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Rendue par la Cour d’appel de Paris le 13 juin 2025, la décision commente un litige né d’une opération de sous-traitance portant sur la pose d’un carrelage extérieur de grande surface. L’entrepreneur principal, estimant l’ouvrage mal exécuté, a fait déposer et reprendre les revêtements, s’appuyant sur un rapport d’expertise amiable. L’assureur responsabilité du sous-traitant a également diligenté une expertise non judiciaire.
Après une première instance défavorable, l’appelante a recherché la condamnation du sous-traitant et la garantie de l’assureur, en invoquant la concordance des rapports amiables et la nature décennale des désordres allégués. Les intimés ont opposé l’absence de preuve de la matérialité des désordres, le caractère éventuellement apparent de certaines non-conformités lors de la réception, et l’inopposabilité de la garantie d’assurance. La question posée concernait la force probatoire d’expertises non judiciaires au regard du principe du contradictoire, l’incidence de la réception sur les non-conformités apparentes, et, en conséquence, la mobilisation de la garantie d’assurance. La Cour confirme le jugement, retient l’insuffisance probatoire des expertises unilatérales pour établir la réalité des désordres et la réception sans réserves, puis écarte la garantie d’assurance.
I. Le contrôle probatoire des expertises amiables au regard du contradictoire
A. L’encadrement jurisprudentiel de l’expertise non judiciaire
La Cour rappelle d’abord la norme issue de l’article 16 du code de procédure civile, en citant la jurisprudence directrice. Elle énonce que « Viole l’article 16 du code de procédure civile l’arrêt qui, pour retenir la responsabilité d’une société dans un accident, se fonde exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, peu important qu’elle l’ait été en présence de l’ensemble de celles-ci ». La règle est constante et elle vise à préserver la loyauté des débats sur une pièce technique déterminante.
Ce rappel est complété par une précision décisive, également citée in extenso par la Cour: « Si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties ». L’articulation est nette: l’expertise amiable est recevable au débat, mais elle ne peut, seule, emporter la conviction judiciaire.
Ce cadre jurisprudentiel installe un équilibre. Le juge accueille la pièce, mais la soumet à l’épreuve de la contradiction et du faisceau d’indices convergents. L’expertise non judiciaire, utile à l’éclairage technique, ne saurait suppléer à l’administration de la preuve des faits générateurs et des dommages.
B. L’application au cas d’espèce: recevabilité des rapports et insuffisance quant à la preuve des désordres
La Cour applique ensuite ce standard. Elle relève expressément que « En l’espèce, il est produit deux rapports d’expertise non contradictoires établis à la demande de deux parties distinctes ce qui exclut que ceux-ci soient écartés ». Les deux rapports entrent donc dans le débat probatoire, sans être disqualifiés par principe.
Pour autant, la juridiction vérifie si ces rapports établissent la matérialité des désordres. Elle constate leur convergence limitée sur une insuffisance technique d’encollage, mais note l’absence de constatations directes relatives aux désordres allégués lors des opérations, l’ouvrage ayant été en partie déposé. Elle retient en termes clairs: « La réalité et la matérialité des désordres relevés n’a pas été constatée par les experts ». Les clichés produits n’établissent pas davantage le décollement, et leur lecture demeure équivoque au regard d’interventions ultérieures.
Dans ce contexte, la charge de la preuve n’est pas satisfaite. Les expertises unilatérales, débattues mais non corroborées par des constatations matérielles, ne suffisent pas à démontrer l’atteinte invoquée. La Cour, fidèle au principe rappelé, refuse de déduire la responsabilité d’un faisceau probatoire exclusivement technique et non contradictoire au sens judiciaire.
II. Réception de l’ouvrage, nature des défauts et garantie d’assurance
A. L’effet de la réception sans réserves sur les non-conformités apparentes
La Cour relève que « Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 20 octobre 2018 ». Elle en tire les conséquences attachées à l’économie du droit de la construction, qui distingue entre désordres apparents purgés par la réception et désordres cachés de nature décennale. La réception, acte juridique, fixe la ligne de partage des risques et des actions.
S’agissant des non-conformités évoquées, la Cour retient que « L’absence de joint de dilatation pourtant facturé était nécessairement apparente à la réception ». Le grief, même s’il s’inscrit dans une règle de l’art pour de grandes surfaces carrelées, ne relève pas, en l’état des preuves, d’un vice occulte rendant l’ouvrage impropre. Il ne peut donc être invoqué au titre d’une garantie postérieure, en l’absence de réserves exprimées lors de la réception.
Cette approche confirme que la preuve des désordres doit porter sur des manifestations objectivées avant ou au moment de la réception, ou sur des atteintes cachées avérées postérieurement. À défaut, l’office du juge ne peut suppléer par présomptions aux constats techniques manquants.
B. L’inapplicabilité corrélative de la garantie d’assurance en l’absence de désordres établis
La solution probatoire gouverne la question assurantielle. La Cour énonce, dans une formule synthétique, que « En l’absence de désordres établis, la garantie […] n’a pas vocation à s’appliquer ». La garantie de responsabilité suppose en effet la démonstration préalable d’un fait générateur et d’un dommage certain, ce qui fait défaut en l’espèce.
L’argumentation relative au périmètre des activités assurées et aux postes de reprise demeure dès lors inopérante. En l’absence de matérialité du sinistre, la discussion sur l’assiette de la garantie ou la qualification décennale n’a pas d’incidence utile. L’économie du droit des assurances de construction impose cette hiérarchie logique des conditions de mobilisation.
La décision confirme ainsi le jugement entrepris, condamne l’appelante aux dépens et aux frais irrépétibles, et clôt le litige sur une base strictement probatoire. L’office de la Cour d’appel de Paris reste fidèle à la jurisprudence de principe sur l’expertise non judiciaire et à la fonction normative de la réception dans les rapports contractuels de construction.