Cour d’appel de Paris, le 13 juin 2025, n°22/07931

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La Cour d’appel de Paris, 13 juin 2025, statue sur une vente en l’état futur d’achèvement concernant un logement dont l’accès à la terrasse présente une surélévation de trente-six centimètres. La question posée tient à la délivrance conforme, au contenu obligatoire des plans de vente et aux effets d’une absence de réserves à la réception. Le jugement du tribunal judiciaire de Paris, 25 février 2022, avait alloué un préjudice moral à l’acquéreur et rejeté une demande de non-conformité plus large, tout en accueillant partiellement des appels en garantie. L’appel conduit la juridiction à rappeler le jeu des articles 1642-1 et 1603 du code civil, la réglementation spécifique des VEFA, et la responsabilité des constructeurs face aux désordres apparents non réservés.

Les faits utiles se résument ainsi. L’acquéreur, ayant pris possession en septembre 2015, découvre un seuil de trente-six centimètres entre le séjour et la terrasse. Il dénonce cette particularité par lettre recommandée d’août 2016. Le vendeur-promoteur, le maître d’œuvre d’exécution, le maître d’œuvre de conception, l’entreprise de gros œuvre et le contrôleur technique sont impliqués à divers titres. En première instance, le demandeur obtient une indemnité morale, mais se voit débouté du reste, tandis que des garanties croisées sont partiellement admises. En appel, il sollicite l’indemnisation d’un préjudice de jouissance et l’affirmation d’une non-conformité contractuelle. La cour retient l’existence d’une non-conformité liée à l’omission d’une caractéristique déterminante dans les plans, indemnise l’agrément, écarte le préjudice moral redondant, et rejette les garanties du vendeur contre les constructeurs en raison de l’absence de réserves à la réception.

I. La consécration d’une non-conformité de délivrance en VEFA

A. Le cadre juridique du défaut de conformité apparent et son délai

La cour rappelle d’abord la règle de recevabilité autonome de l’action de l’acquéreur en VEFA. Elle énonce que « Selon l’article 1642-1 du code civil, le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé ni avant la réception des travaux, ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur, des défauts de conformité alors apparents. » Elle ajoute, conformément à la jurisprudence de la troisième chambre civile, que « L’acquéreur est recevable pendant un an à compter de la réception des travaux ou de la prise de possession des ouvrages à intenter contre le vendeur l’action en garantie des vices apparents, même dénoncés postérieurement à l’écoulement du délai d’un mois après la prise de possession (3e Civ., 22 mars 2000, pourvoi n° 98-20.250, Bull. 2000, III, n° 63). » L’action, engagée après la prise de possession et dans l’année, échappe donc à l’obstacle d’une réception sans réserves.

Ce rappel s’articule avec l’obligation de délivrance conforme, définie par le code civil et complétée par le droit de la construction. La cour cite le droit commun de la vente en précisant que « En application de l’article 1603 du code civil, le vendeur est tenu à une obligation de délivrance conforme à ce qui est contractuellement prévu. » Elle affirme, dans le même mouvement, que « Selon l’article 1602 du même code, il est tenu d’expliquer clairement ce à quoi il s’oblige et tout pacte obscur ou ambigu s’interprète contre le vendeur. » La combinaison de ces règles fonde un contrôle exigeant du contenu contractuel, qui tient compte des documents de vente et des indications essentielles qu’ils doivent comporter.

B. L’exigence d’information technique dans les plans de vente et la qualification de la non-conformité

La solution s’ancre ensuite dans les textes spéciaux régissant la vente en l’état futur d’achèvement. La cour vise la loi et son décret d’application : « Il résulte de l’article L. 126-11 du code de la construction et de l’habitation que le contrat de vente en l’état futur d’achèvement doit préciser les indications utiles relatives à la consistance et aux caractéristiques techniques de l’immeuble. » Elle complète en retenant que « L’article R. 261-13 du même code ajoute que la consistance de l’immeuble vendu résulte des plans, coupes et élévations avec les cotes utiles et l’indication des surfaces de chacune des pièces et des dégagements. » La consistance contractuelle s’apprécie donc au regard de plans suffisamment renseignés sur les caractéristiques impactant l’usage.

Or la juridiction relève que la particularité litigieuse constitue un élément substantiel de la chose vendue. Elle écrit que « la différence de niveau entre la terrasse et l’appartement de 36 cm est significative et constitue une caractéristique importante du logement vendu. Elle devait donc figurer dans le plan annexé à la vente. » L’absence d’indication sur les plans autorise l’acquéreur à croire à une terrasse de plain-pied, situation usuelle. La clause de modifications pour contraintes techniques demeure inopérante faute de preuve de telles contraintes et, surtout, en raison de l’incidence de cette différence sur l’accessibilité. La non-conformité est donc caractérisée, et l’indemnisation d’un préjudice d’agrément est retenue à hauteur de cinq mille euros, tandis que le préjudice moral, de nature identique, est écarté pour éviter le double emploi.

II. La valeur normative de l’arrêt et sa portée pour la chaîne des constructeurs

A. Les limites du recours contractuel du vendeur face aux désordres apparents non réservés

La juridiction rappelle d’abord la mesure des obligations pesant sur le maître d’œuvre et le régime des désordres apparents. Elle énonce que « Il est établi que l’architecte, tenu que d’une obligation de moyens dans l’exécution de ses missions (3e Civ., 3 octobre 2001, pourvoi n° 00-13.718), est responsable envers le maître de l’ouvrage des fautes commises dans le suivi du chantier lorsque cette mission lui a été confiée. » Elle ajoute, dans la même logique, que « Il est établi que les désordres de construction apparents, qui n’ont pas fait l’objet de réserves à la réception, ne peuvent donner lieu à réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, pour faute prouvée (3e Civ., 4 novembre 1999, pourvoi n° 98-10.694, 98-11.310, Bull. 1999, III, n° 210). » Le critère de l’apparence gouverne donc l’action contractuelle du maître de l’ouvrage professionnel, spécialement s’il n’a pas émis de réserves.

Appliquant ces principes, la cour refuse les recours en garantie du vendeur-promoteur contre le maître d’œuvre de conception et le maître d’œuvre d’exécution. Aucune faute n’est établie au stade des plans, faute de connaissance prouvée d’un décalage futur contraire aux documents. S’agissant de l’exécution, le caractère apparent de la différence de niveau impose des réserves lors de la réception, spécialement pour un maître d’ouvrage aguerri. À défaut, la responsabilité contractuelle de droit commun ne peut relever les conséquences d’une non-conformité évidente, quand bien même le suivi de chantier aurait été défaillant.

B. Les enseignements pratiques sur la sécurité juridique des VEFA et l’équilibre des risques

L’arrêt précise utilement les exigences d’information précontractuelle et la vigilance requise à la réception. Sur le premier point, la combinaison des textes spéciaux commande que les plans de vente portent les cotes pertinentes, en particulier pour les caractéristiques affectant l’accessibilité. La référence au texte selon lequel « la consistance de l’immeuble vendu résulte des plans, coupes et élévations avec les cotes utiles » conforte l’idée qu’un saut de niveau important ne peut demeurer implicite. L’omission emporte non-conformité, sans qu’une clause générale de variation technique suffise à purger l’écart.

Sur le second point, la décision réaffecte clairement le risque de l’apparence apparente au maître de l’ouvrage professionnel lors de la réception. Une absence de réserves ferme l’accès aux voies contractuelles de reprise contre les intervenants, même si certaines carences de suivi sont alléguées. La portée pratique est nette : la sécurité juridique de la VEFA exige une information complète en amont et une réception formalisée en aval, sous peine d’un déplacement définitif des charges. En contrepartie, l’acquéreur final demeure protégé par l’action de l’article 1642-1, « le vendeur d’un immeuble à construire » ne pouvant s’exonérer des « défauts de conformité alors apparents » dans le délai légal.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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