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Rendue par la Cour d’appel de Paris le 13 juin 2025, la décision commente la prescription d’une action en paiement d’indemnités journalières consécutives à un accident du travail. Un salarié, victime d’un accident en mars 2017, n’avait perçu aucune indemnité journalière durant l’arrêt, l’employeur ayant opté pour la subrogation. Une attestation de salaire a été reçue par l’organisme en novembre 2019, qui a opposé la prescription. La commission de recours amiable a confirmé ce refus en décembre 2020. Par jugement du 10 novembre 2021, une juridiction de première instance a déclaré prescrite la demande. L’appelant a soutenu l’application de l’article L. 332-1 du code de la sécurité sociale et un point de départ au premier jour du trimestre suivant la reprise. L’organisme a sollicité la confirmation du jugement, en insistant sur l’article L. 431-2 et, subsidiairement, sur l’absence d’intérêt à agir. La Cour confirme la prescription au regard du régime des accidents du travail et retient le jour de l’accident comme point de départ, faute de versement d’indemnités journalières.
La question tranchée portait sur la détermination du régime de prescription applicable et de son point de départ pour une action en paiement d’indemnités journalières liées à un accident du travail. La Cour décide que le texte spécial prévaut, que le délai est biennal, et que le dies a quo est le jour de l’accident, en l’absence de service d’indemnités journalières. L’étude portera d’abord sur le fondement et le raisonnement retenu, puis sur l’appréciation critique et la portée pratique de la solution.
I) La consécration du régime spécial de prescription en matière d’accident du travail
A) L’affirmation nette de l’applicabilité de l’article L. 431-2
La Cour écarte le régime de l’assurance maladie pour retenir le livre IV, spécialement consacré aux risques professionnels. Elle énonce sans ambage: « Son action est donc soumise aux dispositions de l’article L. 431-2, seul applicable en matière d’indemnisation des accidents du travail. » Cette affirmation ordonne le débat, en fermant la voie à l’article L. 332-1, pourtant invoqué pour un point de départ plus favorable à l’assuré.
Le rappel du principe est ensuite formulé avec clarté. La Cour retient que « L’action en paiement des indemnités journalières se prescrit donc par deux ans à compter de l’accident ou de la fin du versement des indemnités journalières. » Cette alternative encadre le dies a quo selon un critère objectif, soit la survenance du risque, soit la cessation d’un service effectif.
L’office du juge se borne ici à qualifier la demande au regard du risque couvert. La solution respecte la hiérarchie des normes et l’économie du code, qui distingue précisément l’assurance maladie et les accidents du travail. Le débat sur la prescription ne pouvait, dès lors, être translaté vers le livre III sans dénaturer l’objet de la demande.
B) La fixation du point de départ au jour de l’accident, faute de versement
La Cour se prononce ensuite sur la branche du point de départ. Elle constate l’absence de versement d’indemnités journalières au titre de la subrogation. Le motif est explicite: « Il n’est pas contesté en l’espèce que l’employeur n’a perçu de la Caisse aucun versement d’indemnités journalières dans le cadre de la subrogation pour laquelle il avait opté, de sorte que c’est la date de l’accident, soit le 10 mars 2017, qu’il convient de retenir comme point de départ de la prescription biennale. » L’analyse articule la condition du texte et les éléments du dossier.
La Cour examine ensuite les diligences produites, notamment les dépôts dématérialisés. Elle juge qu’ils ne prouvent pas une transmission utile d’attestation de salaire, ni un acte interruptif pertinent. Elle souligne l’absence de lien certain entre les accusés de dépôt et les attestations, ainsi que l’absence d’accusé de réception par l’organisme. Le contrôle probatoire reste exigeant, sans excès formaliste.
La solution s’oppose enfin à l’invocation d’une circulaire. La Cour tranche net que « Il est inopérant de soutenir qu’au regard de la circulaire du 12 juillet 2010, la Caisse aurait dû choisir le point de départ de la prescription le plus favorable à l’assuré ». Ce motif réaffirme l’absence de valeur normative d’une telle instruction, et rappelle la primauté du texte spécial.
II) Une solution cohérente, d’application rigoureuse, aux enseignements pratiques marqués
A) Une appréciation mesurée de la cohérence et des effets
La solution s’inscrit dans une jurisprudence constante sur la spécialité du livre IV. Elle sert la sécurité juridique, en évitant les oscillations de régimes et les chevauchements de délais. Elle protège aussi la cohérence du système, qui articule la prescription avec un fait générateur aisément identifiable lorsque aucune indemnité n’a été payée.
Cette rigueur peut toutefois heurter l’objectif de protection, lorsque l’assuré ne maîtrise pas les transmissions opérées par l’employeur sous subrogation. Le raisonnement reste juridique, mais laisse peu d’espace à l’équité, surtout si des échanges ont eu lieu sans preuve de réception. L’exigence probatoire renvoie les acteurs à une vigilance accrue sur les canaux et les accusés.
L’argument tiré du « point de départ le plus favorable » n’était pas dépourvu d’attrait pratique. Il cède cependant devant le texte spécial, qui ne prévoit pas une telle option. La Cour rappelle utilement que la bienveillance administrative ne peut suppléer la loi, ni déplacer le critère légal du dies a quo en matière d’accident du travail.
B) Une portée pratique sur la preuve dématérialisée, la subrogation et les moyens subsidiaires
L’arrêt livre un enseignement clair sur la preuve des transmissions électroniques. Les simples « accusés de dépôt » non corrélés à l’acte pertinent, et non suivis d’un accusé de réception, demeurent insuffisants. Les acteurs doivent conserver des traces univoques, qui identifient l’objet, le destinataire et la date, afin de sécuriser l’interruption.
La solution alerte également sur la subrogation. Lorsque aucun service d’indemnités journalières n’est opéré, le délai court du jour de l’accident. L’assuré doit donc, par prudence, solliciter personnellement le paiement ou s’assurer de l’effectivité des transmissions. À défaut, la prescription biennale joue avec sévérité, indépendamment des relations avec l’employeur.
Enfin, la Cour laisse en retrait le moyen subsidiaire relatif à l’intérêt à agir, préférant statuer par la prescription, fin de non-recevoir dirimante. Cette économie de moyens concentre la portée sur le régime applicable et sur la charge de la preuve. Elle confirme la primauté des textes spéciaux et des critères objectifs en matière de délais.
L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 13 juin 2025 conforte ainsi une ligne claire et prévisible. Le contentieux futur devra intégrer cette rigueur, tant dans la qualification du régime que dans la gestion probatoire des démarches numériques et subrogatoires.