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Rendue par la Cour d’appel de Paris le 11 septembre 2025, la décision commente la preuve des heures de travail et des dépassements maximaux, l’indemnisation corrélative, ainsi que la validité d’un licenciement motivé par des griefs de comportement et de gestion. Le litige s’inscrit dans une relation longue, marquée par un poste d’encadrement en cuisine, des arrêts pour accident et maladie, puis une rupture pour faute notifiée au printemps 2019.
Le salarié soutenait avoir accompli de nombreuses heures supplémentaires dans un contexte de sous-effectif et d’intensification des tâches, tout en dénonçant des manquements relatifs à la durée maximale de travail et à la formation. Il demandait aussi l’indemnisation de la remise tardive des documents de fin de contrat. L’employeur contestait l’existence des heures et l’autorisation préalable, défendait la cause réelle et sérieuse du licenciement, et arguait de l’absence d’intention de dissimulation.
Saisi après un jugement prud’homal partiellement favorable au salarié sur le maintien de salaire, l’arrêt infirme plusieurs chefs. Il admet la preuve des heures supplémentaires, répare le dépassement des durées maximales, refuse le travail dissimulé faute d’intention, dit la rupture sans cause réelle et sérieuse, et ajuste les conséquences indemnitaires et accessoires. L’arrêt précise d’abord le régime probatoire et indemnitaire de la durée du travail ; il contrôle ensuite la preuve des griefs disciplinaires et ordonne les réparations de la rupture.
I. L’appréciation probatoire des heures et de la durée du travail
A. La méthode probatoire en matière d’heures supplémentaires
L’arrêt s’inscrit dans le cadre de l’article L.3171-4. Il rappelle la construction prétorienne équilibrant les charges de preuve entre les parties. La juridiction souligne que « Il appartient donc au salarié de présenter, au préalable, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement, en produisant ses propres éléments. » La mention selon laquelle l’acceptation des bulletins de paie ne vaut pas renonciation, issue de l’article L.3243-3, est mobilisée en appui.
Le salarié produisait un tableau détaillé, étayé par des attestations concordantes sur l’intensité de l’activité et l’insuffisance d’effectifs. Le débat s’est cristallisé sur l’absence d’autorisation préalable. La Cour écarte l’argument dès lors que « les conditions de travail décrites rendaient manifestement l’accomplissement de celles-ci nécessaire à la réalisation des tâches confiées. » La carence de l’employeur dans le contrôle des temps est décisive puisque « l’employeur ne produit aucun élément relatif à une modalité de recueil fiable des horaires de travail du salarié, de nature à contredire les horaires décrits par celui-ci. » La solution confirme un schéma constant: le salarié doit fournir un début de preuve structuré ; l’employeur, responsable du suivi des horaires, doit produire un dispositif opposable.
Cette articulation consacre un contrôle rigoureux mais pragmatique. L’arrêt valide la réalité des heures supplémentaires au vu d’éléments précis, regularise la rémunération correspondante et aligne les congés afférents. La portée pratique est nette pour les secteurs d’activité caractérisés par des pics d’affluence et des plannings mouvants. Elle invite les employeurs à outiller la traçabilité et à prévenir la dérive des horaires par une organisation soutenable.
B. La réparation autonome des dépassements maximaux et le refus du travail dissimulé
La Cour apprécie ensuite les durées maximales en référence à la convention collective applicable et à la directive 2003/88/CE. Elle retient des dépassements répétés, tant sur douze semaines que sur plusieurs semaines au-delà de quarante-huit heures, et en déduit une réparation distincte. Le principe est explicitement rappelé: « le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation. » L’indemnisation allouée demeure mesurée, traduisant une approche proportionnée au regard de l’ampleur et de la réitération des excès constatés.
En revanche, l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé est refusée. La juridiction constate l’écart entre heures réalisées et heures mentionnées, mais n’identifie pas l’élément moral requis. Elle énonce que « Toutefois, le caractère intentionnel de la dissimulation n’est pas établi, de sorte qu’il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande d’indemnisation au titre du travail dissimulé. » La solution s’accorde avec la ligne de droit positif exigeant une volonté délibérée de minoration, et distingue soigneusement contentieux de la preuve et dissimulation sanctionnée.
L’ensemble compose un bloc cohérent: la charge probatoire est distribuée sans excès, la réparation des dépassements maxima est autonomisée, et la sanction lourde du travail dissimulé reste cantonnée aux hypothèses d’intention caractérisée.
II. Le contrôle du motif du licenciement et ses suites
A. L’exigence probatoire des griefs et le bénéfice du doute
S’agissant du motif personnel, la Cour rappelle les textes de référence. Elle vise l’article L.1232-1 et précise, conformément à l’article L.1235-1, que « si un doute persiste, il profite au salarié. » L’analyse des griefs, intervenus sur une période brève après une ancienneté importante, repose sur une exigence nette de démonstration par l’employeur.
Les allégations de comportement inadapté, de défaut d’entraide, de gestion fautive des stocks et de surproduction ne sont pas corroborées par des pièces probantes, alors que des attestations internes décrivent au contraire un professionnel investi. À plusieurs reprises, la Cour énonce que « ce grief n’est pas établi. » Aucun manquement déterminant, imputable et matériellement vérifiable, n’est retenu. L’absence de preuve sur l’ouverture d’un point de vente ou sur des instructions précises relatives aux stocks achève de fragiliser la lettre de licenciement, seule à fixer les limites du litige.
Le contrôle, ferme et classique, conduit à la censure. La juridiction conclut que « le licenciement sera dit sans cause réelle et sérieuse. » La solution illustre une exigence probatoire spéciale dès lors que la lettre invoque des fautes de gestion dans un cadre hiérarchisé où les responsabilités sont partagées et documentables.
B. Les conséquences indemnitaires et accessoires de la rupture
Le quantum est fixé dans le cadre de l’article L.1235-3, en considération de l’ancienneté, du niveau de rémunération et du parcours de retour à l’emploi. L’évaluation retient une indemnité proche du milieu de fourchette, conciliant réparation du préjudice et sécurité du barème. La portée normative demeure importante pour les acteurs: le raisonnement motive le choix par des éléments objectivables, facilitant la prévisibilité des montants.
L’arrêt traite ensuite l’indemnité légale de licenciement en retenant une base revalorisée par l’intégration du rappel d’heures supplémentaires. Ce choix, conforme à la logique salariale, rappelle que la reconnaissance des heures impacte mécaniquement plusieurs accessoires. La cohérence du calcul, adossée à l’article R.1234-2, renforce la systématique indemnitaire.
L’obligation d’adaptation et de formation, issue de l’article L.6321-1, donne lieu à une indemnisation modeste mais significative. La Cour constate l’absence de formation sur une période longue, aggravée en fin de parcours par l’impossibilité de suivre des modules obligatoires. Elle retient un préjudice d’employabilité limité et justement indemnisé. La solution incite les employeurs à tracer l’offre de formation, surtout pour des fonctions soumises à des exigences actualisées.
Enfin, la remise tardive des documents de fin de contrat est sanctionnée. La juridiction relève des relances restées vaines avant régularisation et caractérise une résistance fautive. La réparation demeure mesurée, mais l’affirmation de principe demeure utile pour sécuriser les transitions professionnelles. L’arrêt rectifie aussi le maintien de salaire dû au titre des arrêts de travail et ordonne la délivrance des documents rectifiés, en encadrant les intérêts et leur capitalisation.
L’ensemble éclaire la portée de la décision. Le traitement probatoire des heures et des maxima irrigue le contentieux de la rupture, jusqu’aux bases de calcul des accessoires. La censure du licenciement, fondée sur l’insuffisance de preuves matérielles et la règle selon laquelle « si un doute persiste, il profite au salarié », consolide un contrôle exigeant et prévisible. Par touches mesurées, la Cour d’appel de Paris ordonne des réparations proportionnées, stabilise les repères de preuve et précise les incidences salariales corrélatives.