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Rendue par la Cour d’appel de Paris le 16 juin 2025, la décision commentée statue en matière de déféré contre une ordonnance du conseiller de la mise en état ayant écarté la caducité de la déclaration d’appel. Le litige trouve son origine dans un contentieux prud’homal relatif à des rappels de salaire, rejeté en première instance, puis porté en appel. La question procède de l’articulation entre l’article 908 du code de procédure civile, qui prévoit la caducité en cas de conclusions tardives, et l’article 910-3, permettant d’écarter cette sanction en cas de force majeure.
Les faits utiles tiennent à ce que l’appelante a notifié ses conclusions après l’expiration du délai de trois mois, tandis que son conseil justifiait d’une incapacité médicale temporaire. Le même jour, une transmission erronée de conclusions de première instance est intervenue, ensuite corrigée par des conclusions d’appel en bonne et due forme. La partie intimée a saisi le conseiller de la mise en état pour voir prononcer la caducité, soutenant l’insuffisance probatoire du certificat et l’absence d’insurmontabilité, puis a déféré l’ordonnance de rejet. La juridiction du fond devait dès lors trancher si la maladie du conseil, attestée par certificat, caractérisait une force majeure procédurale justifiant l’écartement de la caducité, et si l’erreur matérielle ultérieure, rapidement régularisée, affectait la validité des conclusions au regard de l’article 954. La cour confirme l’ordonnance, retient la force majeure au sens de l’article 910-3 et écarte toute irrecevabilité, au regard notamment d’un contrôle de proportionnalité du droit d’accès au juge.
I. La reconnaissance d’une force majeure procédurale fondée sur l’incapacité avérée du conseil
A. Les critères textuels et jurisprudentiels de la force majeure procédurale
La cour rappelle la définition directrice en posant que « la force majeure, au sens du texte précité, est la circonstance non imputable au fait de la partie qui l’invoque et qui revêt pour elle un caractère insurmontable ». Cette formule, conforme à l’arrêt de principe, cadre l’examen in concreto de l’événement allégué par l’appelante. Elle s’inscrit dans la lignée de « 2ème civ., 25 mars 2021, n°20-10.654 », qui a fixé la notion en matière de délais impératifs d’appel.
Le raisonnement s’appuie aussi sur une solution rapprochée de la haute juridiction, où la force majeure a été déduite d’une incapacité d’exercer la profession pendant la période couverte par le délai. Ainsi, « l’avocat avait remis un certificat médical établissant qu’il s’était trouvé dans l’incapacité d’exercer sa profession entre le 15 février et le 15 avril 2021, soit pendant la période au cours de laquelle le délai de dépôt du mémoire avait expiré ». En écho, la cour souligne que la preuve de l’insurmontabilité peut résulter d’un certificat médical pertinent, sans exigence d’hospitalisation ni d’arrêt de travail formalisé.
B. L’appréciation in concreto du certificat et le rejet du grief de formalisme
Sur pièces, la juridiction retient un document médical prescrivant « un repos de huit jours pour raison médicale » et précisant « la nécessité » d’un « repos strict » à domicile. Elle en déduit que l’incapacité professionnelle est établie du 20 au 28 janvier, couvrant le terme du délai fixé au 22. La décision écarte la contestation adverse sur la prétendue absence de valeur probatoire du certificat, jugé « un moyen de preuve admissible dont la valeur probatoire était soumise à l’appréciation du juge ».
La cour refuse de conditionner la force majeure à des modalités rigides telles qu’une hospitalisation ou un arrêt de travail salarié, étrangers au statut de l’avocat. Elle écarte également la thèse d’une délégation d’urgence nécessaire, l’organisation unipersonnelle du cabinet et la soudaineté de l’atteinte à la santé rendant la mesure illusoire. Enfin, le fait que des conclusions de première instance aient été transmises le 26 janvier n’infirme pas l’incapacité, mais révèle une fragilité contextuelle. L’ensemble conduit à retenir que « la force majeure demeure caractérisée au sens de l’article 910-3 du code de procédure civile ».
II. La mise en balance du formalisme procédural et du droit d’accès au juge
A. La régularisation de l’erreur matérielle au regard de l’article 954
La cour juge que la transmission initiale d’un mauvais fichier constitue une erreur matérielle, survenue dans le contexte pathologique établi, et régularisée « aussitôt » par des conclusions conformes. Elle apprécie que l’article 954 ne prévoit pas de sanction automatique pour une telle confusion, dès lors que la rectification intervient sans porter atteinte à la bonne administration de la justice. Elle souligne que l’erreur « n’a eu aucune incidence sur la sécurité juridique au regard de sa régularisation », excluant toute désinvolture.
Ce faisant, la motivation s’oppose à une lecture cumulative et inflexible des articles 908 et 954, en présence d’une force majeure déjà retenue. Elle refuse d’ériger l’incident de notification au rang d’une cause autonome de caducité, dès lors que la cause de dépassement du délai a été légalement neutralisée et que l’appelant a rétabli la situation procédurale dans un délai raisonnable.
B. Le contrôle de proportionnalité et la portée pratique de la solution
La décision opère un contrôle de proportionnalité « in concreto » du formalisme au regard du droit d’accès au juge de l’appelant. Elle estime qu’appliquer la caducité reviendrait « à adopter une interprétation particulièrement rigoureuse de la règle procédurale » et « porterait une atteinte disproportionnée » au droit d’agir. Cette orientation rejoint la vigilance européenne sur l’accès effectif au tribunal, sans imposer de dérogations générales, mais par une pesée circonstanciée.
La portée est double. Sur le terrain probatoire, la cour entérine le certificat médical circonstancié comme support suffisant de l’insurmontabilité, à l’instar d’une décision de renvoi confirmant un raisonnement similaire. Sur le terrain du formalisme, elle confirme qu’une confusion de fichiers, rapidement corrigée, ne justifie ni irrecevabilité ni caducité, en l’absence d’atteinte à la sécurité des échanges. La formule conclusive, « cette sanction doit donc se trouver écartée », scelle une ligne de mesure conciliant l’exigence des délais et la protection d’un droit d’appel exercé de bonne foi.