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Cour d’appel de Paris, 11 juillet 2025. Des accédants bénéficiaires d’un contrat de location-accession conclu en 1985 ont sollicité la prescription acquisitive de lots d’un ensemble en copropriété. L’accédant cédé a été mis en liquidation en 1989, un plan de cession a été arrêté en 1990, puis clôturé en 2009, sans exécution des paiements finaux alors qu’une clause résolutoire était stipulée. Les demandeurs ont assumé, durant plus de trois décennies, l’impôt foncier, les charges de copropriété et l’assurance, et ont exercé des prérogatives stables au sein du syndicat. Le tribunal judiciaire d’Évry, le 22 juin 2021, les a déboutés. Sur appel formé en 2022, la cour a, par arrêt avant dire droit du 21 juin 2024, relevé la nécessité d’une action conjointe des époux au regard du contrat initial et a invité à régulariser. L’intervention volontaire de l’épouse est intervenue le 12 juillet 2024, avant clôture du 13 mars 2025. La question posée tenait à la réunion des conditions d’une possession utile, continue et non équivoque, propre à fonder une prescription trentenaire en contexte de location-accession restée sans dénouement, ainsi qu’à la recevabilité procédurale de l’action. La cour infirme et prononce l’usucapion, au visa des articles 712, 2258, 2261 et 2272 du code civil, retenant que « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire » et que « le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans ».
I. Les critères de la possession utile réunis
A. Des actes constants traduisant une maîtrise paisible et publique de l’immeuble
La décision ordonne la solution par un inventaire probatoire précis, portant sur l’impôt foncier, les appels de fonds de copropriété, l’assurance, et l’usage des lieux. Les pièces fiscales couvrent une période longue, sans discontinuité significative, et révèlent un comportement ouvertement assumé, étranger à la clandestinité. L’engagement durable dans la gestion syndicale, corrélé à l’accueil régulier des assemblées générales dans les locaux des intéressés, renforce l’extériorisation de l’animus domini. En cela, la motivation lie utilement les faits aux exigences textuelles, rappelant que « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ». L’absence de contestation des intimés, non constitués, n’emporte pas preuve par défaut, mais écarte toute rupture ou trouble opposable, ce qui consolide la paisibilité de la possession.
B. La qualification à titre de propriétaire malgré le cadre de la location-accession
Le contrat initial, de nature translatoire différée, ne privait pas en lui-même la possession de son caractère propriétaire, sous réserve de l’équivoque. L’équivoque se dissipe lorsque la relation contractuelle se délite de manière durable, que la clause résolutoire demeure inopérée par le titulaire défaillant, et que le temps, joint aux actes objectifs, impose une lecture unique des comportements. La liquidation de l’accédant, l’arrêt puis la clôture du plan de cession, et l’absence d’exécution des paiements finaux ont rompu la dynamique contractuelle, laissant place à une détention se comportant comme un droit. La cour en tire la conséquence que « Ces éléments établissent les conditions d’une possession utile trentenaire », ce qui vaut, dans l’économie du texte, levée de l’équivoque et bascule vers une possession à titre de propriétaire.
II. L’articulation avec le régime de la prescription trentenaire
A. Le délai et ses modalités au regard des articles 2258, 2261 et 2272
La décision replace la solution dans le cadre légal sobre. Elle rappelle que « la prescription acquisitive est un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession » et que « le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans ». La voie abrégée de dix ans suppose bonne foi et juste titre, ce qui n’est pas discuté ici, la cour privilégiant l’assise trentenaire plus sûre. L’abondance des indices matériels, cumulés sur plus de trois décennies, répond à l’exigence temporelle et matérialise l’animus dans la durée. La mention de l’article 712 parachève l’assise classique de l’acquisition par prescription, sans innovation de principe, mais avec une application ferme aux faits.
B. La recevabilité procédurale et la portée pratique de la solution retenue
La régularisation de l’action, exigée par l’arrêt avant dire droit, confirme une vigilance procédurale justifiée lorsque la possession alléguée s’enracine dans des actes posés par deux époux liés par un régime communautaire. La réunion des titulaires de la possession dans l’instance évite toute irrégularité affectant l’autorité de la chose jugée. La motivation finale marque l’office du juge du fond, qui, face à l’inertie des titulaires initiaux, confère effet acquisitif à la possession, en des termes nets: « il sera fait droit, par infirmation du jugement, à leur demande ». La portée se mesure aux situations pendantes issues de contrats non dénoués et de défaillances structurelles d’accédants, où la preuve d’actes objectifs, continus et publics, pourra emporter la propriété, sous réserve du respect strict des conditions de l’article 2261.