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Par un arrêt du 11 septembre 2025, la Cour d’appel de Paris infirme un jugement du conseil de prud’hommes de Créteil du 24 février 2022 et fixe au passif de la liquidation des créances salariales de préavis, d’indemnité légale et de congés payés. Le litige naît d’une relation de travail débutée en 2009, poursuivie par une promotion en 2016, puis par l’entrée au capital comme associé minoritaire à hauteur de 48 %. Après la liquidation judiciaire en 2017 et un licenciement économique, l’institution de garantie des salaires refuse sa couverture au motif d’une contestation de la qualité de salarié.
La procédure est marquée par la clôture pour insuffisance d’actif en 2019, puis la saisine du juge prud’homal en 2020 avec mise en cause d’un mandataire ad hoc. Les premiers juges déboutent le demandeur en estimant que la preuve d’un lien de subordination n’est pas rapportée. Devant la juridiction d’appel, sont discutées la recevabilité d’une action intentée après la clôture et, sur le fond, les critères d’existence du contrat de travail lorsque le salarié est associé minoritaire et lié à la gérante par des liens familiaux.
La Cour retient, d’une part, que « la clôture pour insuffisance d’actif n’entraîne pas l’irrecevabilité de l’action » dès lors qu’un représentant ad hoc est régulièrement attrait. Elle énonce, d’autre part, les principes directeurs en rappelant que « l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leurs conventions, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs » et que « en présence d’un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve ». Ayant constaté un contrat et des bulletins de paie, elle qualifie l’ensemble de contrat apparent et rejette l’allégation de fraude, puis fait droit aux demandes indemnitaires.
I. Le cadre procédural et la qualification salariale précisés
A. Recevabilité postérieure à la clôture et représentation ad hoc
La Cour écarte l’irrecevabilité en affirmant que « la clôture pour insuffisance d’actif n’entraîne pas l’irrecevabilité de l’action », lorsqu’est appelé un mandataire ad hoc chargé de représenter la personne morale radiée. Cette solution ménage l’effectivité des droits des salariés, qui conservent un débiteur procédural et un canal de représentation pour faire valoir leurs créances, sans rouvrir la procédure collective ni heurter l’autorité de la clôture. Elle s’inscrit dans une lecture pragmatique des pouvoirs d’un représentant ad hoc, ordonné précisément pour épuiser les voies de recours liées au passif social.
La pertinence de la solution tient à la bonne articulation entre extinction de la personnalité morale et survie processuelle nécessaire à la liquidation des droits. Le refus d’ériger la clôture en fin de non‑recevoir générale évite de faire dépendre la protection salariale d’un aléa procédural, tout en circonscrivant l’office du juge à la fixation au passif, opposable aux intervenants tenus par la loi.
B. Contrat apparent et partage de la charge probatoire
La Cour replace l’analyse dans son cadre normatif en citant le principe selon lequel « l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté (…) mais des conditions de fait », puis en rappelant la règle structurante: « en présence d’un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve ». Cette combinaison détermine le régime probatoire applicable lorsque des documents contractuels et des bulletins sont produits, même en cas d’actionnariat minoritaire et de liens familiaux.
Le contrôle opéré demeure conforme à la définition classique du lien de subordination, telle que formulée par la chambre sociale: « Le lien de subordination se caractérise par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements » (Soc., 13 novembre 1996). En l’espèce, l’absence de mandat social et l’existence d’un contrat apparent suffisent à renverser la charge, la simple évocation de liquidations antérieures ou de proximités familiales ne constituant pas des indices probants de fictivité. La Cour refuse ainsi de substituer le soupçon à la preuve, et rétablit la présomption induite par l’apparence contractuelle.
II. Valeur normative et portée pratique de la solution
A. Un rappel orthodoxe des principes sociaux
La décision présente une forte cohérence avec le droit positif, en liant l’apparence contractuelle à un allègement probatoire pour le salarié et à une exigence probatoire accrue pour celui qui invoque la fraude. Elle confirme que l’actionnariat minoritaire n’exclut pas, par principe, la subordination, surtout en l’absence de pouvoir de gestion sociale. Elle valide une lecture factuelle et concrète des indices, privilégiant des éléments objectifs sur des considérations de contexte familial ou entrepreneurial.
Ce rappel méthodique renforce la stabilité du contentieux du travail dans les petites structures, où l’imbrication des fonctions et des participations est fréquente. Il dissuade les contestations génériques du statut salarié, en imposant la démonstration d’indices précis et concordants de fictivité, tout en sauvegardant la possibilité de lever l’apparence en cas de preuve de manoeuvre frauduleuse.
B. Conséquences indemnitaires et gouvernance de la preuve
La portée pratique de l’arrêt se lit dans l’allocation des créances, la Cour décidant qu’« il sera fait droit à ces demandes au titre de l’indemnité de préavis, de l’indemnité légale de licenciement et au titre des congés payés ». La fixation au passif assure l’effectivité des droits, tandis que l’opposabilité de la décision aux intervenants légalement tenus s’inscrit dans le périmètre des garanties statutaires, sans excéder les plafonds ni les conditions légales applicables.
La Cour précise utilement la frontière des prétentions accessoires en rappelant que « la cour rappelle qu’il n’appartient pas aux parties de solliciter une amende civile », et en écartant le grief de procédure abusive après avoir reconnu le bien‑fondé des demandes. Enfin, le rejet de la remise de documents contre un représentant dépourvu de qualité à cet égard rappelle l’exigence de cohérence des demandes avec le statut procédural de la personne mise en cause, ce qui consolide la lisibilité des suites d’exécution dans un contexte post‑clôture.