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Rendue par la Cour d’appel de Paris le 12 septembre 2025, la décision commente une contestation de l’opposabilité d’une prise en charge d’une maladie hors tableau. L’enjeu central tient à la portée du « taux d’incapacité permanente prévisible » exigé pour la saisine du comité régional et à son contrôle par le juge.
Une salariée a déclaré une pathologie anxiodépressive en lien avec ses conditions de travail. Le service du contrôle médical a évalué un taux d’incapacité permanente prévisible au moins égal à 25 %, permettant la transmission du dossier au comité régional. Celui‑ci a retenu un lien professionnel. La caisse a pris en charge l’affection, avant qu’un taux consolidé de 8 % soit ultérieurement fixé.
Après un rejet en première instance par le pôle social du tribunal judiciaire de Meaux le 27 décembre 2021, l’employeur a soutenu en appel l’existence d’un différend médical. Il a demandé une expertise judiciaire pour vérifier le bien‑fondé du taux prévisible, en soulignant l’écart avec le taux d’IPP fixé à la consolidation.
La caisse a répondu que le taux prévisible est un élément procédural, non notifié, non contestable par l’employeur, et étranger au bien‑fondé de la prise en charge. Elle a soutenu que seul le lien direct et essentiel tranché par le comité commande l’issue du litige.
La question de droit était précise. L’employeur peut‑il remettre en cause, devant le juge, l’évaluation médicale du taux d’incapacité prévisible ayant permis la saisine du comité régional, et obtenir une mesure d’expertise pour en débattre, afin d’écarter l’opposabilité de la décision de prise en charge malgré un taux consolidé ultérieur inférieur à 25 %.
La cour répond négativement en retenant que « La détermination du taux d’incapacité permanente partielle relève de la compétence exclusive de la caisse sur avis du médecin-conseil. » Elle s’aligne sur la jurisprudence qui précise que « le taux d’incapacité permanente à retenir pour l’instruction […] est celui évalué par le service du contrôle médical […] dit “taux prévisible”, et non le taux […] fixé après consolidation ». Elle ajoute encore que « en raison de son caractère provisoire, le taux prévisible n’est pas notifié aux parties. Il ne peut, dès lors, être contesté par l’employeur ». La confirmation s’impose.
I. La clarification du régime du taux prévisible
A. Un critère d’accès au comité, distinct du taux consolidé
La cour rappelle d’abord le cadre légal de l’article L. 461‑1 du code de la sécurité sociale et de ses textes d’application. Elle isole la fonction du taux prévisible comme filtre procédural, conditionnant la saisine du comité régional pour les maladies hors tableau.
La solution s’appuie sur un attendu de principe. « Pour l’application des dispositions précitées, le taux d’incapacité permanente à retenir pour l’instruction d’une demande de prise en charge d’une maladie non désignée dans un tableau des maladies professionnelles est celui évalué par le service du contrôle médical dans le dossier constitué pour la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dit “taux prévisible”, et non le taux d’incapacité permanente fixé après consolidation de l’état de la victime pour l’indemnisation des conséquences de la maladie. » Le raisonnement distingue clairement l’exigence d’accès au comité et l’évaluation indemnitaire postérieure.
Cette dissociation neutralise l’argument tiré de l’écart entre le taux prévisible et le taux consolidé, ici de 8 %. Elle rend inutile tout débat médico‑légal ex post sur la proportion du taux provisoire, qui n’a pas la même finalité. La cohérence de l’ensemble tient à la temporalité de l’instruction et à l’objet de chaque évaluation.
B. Un contrôle juridictionnel borné à la vérification formelle
L’office du juge se déduit de la nature même du taux prévisible. L’arrêt reprend l’orientation imposée par la jurisprudence de la Cour de cassation. « Ainsi, dès lors que le colloque médico-administratif établi par le médecin-conseil de la caisse mentionne une incapacité permanente partielle supérieure à 25%, ce taux justifiant, en conséquence, la saisine du [13] […] la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à recherche si ce taux était bien justifié au regard de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, en déduit exactement […] que la décision prise était opposable à l’employeur. »
Le juge vérifie l’existence de la pièce médico‑administrative et l’atteinte du seuil déclencheur. Il n’entre pas dans l’évaluation elle‑même. Cette limitation exclut une expertise judiciaire destinée à reconstituer a posteriori une appréciation médicale que le législateur confie au service du contrôle médical, pour les seuls besoins de la saisine du comité.
II. La portée contentieuse et pratique de la solution
A. L’impossibilité de contester le taux prévisible et le rejet de l’expertise
La cour énonce une règle claire, aux effets procéduraux immédiats. « La détermination du taux d’incapacité permanente partielle relève de la compétence exclusive de la caisse sur avis du médecin-conseil. » Cette compétence exclusive ferme la voie d’une expertise ordonnée sur le fondement des articles 146 et 232 du code de procédure civile, dès lors que l’objet du litige porte uniquement sur la validation du processus de saisine.
La conséquence la plus nette tient au caractère non notifié et non contestable du taux prévisible. « De même, en raison de son caractère provisoire, le taux prévisible n’est pas notifié aux parties. Il ne peut, dès lors, être contesté par l’employeur […]. » Cette solution protège la finalité instrumentale du taux et recentre le débat contentieux sur le lien causal, seul déterminant pour la prise en charge.
B. Le recentrage sur le lien causal et les effets pratiques pour les acteurs
La décision confirme la hiérarchie des questions en litige. Le seul enjeu substantiel demeure le lien entre la pathologie et l’activité habituelle, tel qu’apprécié par le comité. L’avis versé au dossier était sans ambiguïté : « Dans ces conditions, le comité retient un lien direct et essentiel entre la maladie et l’activité professionnelle. » Le juge du contentieux technique se conforme alors à cet avis, après vérification de la régularité de la saisine.
Pour l’employeur, la stratégie contentieuse se déplace vers la contestation du lien direct et essentiel, et non vers la remise en cause du seuil procédural. Pour la caisse, la conservation d’un colloque médico‑administratif précis devient décisive. Pour l’assuré, la solution garantit l’accès effectif au comité lorsque la gravité prévisible atteint le seuil requis, sans que des débats ex post sur l’indemnisation retardent la reconnaissance du caractère professionnel. L’équilibre général s’en trouve renforcé.