision utile sur la pratique postale: « Quant à l’avis de passage du facteur, il n’est utilisé que quand le recommandé n’a pas pu être remis ».

II. Cohérence jurisprudentielle et effets pratiques de la solution

A. Une solution conforme à la sécurité juridique et à la distinction des dates
La Cour préserve la sécurité juridique en consacrant la signature du destinataire comme pivot probatoire de la remise. Elle distingue implicitement la date d’expédition, que des cachets établissent, de la date de réception, que l’avis signé atteste. L’évocation de jurisprudences antérieures, relatives à la preuve de l’expédition ou à des avis comportant des dates discordantes, est replacée dans leur exacte portée. Les précédents ne justifient pas d’exiger un cachet sur l’avis de réception ni de conférer une autorité supérieure à un suivi informatique non authentifié.

Cette cohérence aboutit à une sanction classique de la tardiveté. La Cour énonce sans détour que « Il en résulte que les appels interjetés par celle-ci le 30 septembre 2024 puis le 2 octobre 2024, ont été formés bien au-delà du délai de forclusion et se révèlent donc irrecevables ». La solution protège la stabilité des décisions et l’égalité des parties devant les délais, tout en rappelant la hiérarchie probatoire des pièces.

B. Portée en contentieux prud’homal et exigences probatoires pour contester la remise
La portée pratique de l’arrêt excède le seul litige prud’homal. Chaque fois que la notification est assurée par le greffe en lettre recommandée, l’avis de réception signé commande l’analyse du délai. Les contestations doivent viser la signature elle-même, sa formation ou son authenticité, et non la simple régularité du circuit postal. À défaut d’éléments objectivables, les allégations relatives à des pratiques de remise non orthodoxes peinent à emporter la conviction.

L’arrêt balise aussi la preuve complémentaire pertinente. Les bordereaux de dépôt, attestations du greffe et retours d’avis forment un ensemble cohérent, qui prime les captures d’écran laconiques ou les témoignages imprécis. La Cour, en rappelant la pièce probatoire déterminante, donne une feuille de route claire aux justiciables et à leurs conseils. Elle invite à une vigilance accrue dès la réception, et à une conservation rigoureuse des documents attestant des dates opposables.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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