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Rendue par la Cour d’appel de Paris le 11 septembre 2025, la décision tranche un contentieux né d’un transfert d’activité puis d’un licenciement économique. Le salarié, embauché de longue date et reconnu travailleur handicapé, a d’abord sollicité la résiliation judiciaire pour divers manquements invoqués. En cours d’instance, l’employeur a engagé une procédure de licenciement pour motif économique consécutive à la perte d’un client. Le conseil de prud’hommes, en formation de départage, a rejeté la résiliation, mais a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a alloué une indemnité. Les deux parties ont interjeté appel.
La procédure d’appel a conduit le salarié à maintenir ses griefs de harcèlement moral, de manquement à l’obligation de sécurité et de loyauté, et à solliciter la résiliation judicaire avec les effets d’un licenciement nul. L’employeur a demandé la confirmation du rejet des demandes relatives à l’exécution du contrat, et l’infirmation du chef retenant l’absence de cause économique. Le litige concentre ainsi deux ensembles de questions: l’existence de manquements d’une gravité suffisante pour emporter résiliation, et la caractérisation du motif économique, y compris l’exécution de l’obligation de reclassement et les conséquences indemnitaires.
La Cour confirme intégralement le jugement. Elle écarte d’abord les griefs de harcèlement et de manquement à la sécurité, puis refuse la résiliation judiciaire. Elle retient ensuite l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, en relevant l’insuffisance des justifications économiques et des recherches de reclassement. Enfin, elle valide l’application du barème d’indemnisation issu de l’ordonnance de 2017, ordonne le remboursement des allocations chômage dans la limite légale et confirme les intérêts et la capitalisation.
I. Exécution du contrat et résiliation judiciaire
A. Appréciation des griefs de harcèlement et du cadre probatoire
La Cour rappelle le schéma probatoire en matière de harcèlement moral, puis examine les éléments produits. Elle retient que certaines allégations ne sont pas établies, d’autres relèvent du pouvoir de direction, et que les réponses de l’employeur, bien qu’imparfaites, étaient circonstanciées. Elle énonce ainsi que « la cour retient que l’employeur justifie ses décisions par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. » L’exigence demeure que les faits matériellement constatés laissent supposer l’existence d’agissements prohibés, avant que l’employeur ne justifie d’éléments objectifs et étrangers à toute discrimination.
L’arrêt mobilise une grille de lecture classique: séparation nette entre l’exercice normal du pouvoir de direction et les comportements susceptibles de dégradation des conditions de travail. Le contrôle est concret, centré sur des pièces datées et les réponses consignées. La motivation privilégie la matérialité des faits et la proportionnalité des mesures de gestion, ce qui exclut une présomption de harcèlement en l’absence de faisceau probant.
B. Absence de manquement grave et rejet de la résiliation judiciaire
La résiliation aux torts de l’employeur suppose des manquements d’une gravité telle qu’ils rendent impossible la poursuite du contrat. La Cour constate la défaillance probatoire sur plusieurs griefs, l’incohérence de certains moyens articulés, et l’absence de démonstration d’atteintes persistantes aux obligations contractuelles. Ce filtrage conduit, par cohérence, à refuser la résiliation après avoir écarté le harcèlement et les manquements à la sécurité.
La solution présente une cohérence systémique: lorsque les faits retenus n’excèdent pas la sphère du pouvoir de direction, ils ne suffisent ni à caractériser un harcèlement ni à fonder une résiliation. Elle clarifie la hiérarchie des exigences probatoires et évite une confusion entre désaccords de gestion et manquements contractuels graves, préparant le basculement vers l’analyse de la rupture économique.
II. Motif économique et conséquences indemnitaires
A. Exigence probatoire du motif et obligation de reclassement
La lettre de licenciement invoquait une réorganisation motivée par la perte d’un marché, avec proposition de reclassement refusée. La Cour opère un double contrôle: réalité et pertinence des difficultés ou menaces pesant sur la compétitivité, et effectivité des recherches de reclassement au périmètre pertinent. Elle énonce d’abord: « La cour retient, comme les premiers juges, que la perte d’un marché ne caractérise pas en elle-même un motif économique et constate, comme ces derniers, que l’employeur ne produit aucun élément qui permettrait de caractériser les menaces pesant sur sa compétitivité. » Elle ajoute ensuite: « La cour constate, par ailleurs, comme les premiers juges, que les éléments produits par l’employeur sont insuffisants à caractériser une recherche de reclassement conforme à ses obligations légales. »
La motivation cumule ainsi deux défaillances déterminantes: l’insuffisance des pièces attestant de difficultés avérées ou d’une réorganisation nécessaire au niveau pertinent, et l’insuffisance des diligences de reclassement. Cette approche, conforme au droit positif, rappelle que la perte d’un marché est un indice possible mais non décisif, qui doit être corroboré par des éléments économiques vérifiables et par une recherche de reclassement positive, personnalisée et exhaustive.
B. Indemnisation encadrée et compatibilité du barème
S’agissant des conséquences, la Cour confirme l’indemnité prud’homale dans l’intervalle prévu par l’article L. 1235-3, en fonction de l’ancienneté, et ordonne le remboursement des allocations de chômage dans la limite de six mois, les conditions légales étant réunies. Elle tranche également la contestation du barème à l’aune de la convention n° 158 de l’OIT, en affirmant que « Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée. »
La solution conforte la jurisprudence de validation du barème au regard du standard d’indemnité adéquate et du caractère dissuasif. Elle délimite l’office du juge d’appel: apprécier concrètement le préjudice dans l’échelle légale, sans écarter le barème en l’absence d’atteinte démontrée au principe de réparation appropriée. L’économie générale de l’arrêt s’achève par la confirmation de l’ensemble des chefs du jugement, ce qui stabilise la solution sur le fond comme sur les accessoires.