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Par un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 11 septembre 2025 (pôle 6, chambre 2), la juridiction statue en référé sur la réintégration et des provisions sollicitées par un salarié protégé à la suite de l’annulation, par le juge administratif, de l’autorisation de licenciement. L’employeur invoque une cessation d’activité intervenue en 2020 et l’absence d’unité économique et sociale reconnue, tandis que le salarié réclame la réintégration et des sommes provisionnelles au titre des salaires et d’une indemnité plancher.
Les faits utiles tiennent à une embauche en 2016, à l’exercice d’un mandat de représentant de section syndicale à compter de 2019, à un projet de cessation totale en 2020 avec PSE validé, puis à un licenciement économique en 2021, autorisé par l’inspection du travail. Le tribunal administratif a annulé l’autorisation en 2023, décision confirmée par la cour administrative d’appel en 2024, un pourvoi demeurant pendant devant le Conseil d’État. Saisi en 2024, le juge des référés prud’homal a refusé la réintégration, mais alloué une provision; l’arrêt entrepris confirme ce refus, infirme les provisions et statue sur les dépens.
La question de droit portait sur l’existence d’un trouble manifestement illicite justifiant la réintégration d’un salarié protégé après annulation administrative, malgré une cessation d’activité non suivie d’UES, ainsi que sur les conditions d’une indemnisation provisionnelle au regard des articles L. 2422-1, L. 2422-4 et L. 1235-3-1 du code du travail. La Cour retient l’impossibilité de la réintégration dans une entreprise ayant cessé toute activité hors UES reconnue, et juge les demandes pécuniaires provisionnelles sérieusement contestables, l’indemnité plancher n’étant pas applicable à l’espèce.
I. Le référé réintégratoire du salarié protégé dans l’entreprise cessant toute activité
A. Le trouble manifestement illicite et l’office du juge des référés
Le cadre est rappelé par l’article R. 1455-6 du code du travail: « La formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. » La Cour ajoute que « Le trouble manifestement illicite est apprécié à la date à laquelle le juge statue. »
L’annulation administrative ouvre, en principe, un droit à réintégration. Le texte applicable précise que le salarié concerné « a le droit, s’il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, d’être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent. » La Cour souligne en outre que « Le droit à réintégration reconnu à un salarié à la suite de l’annulation d’une décision autorisant son licenciement n’est pas subordonné au caractère définitif de cette annulation. »
La juridiction articule ainsi l’office du juge des référés autour d’une illégalité manifeste et actuelle, tout en rappelant l’autonomie du droit à réintégration. L’analyse demeure toutefois conditionnée par la réalité de l’entreprise d’accueil et le périmètre juridiquement pertinent pour exécuter la réintégration.
B. Le périmètre de la réintégration et l’effet paralysant de la cessation d’activité
La Cour fixe strictement le champ de la réintégration: « Toutefois, le périmètre de réintégration d’un salarié protégé, en cas d’annulation de la décision de l’inspecteur du travail autorisant son licenciement, s’étend uniquement à l’entreprise et à l’unité économique et sociale reconnue entre cette entité et d’autres personnes juridiques. » Elle en déduit une conséquence décisive: « Ainsi, la réintégration du salarié est impossible lorsqu’il est constaté que la société employeur a cessé toute activité puis a été mise en liquidation amiable, et qu’elle ne dépend pas d’une unité économique et sociale préalablement reconnue. »
Au vu des pièces produites, l’arrêt retient l’arrêt total et durable de l’activité, l’absence de chiffre d’affaires postérieure à la cessation, et l’absence d’UES. Dans ces conditions, aucune mesure de remise en état ne s’imposait pour faire cesser un trouble manifeste, la réintégration se heurtant à une impossibilité matérielle et juridique propre au périmètre légal admis.
II. Les demandes provisionnelles et l’inapplicabilité de l’indemnité plancher
A. L’exigence de définitivité pour l’indemnisation de l’article L. 2422-4
Le texte organise le droit à réparation: « Lorsque l’annulation d’une décision d’autorisation est devenue définitive, le salarié investi d’un des mandats mentionnés à l’article L. 2422-1 a droit au paiement d’une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi… » La Cour précise, dans une présentation synthétique, que « Selon l’article L 2422-4 du Code du travail, contrairement au droit à réintégration qui est ouvert dès la notification de la décision administrative, du jugement ou de l’arrêt, le droit à indemnisation ne peut être exercé que lorsque l’annulation de la décision d’autorisation est devenue définitive. »
La juridiction rappelle encore que « Seule l’indemnisation du préjudice du salarié réintégré est subordonnée au caractère définitif de la décision d’annulation de l’autorisation administrative de licenciement », et que, de principe, « l’obligation de l’employeur de payer […] les salaires dus depuis cette demande n’est pas sérieusement contestable ». Néanmoins, l’arrêt retient, en l’espèce, une contestation sérieuse liée au pourvoi pendant, aux bornes temporelles de l’indemnisation et aux déductions afférentes aux revenus de remplacement. Ainsi, aucune provision n’est accordée au titre des salaires ou de l’indemnisation L. 2422-4.
B. L’article L. 1235-3-1, sa logique de nullité et son inapplicabilité au cas d’espèce
Le dispositif légal énonce que « l’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité […] qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. » La Cour distingue cependant la nullité du licenciement de l’annulation pour légalité externe de l’autorisation administrative: « Ainsi, […] s’appliquent en cas de nullité du licenciement lorsque le contrat a été rompu sans autorisation ou en dépit d’un refus d’autorisation administrative. »
L’arrêt souligne la spécificité de l’espèce: « Ainsi la situation du salarié […] licencié sur le fondement d’une autorisation administrative ultérieurement annulée pour un motif de légalité externe […] est différente de celle du salarié licencié en violation de son statut protecteur. » Il « relève du juge judiciaire d’apprécier si l’intéressé, dont le licenciement n’était pas illicite lorsqu’il a été prononcé, remplit les conditions pour bénéficier de l’indemnité prévue en l’absence de cause réelle et sérieuse. » En référé, la contestation demeure sérieuse, de sorte que la demande fondée sur l’article L. 1235-3-1 est écartée.
L’arrêt confirme ainsi le refus de réintégration et infirme la provision allouée en première instance, juge qu’il n’y a pas lieu à référé pour accorder des provisions indemnitaires, et statue en conséquence sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.