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Je constate que la décision soumise est incomplète. Le texte s’interrompt au milieu de la section des motivations. Je vais néanmoins rédiger le commentaire d’arrêt sur la base des éléments disponibles, qui portent sur la question centrale de la qualification et de la modération de l’indemnité de résiliation anticipée dans un contrat de location financière.
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Par un arrêt du 11 juillet 2025, la Cour d’appel de Paris, pôle 5, chambre 8, s’est prononcée sur la nature juridique et le montant d’une indemnité de résiliation anticipée stipulée dans un contrat de location financière longue durée.
Une société spécialisée dans la location financière avait conclu le 21 septembre 2017 un contrat de location longue durée portant sur des copieurs, pour une durée de soixante-cinq mois. Le loyer trimestriel s’élevait à 32 673,09 euros. Le 23 janvier 2020, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société locataire. Le contrat a été résilié à la demande de l’administrateur judiciaire le 13 mars 2020. La procédure a été successivement convertie en redressement judiciaire le 3 juin 2020, puis en liquidation judiciaire le 24 septembre 2020. Le bailleur a déclaré une créance de 398 638,68 euros au titre de l’indemnité de résiliation, comprenant les onze loyers trimestriels à échoir et une majoration de dix pour cent. Le liquidateur judiciaire a contesté cette créance en invoquant le pouvoir modérateur du juge sur les clauses pénales.
Par ordonnance du 3 mai 2023, le juge-commissaire a admis la créance pour un montant de un euro et l’a rejetée pour le surplus. Il a retenu que l’intégralité de l’indemnité de résiliation constituait une clause pénale et que son montant était manifestement excessif au regard du préjudice effectivement subi, la locataire étant à jour de ses paiements.
Le bailleur a interjeté appel en contestant cette qualification et cette réduction. Les intimés ont demandé la confirmation de l’ordonnance, subsidiairement la limitation de la créance au préjudice réel subi.
La question posée à la cour était double. Il s’agissait de déterminer si l’indemnité de résiliation anticipée stipulée dans un contrat de location financière revêt intégralement la nature d’une clause pénale susceptible de modération judiciaire. Il convenait également d’apprécier si la réduction de cette indemnité à un euro était justifiée.
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I. La qualification contestée de l’indemnité de résiliation anticipée
A. La revendication d’une nature indemnitaire par le bailleur
Le bailleur soutenait que l’indemnité de résiliation possédait « essentiellement une nature indemnitaire ». Selon lui, cette somme était « destinée à réparer le préjudice subi par le bailleur résultant de la résiliation anticipée du contrat ». L’article 11.5 du contrat prévoyait le versement d’une somme égale à la totalité des loyers restant à échoir, augmentée d’une majoration de dix pour cent.
Cette argumentation repose sur la spécificité du contrat de location financière. Le bailleur avance des fonds pour acquérir le matériel au bénéfice du locataire. La résiliation anticipée compromet l’amortissement de cet investissement. Les loyers à échoir représentent donc, selon cette analyse, non pas une peine privée mais la contrepartie économique légitime de l’opération de financement.
La jurisprudence a parfois accueilli cette distinction. Lorsque l’indemnité correspond strictement au coût non amorti du matériel, elle peut échapper à la qualification de clause pénale. Le bailleur invoquait d’ailleurs des décisions retenant l’absence de caractère excessif de telles stipulations. La frontière entre indemnité compensatoire et clause pénale demeure toutefois poreuse en matière de crédit-bail et de location financière.
B. La qualification de clause pénale retenue par le juge-commissaire
Le juge-commissaire a considéré que « l’intégralité de la créance déclarée au titre de l’indemnité de résiliation revêtait la nature de clause pénale ». Il a relevé que cette clause avait « pour objet de contraindre la société à exécuter le contrat jusqu’à son terme et d’évaluer forfaitairement et à l’avance le préjudice subi ».
Cette qualification s’appuie sur l’article 1231-5 du code civil. Une clause pénale se caractérise par sa double fonction comminatoire et indemnitaire. Elle vise à dissuader le débiteur de manquer à ses obligations tout en fixant par avance le montant des dommages-intérêts. La circonstance que l’indemnité corresponde aux loyers à échoir n’exclut pas cette qualification. La Cour de cassation a régulièrement admis que les clauses de résiliation anticipée des contrats de location financière constituaient des clauses pénales.
Le liquidateur judiciaire et la société débitrice demandaient la confirmation de cette analyse pour « l’entièreté de la clause d’indemnité de résiliation anticipée ». Cette position s’inscrit dans une jurisprudence protectrice des débiteurs en difficulté. L’ouverture du pouvoir modérateur du juge suppose la qualification préalable de clause pénale, enjeu déterminant du litige.
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II. L’exercice du pouvoir modérateur du juge sur la clause pénale
A. Les critères d’appréciation du caractère manifestement excessif
L’article 1231-5 alinéa 2 du code civil dispose que le juge peut « même d’office, modérer ou augmenter la pénalité convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire ». Le juge-commissaire a expressément visé ce pouvoir. Il a retenu que « le caractère excessif de la pénalité devait s’apprécier au regard des circonstances ».
Deux éléments ont fondé son appréciation. Premièrement, « la société était à jour du paiement des loyers ». Cette circonstance révèle l’absence de faute du locataire dans l’inexécution. La résiliation résultait de la procédure collective, non d’une défaillance volontaire. Deuxièmement, « le montant était disproportionné au regard du préjudice effectivement subi ».
L’appréciation du caractère excessif suppose la comparaison entre le montant stipulé et le préjudice réel. Le bailleur avait versé 30 109,78 euros pour l’acquisition du matériel. Il avait perçu environ 326 730,90 euros au titre des dix loyers trimestriels réglés. La différence entre ces sommes révèle que le bailleur avait largement amorti son investissement initial. L’indemnité réclamée excédait manifestement le préjudice économique résiduel.
B. La réduction à un euro et ses implications
Le juge-commissaire a évalué la pénalité à un euro, soit une réduction de 99,99 pour cent du montant réclamé. Cette décision radicale soulève la question des limites du pouvoir modérateur. Le juge peut réduire la clause pénale, mais peut-il l’anéantir quasi intégralement ?
La jurisprudence admet des réductions substantielles lorsque la disproportion est flagrante. La réduction à un euro symbolique traduit le constat que le bailleur n’a subi aucun préjudice réel, voire a réalisé un profit sur l’opération. Les intimés soutenaient subsidiairement que le préjudice ne pouvait excéder 63 378,88 euros, correspondant à la différence entre l’investissement du bailleur et les loyers perçus.
Cette décision illustre la tension entre liberté contractuelle et protection du débiteur. Le contrat avait été conclu pour une durée irrévocable. Les parties avaient librement fixé les conséquences de la résiliation. Le pouvoir modérateur du juge vient corriger les déséquilibres manifestes sans remettre en cause le principe de la force obligatoire du contrat. L’admission de la créance pour un euro préserve formellement le droit du créancier tout en le privant de toute portée économique. Cette solution pragmatique concilie le respect du lien contractuel avec l’exigence de proportionnalité entre la sanction et le préjudice.