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Rendue par la Cour d’appel de Paris le 19 juin 2025, la décision tranche un litige né d’un licenciement pour faute simple notifié peu après une période d’expatriation. Le différend porte d’abord sur la prescription des griefs disciplinaires au regard de l’article L.1332-4 du code du travail, l’employeur invoquant une enquête interne finalisée en février 2018.
Les faits utiles se résument ainsi. Le salarié, cadre, a exercé des fonctions à l’étranger jusqu’à la fin juin 2017. Convoqué à entretien préalable début mars 2018, il a été licencié fin mars. Saisi, le conseil de prud’hommes a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes et a fait droit en partie aux prétentions reconventionnelles de l’employeur relatives à des remboursements.
Sur appel, le salarié invoquait principalement la prescription des motifs disciplinaires, subsidiairement l’absence de cause réelle et sérieuse, ainsi que des demandes salariales et indemnitaires. L’employeur concluait à la confirmation, revendiquant la justification de la rupture et la restitution de paiements indus. La question de droit centrale portait sur le point de départ du délai de l’article L.1332-4, donc sur la date de « connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits fautifs » par l’employeur, au regard d’une enquête non produite. La cour répond affirmativement à la prescription, relève l’absence de cause réelle et sérieuse, fixe une indemnité dans les bornes légales et rejette la plupart des demandes accessoires, notamment les prétentions salariales non établies et les restitutions tardives. Elle rappelle au préalable que « Si un doute subsiste, il profite au salarié ».
I – La prescription disciplinaire et la preuve de la connaissance
A – L’exigence d’une connaissance « exacte » au sens de l’article L.1332-4
La cour réaffirme d’abord la règle, en l’intégrant à son contrôle probatoire. Elle cite que « En application de l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance ». La lettre de licenciement délimite l’objet du litige, la Cour rappelant que « La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige » cible des faits situés pendant l’expatriation, achevée au 30 juin 2017, alors que la convocation est intervenue le 1er mars 2018.
Le point décisif tient à la charge de la preuve de la date de connaissance. L’employeur alléguait une alerte et un rapport d’inspection générale daté de février 2018, mais ne produisait ni l’alerte ni le rapport, hormis sa page de garde. La cour en déduit une carence probatoire. Elle retient que l’employeur, « apparaissant en conséquence défaillant dans la charge de la preuve lui incombant quant à la date de la connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits fautifs », ne démontre pas l’émergence tardive d’une connaissance complète.
B – La sanction de la carence et la privation de cause réelle et sérieuse
Faute de preuve d’une connaissance dans les deux mois précédant l’engagement des poursuites, la prescription joue pleinement. La cour énonce que « il apparaît que les faits fautifs allégués sont effectivement prescrits », ce qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, les motifs disciplinaires ne pouvant plus être invoqués. La solution est nette, conforme à la finalité de l’article L.1332-4, et cohérente avec l’économie du contentieux disciplinaire.
La portée pratique est importante. Elle consacre une vigilance accrue sur la traçabilité des alertes et des investigations internes. À défaut d’éléments tangibles et datés établissant la connaissance exacte, l’action disciplinaire se heurte au délai préfix, indépendamment de la gravité alléguée des faits reprochés.
II – L’encadrement des conséquences: indemnisation et demandes accessoires
A – Barème d’indemnisation et compatibilité internationale
Concluant à l’absence de cause réelle et sérieuse, la cour applique l’article L.1235-3, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017. Elle retient une indemnité de 77 000 euros, appréciée in concreto au regard de l’ancienneté, de la rémunération de référence et de la situation professionnelle. Sur le contrôle de conventionnalité, la Cour juge que les articles L.1235-3 et L.1235-3-1 « permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi ». Elle ajoute que « Les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT ».
L’office du juge se trouve rappelé avec mesure. Il fixe l’indemnité dans les bornes légales, sans écarter le barème, écartant l’argument tiré de la Charte sociale européenne. La réparation forfaitisée demeure articulée avec l’ordre public de protection par l’effet de l’article L.1235-4, que la cour mobilise pour le remboursement à l’organisme d’assurance chômage.
B – Prétentions salariales, régime de la preuve et prescriptions
Les prétentions liées au plan d’épargne entreprise, à l’intéressement et à la participation sont écartées, la cour retenant l’exclusion liée au statut d’expatrié et la compensation intégrée au package. Les rémunérations variables sont qualifiées de gratifications discrétionnaires, faute de modalités contractuelles objectives, de sorte qu’aucun droit acquis n’est démontré. La rémunération différée conditionnée à la présence à la date de paiement n’est pas due, en l’absence de demande autonome de réparation d’une perte de chance. Le forfait jours est jugé valable, un écrit contresigné fixant 211 jours et la rémunération correspondante.
S’agissant des demandes reconventionnelles, la cour applique la prescription biennale de l’article L.1471-1 aux actions de répétition de frais professionnels indûment remboursés, en retenant le point de départ au paiement. Faute de fraude établie et de diligence démontrée, elle décide qu’« il apparaît que la prescription était acquise lorsque lesdites demandes reconventionnelles ont été formées ». L’économie d’ensemble demeure cohérente avec la rigueur probatoire exigée en matière de créances accessoires.
Au total, la décision articule avec constance la règle de prescription disciplinaire et un contrôle serré de la preuve, puis ordonne les conséquences indemnitaires dans le cadre du barème légal, tout en rationalisant les demandes périphériques à l’aune des textes applicables et de la charge de la preuve.