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Cour d’appel de Paris, 11 septembre 2025. Une salariée, engagée en 2016 comme secrétaire au sein d’un cabinet d’avocats, a contesté deux avertissements de 2019 et son licenciement pour insuffisance professionnelle notifié en décembre 2019. Le conseil de prud’hommes de Paris, le 21 septembre 2021, l’avait déboutée. En appel, l’intéressée sollicite l’annulation des sanctions, la reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages-intérêts, ainsi qu’une indemnisation au titre d’un préjudice de retraite soulevé pour la première fois en cause d’appel. L’employeur oppose la justification des sanctions, la réalité des insuffisances, l’irrecevabilité de la demande nouvelle, et demande application de l’article 700.
La cour rappelle, au titre des sanctions disciplinaires, qu’« Si un doute subsiste, il profite au salarié ». Elle confirme l’avertissement de février 2019 (« La sanction disciplinaire est donc fondée. »), mais annule celui de juin 2019, considérant qu’« En l’absence de grief caractérisé, la sanction disciplinaire est nulle. » S’agissant de la rupture, la cour souligne que « L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié exécuté de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification », et que « le juge doit contrôler le respect des dispositions de l’article L. 6321-1 du code du travail ». Relevé étant fait que « les seuls faits précis et vérifiables sont ceux qui avaient précédemment donné lieu aux sanctions » et que « la société ne démontre pas avoir mis en œuvre des mesures » d’adaptation, « Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse. » Sur l’indemnisation, la cour affirme qu’« Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles » avec l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT, si bien qu’« Il n’y a donc pas lieu d’écarter le barème fixé par l’article L.1235-3. » Enfin, la demande relative au préjudice de retraite est jugée recevable car elle « constitue une conséquence directe et nécessaire du licenciement abusif », de sorte que « La demande est en conséquence recevable et elle n’est pas prescrite », mais elle est rejetée au fond, la cour jugeant que « L’octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à l’absence de cause réelle et sérieuse (…) ne peuvent être alloués » cumulé avec des dommages pour perte de pension. L’arrêt alloue une indemnité comprise dans le barème, et une somme modeste pour l’avertissement annulé.
I. Le contrôle des sanctions et de l’insuffisance professionnelle
A. La validité des avertissements au regard de la preuve disciplinaire
La cour s’inscrit dans le cadre légal des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail, dont elle rappelle la clé de voûte probatoire: « Si un doute subsiste, il profite au salarié. » Elle distingue soigneusement entre un manquement objectivé par des éléments précis et un grief hypothétique. S’agissant de l’avertissement de février 2019, les courriels produits établissent un défaut d’enregistrement ayant entraîné un incident opérationnel; la cour en déduit que « La sanction disciplinaire est donc fondée. » Cette appréciation illustre une exigence constante: la sanction suppose des faits vérifiables imputables au salarié et un lien avec les obligations professionnelles.
L’avertissement de juin 2019 subit un sort inverse. Les pièces ne démontrent pas une délégation claire ni une instruction non équivoque relative à une demande de visa; la formulation tronquée d’un courriel ne permet aucune certitude sur la mission exacte confiée. D’où la solution ferme: « En l’absence de grief caractérisé, la sanction disciplinaire est nulle. » La cour adopte ici une rigueur bienvenue, évitant qu’une sanction se fonde sur une simple reconstruction a posteriori de tâches mal distribuées entre plusieurs intervenants.
B. L’insuffisance professionnelle: faits vérifiables et obligation d’adaptation
Le cœur de l’arrêt réside dans l’examen de la rupture. La définition rappelée par la cour encadre l’analyse: « L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable (…) » correspondant au poste. Deux exigences cumulatives structurent la motivation: des « faits objectifs précis et vérifiables » et la vérification de l’obligation d’adaptation découlant de l’article L. 6321-1.
Sur le premier point, la cour constate que « les seuls faits précis et vérifiables sont ceux qui avaient précédemment donné lieu aux sanctions », de sorte que leur réutilisation pour fonder la rupture se heurte tant à l’économie disciplinaire qu’au principe de proportion. Sur le second, elle souligne que « le juge doit contrôler le respect des dispositions de l’article L. 6321-1 », puis reproche à l’employeur un défaut d’accompagnement: « la société ne démontre pas avoir mis en œuvre des mesures » destinées à résorber les difficultés. En l’absence d’alertes claires issues des entretiens annuels et de formation adaptée, la défaillance alléguée ne peut soutenir la rupture; logiquement, « Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse. »
II. Le régime indemnitaire et les enseignements normatifs
A. La méthode probatoire et la gestion des performances
L’arrêt appelle une vigilance managériale accrue: il ne suffit pas d’annotations sévères dans des fiches internes si celles-ci ne sont ni communiquées ni traduites en objectifs précis et moyens d’adaptation. La cour relève le « décalage » entre évaluations et entretiens signés, et l’octroi d’augmentations antérieures, peu compatibles avec une insuffisance avérée et durable. Ce faisceau nourrit le doute et bénéficie au salarié, conformément à l’axiome rappelé: « Si un doute subsiste, il profite au salarié. »
Cette méthode protège l’équilibre du pouvoir disciplinaire: l’autorité de l’avertissement demeure, mais elle ne préjuge pas de la rupture lorsque aucune démarche d’accompagnement n’est établie. Elle incite à articuler exigences, preuves et adaptation, évitant l’agrégation de reproches généraux. La solution sur l’avertissement de juin, fondée sur « l’absence de grief caractérisé », réaffirme la frontière entre approximation factuelle et faute disciplinaire.
B. Compatibilité du barème et rejet du préjudice de retraite
La cour s’aligne sur une jurisprudence aujourd’hui stabilisée concernant le barème d’indemnisation. Elle énonce que « Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles » avec l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT et précise: « Il n’y a donc pas lieu d’écarter le barème fixé par l’article L.1235-3. » L’indemnité allouée, déterminée au regard de l’ancienneté et de la situation de l’intéressée, illustre l’usage raisonné de cette grille.
Sur le préjudice de retraite, l’arrêt distingue soigneusement recevabilité et bien-fondé. La demande additionnelle, en appel, « constitue une conséquence directe et nécessaire du licenciement abusif », si bien que « La demande est en conséquence recevable et elle n’est pas prescrite ». Toutefois, la cour refuse le cumul indemnitaire: « L’octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à l’absence de cause réelle et sérieuse (…) ne peuvent être alloués » avec des dommages destinés à réparer une perte de pension. Le rappel du principe de réparation intégrale évite la double indemnisation du même chef de préjudice.
Ainsi, l’arrêt articule avec cohérence le contrôle de la preuve disciplinaire, l’exigence d’adaptation avant rupture et la stabilité du régime indemnitaire. L’équilibre atteint protège la sécurité juridique tout en imposant une discipline méthodique de la preuve et de la gestion des compétences.