Cour d’appel de Paris, le 11 septembre 2025, n°22/04687

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Rendue par la Cour d’appel de Paris le 11 septembre 2025, la décision tranche un litige relatif à un licenciement pour faute grave motivé par une absence injustifiée après la fin d’un arrêt de travail. Le débat porte sur l’articulation entre la suspension du contrat, la visite de reprise et l’obligation d’information du salarié sur sa situation effective. La question centrale est de savoir si, en l’absence de convocation à la visite de reprise, l’employeur peut néanmoins reprocher une absence injustifiée lorsque le salarié ne manifeste pas sa volonté de reprendre.

Les faits tiennent en quelques étapes utiles. Après plusieurs arrêts de travail, le salarié ne justifie plus sa situation à compter du 20 juillet 2020. L’employeur adresse des mises en demeure les 28 juillet et 4 août, retirées par l’intéressé les 4 et 10 août. Un courriel du salarié, en date du 17 août, évoque l’attente d’une visite de reprise pour réintégrer le poste. Le licenciement pour faute grave est notifié le 7 septembre, après un entretien préalable tenu le 1er septembre.

La procédure connaît un premier jugement prud’homal confirmant la faute grave, puis un appel par le salarié qui sollicite l’infirmation, le paiement des indemnités afférentes au licenciement injustifié, des rappels de salaires et dommages-intérêts. L’employeur conclut à la confirmation et demande une indemnité procédurale. Les prétentions s’opposent notamment sur le point de savoir si le contrat demeurait suspendu faute de visite de reprise, et si l’employeur a failli à son obligation de l’organiser dans les huit jours.

La question de droit est ainsi formulée. L’employeur peut-il reprocher au salarié une absence injustifiée, malgré l’absence de visite de reprise, lorsque l’intéressé ne se présente pas et ne se manifeste pas pendant plusieurs semaines après la fin de l’arrêt de travail. Plus précisément, l’obligation d’organiser la visite de reprise suppose-t-elle, en l’espèce, une démarche préalable du salarié, ou suffit-il qu’un arrêt ait pris fin pour faire naître cette obligation.

La solution retient l’existence d’une faute grave, après avoir rappelé que « La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. » La cour énonce qu’« il ne peut être reproché à l’employeur, laissé sans nouvelles du 20 juillet 2020 (lendemain du terme du dernier arrêt maladie) au 16 août 2020 (veille du courriel du 17 août 2020 précité), de ne pas avoir organisé la viste de reprise au cours de cette période. » Enfin, elle affirme que « L’absence injustifiée du salarié entre le 20 juillet et le 16 août 2020 inclus caractérise une faute d’une gravité telle qu’elle rendait rendait impossible son maintien dans l’entreprise. »

I. Le sens de la décision

A. La qualification de la faute grave et le régime probatoire

La juridiction d’appel rappelle les normes gouvernant la cause réelle et sérieuse et les limites du litige fixées par la lettre de licenciement, avant d’identifier les éléments matériels de la faute. Elle souligne que « La charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur », tout en précisant qu’« Si un doute subsiste, il profite au salarié. » L’analyse se concentre sur les pièces établissant l’absence d’information entre le 20 juillet et le 16 août, ainsi que sur la réception, par le salarié, des mises en demeure successives.

La lettre de licenciement détaille l’absence d’information immédiate, les tentatives de contact et la demande expresse de justification. Les éléments corroborent la chronologie retenue par les juges, lesquels constatent l’absence de justificatifs transmis dans les délais usuels. La preuve, ici, ne tient pas à un contrôle abstrait des diligences, mais au croisement de notifications régulières et d’une inertie constatée durant près d’un mois. Le faisceau d’indices emporte la conviction de l’élément fautif.

B. La suspension du contrat et la visite de reprise comme mécanisme déclenché

La décision éclaire la logique fonctionnelle de la visite de reprise. L’obligation d’organisation ne naît pas dans le vide juridique, mais s’active lorsque la reprise est effective ou au moins annoncée de manière claire. En cela, la cour retient que l’employeur ne peut se voir reprocher l’absence d’initiative tant qu’il demeure « laissé sans nouvelles » pendant une période substantielle. La phrase décisive en fixe la portée : « il ne peut être reproché à l’employeur […] de ne pas avoir organisé la viste de reprise au cours de cette période. »

La solution écarte l’argument selon lequel l’expiration de l’arrêt déclenche automatiquement la visite de reprise, indépendamment de tout signalement. Elle rattache la reprise au comportement procédural du salarié, qui doit au moins manifester sa volonté de réintégrer son poste. L’email du 17 août rétablit le lien, mais trop tard pour purger l’irrégularité antérieure et éviter la qualification d’absence injustifiée sur la période considérée.

II. La valeur et la portée

A. Conformité au droit positif et équilibre des obligations réciproques

La solution s’inscrit dans une conception équilibrée des obligations. Elle réaffirme le principe selon lequel la suspension du contrat protège le salarié, mais ne le dispense pas d’informer l’employeur de sa situation concrète. L’obligation de sécurité n’est pas vidée de sa substance, elle est simplement articulée avec le nécessaire déclenchement de la procédure de reprise par une information loyale. À défaut, la suspension ne saurait se prolonger artificiellement et neutraliser toute organisation d’entreprise.

Le standard retenu, relativement exigeant mais proportionné, est conforme aux textes rappelés en tête des motifs. La définition de la faute grave, citée in extenso, est appliquée à une désorganisation substantielle et prolongée du service. La cour souligne la cohérence de la mesure, en ce qu’elle répond à un manquement répété d’information, après mises en demeure reçues. La gradation procédurale renforce la prévisibilité de la sanction et la sécurité juridique des acteurs.

B. Enseignements pratiques et limites de la solution adoptée

L’arrêt offre un repère opérationnel net. Il incite le salarié à signaler sans délai sa disponibilité, ou la prolongation de l’empêchement, en documentant ses démarches. Il invite l’employeur à tracer ses notifications et tentatives de contact, afin de lever tout doute sur la période critique. La phrase de principe emporte une conséquence claire pour la gestion des retours d’arrêt. La constatation centrale est sans ambiguïté : « L’absence injustifiée […] caractérise une faute d’une gravité telle qu’elle rendait rendait impossible son maintien dans l’entreprise. »

La portée reste toutefois mesurée. La solution ne valide pas une dispense générale d’organiser la reprise dès l’expiration d’un arrêt, mais subordonne l’exigence à des circonstances factuelles précises, ici l’inaction prolongée du salarié. Dans des espèces voisines, une information plus précoce, même minimale, pourrait réactiver l’obligation de l’employeur et infléchir l’issue. L’arrêt trace ainsi une ligne prudente, fondée sur la preuve chronologique et la loyauté de comportement.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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