Cour d’appel de Paris, le 12 septembre 2025, n°21/06510

Par un arrêt du 12 septembre 2025, la Cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 12) tranche un différend relatif à la réduction générale de cotisations dite loi Fillon. Le litige porte sur l’intégration des indemnités compensatrices de congés payés, versées lors de la rupture, dans la correction du SMIC de référence servant au calcul du coefficient.

La société appelante a sollicité le remboursement d’un trop-versé de cotisations, au titre des années 2016 à 2018, en raison d’une erreur de prise en compte du temps afférent aux indemnités compensatrices de congés payés. Après une décision défavorable de l’organisme de recouvrement, confirmée par la commission de recours amiable, le pôle social du tribunal judiciaire d’Évry a rejeté sa demande le 10 juin 2021. L’appel vise la réformation de ce jugement et l’obtention d’un remboursement de 76 787 euros.

L’appelante soutient que la rémunération au sens de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale inclut les congés payés et qu’il faut corrélativement majorer le SMIC de référence. L’organisme de recouvrement répond que seules les heures supplémentaires et complémentaires autorisent une majoration du SMIC, que la correction en cas d’absence exclut les éléments non affectés par l’absence, et que les indemnités compensatrices de congés payés versées à la rupture n’entrent pas dans le rapport correcteur. La question de droit tient à la qualification de ces indemnités au regard de la correction prévue à l’article D. 241-7, II, en cas d’entrée, sortie ou suspension.

La Cour retient que, « au regard de la combinaison des articles L. 241-13, III, D. 241-7, I, 8° et D. 241-7, II, 4° du code de la sécurité sociale, la valeur du salaire minimum de croissance […] doit être corrigée selon le rapport entre la rémunération versée […] et celle qui aurait été versée si le salarié n’avait pas été absent, après déduction […] des éléments de rémunération dont le montant n’est pas proratisé ». Elle en déduit que, « dès lors, ne doit pas être prise en compte dans ce rapport l’indemnité compensatrice de congés payés qui est versée à l’occasion de la rupture du contrat de travail ». Elle précise encore que « la circulaire DSS/SD5B/2015/99 […] est muette sur les indemnités compensatrices de congés payés, lesquelles ne peuvent donc pas y figurer ». La confirmation du jugement s’ensuit.

I. La délimitation du SMIC de référence au regard des paramètres légaux et réglementaires

A. L’architecture du coefficient et la bascule annuelle du calcul

La Cour mobilise l’article L. 241-13, qui assigne la réduction à chaque salarié et renvoie au décret la formule du coefficient, et l’article D. 241-7, qui en fixe l’ossature. Le texte réglementaire organise un calcul annuel, assorti d’une application mensuelle par anticipation, avec régularisation éventuelle en fin d’exercice.

Le SMIC de référence vaut, par principe, « 1 820 fois » le taux horaire, corrigé dans des hypothèses circonscrites. Ces hypothèses visent les quotités de travail inférieures à la durée légale, les suspensions, et les cas d’entrée ou sortie en cours d’année. Les heures supplémentaires et complémentaires emportent seule majoration autorisée, selon une logique d’accroissement du temps de travail effectif.

B. La correction en cas d’absence et l’exclusion des éléments non affectés

Le II de l’article D. 241-7 prescrit, en cas d’absence, une correction par le rapport entre la rémunération effectivement versée et celle qui l’aurait été si le salarié avait été présent. Il exclut, pour le calcul de ce rapport, « les éléments de rémunération qui ne sont pas affectés par l’absence », afin d’éviter une surévaluation artificielle du SMIC de référence.

La Cour qualifie l’indemnité compensatrice versée à la rupture d’élément non proratisable par la présence au cours du mois. Elle résulte d’un droit acquis, détaché du temps de présence dans le mois de sortie. Dès lors, elle ne peut entrer dans le rapport correcteur. L’énoncé selon lequel « ne doit pas être prise en compte […] l’indemnité compensatrice de congés payés » découle ainsi d’une lecture stricte du critère d’affectation par l’absence.

II. La cohérence normative et la portée opérationnelle de la solution

A. Conformité au droit positif et méthode d’interprétation retenue

La solution s’accorde avec l’économie du dispositif, centré sur le temps de travail et ses équivalents légaux. La Cour limite la majoration du SMIC aux seuls cas explicitement prévus, pour écarter les extensions prétoriennes non visées par le décret. L’appui sur le critère fonctionnel « non affecté par l’absence » assure une interprétation cohérente et prévisible.

La Cour prend soin d’écarter l’invocation extensive de la doctrine administrative. Elle relève que la circulaire citée « est muette » sur l’intégration des indemnités compensatrices dans le numérateur, et refuse d’en déduire une assimilation implicite. Cette réserve maintient la primauté des textes et encadre strictement l’usage des circulaires.

B. Incidences pratiques pour le calcul et perspectives contentieuses

La décision stabilise les pratiques de paie en fin de contrat. Les employeurs doivent exclure, du rapport correcteur mensuel, les indemnités compensatrices de congés payés versées lors de la rupture. Ils évitent ainsi de gonfler le SMIC de référence, ce qui aurait mécaniquement augmenté le coefficient et la réduction.

La portée contentieuse demeure significative pour les régularisations annuelles. La solution prévient la reconstitution en heures fictives d’éléments sans lien avec la présence mensuelle. Elle réduit les incertitudes de fin d’exercice, en clarifiant la frontière entre rémunérations affectées par l’absence et rémunérations détachées du temps de présence. Cette clarification conforte la vérifiabilité des assiettes par l’organisme de recouvrement.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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