- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
La procédure de surendettement des particuliers constitue un dispositif essentiel de protection des débiteurs en situation de détresse financière. Elle permet, sous certaines conditions, d’obtenir un rééchelonnement des dettes ou, dans les cas les plus graves, un effacement total du passif par le biais du rétablissement personnel. La distinction entre ces deux issues repose sur l’appréciation de la situation du débiteur, laquelle doit être ou non irrémédiablement compromise.
La cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 19 juin 2025, a eu à connaître d’un litige opposant deux époux copropriétaires à leur syndicat de copropriétaires dans le cadre d’une procédure de surendettement. Les débiteurs contestaient le montant de la créance du syndicat et sollicitaient une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.
Les faits de l’espèce sont les suivants. Deux époux, propriétaires d’un appartement, ont saisi la commission de surendettement. Leur demande a été déclarée recevable le 2 avril 2020. Par jugement du 7 avril 2021, le juge des contentieux de la protection a procédé à une vérification des créances et fixé celle du syndicat des copropriétaires à 27 533,30 euros. La commission a ensuite imposé un rééchelonnement des dettes sur 37 mois le 10 février 2022. Les débiteurs ont contesté ces mesures. Par jugement du 6 juin 2023, le tribunal judiciaire de Paris a fixé la créance du syndicat à 17 678,99 euros, arrêté le passif à 63 347,05 euros et établi un plan de désendettement sur 41 mois. Il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par les époux à l’encontre du syndic. Les débiteurs ont interjeté appel le 21 juin 2023.
Devant la cour, les époux demandaient le rejet de la créance du syndicat, la fixation du passif à 44 358,01 euros, l’octroi du rétablissement personnel sans liquidation judiciaire et la condamnation du syndicat à leur verser des dommages et intérêts. Ils reprochaient au syndic de ne pas les avoir inscrits sur la liste des demandeurs de prêt auprès de l’agence nationale de l’habitat. Le syndicat sollicitait quant à lui la fixation de sa créance à 19 439,53 euros et le rejet des demandes adverses.
La cour était saisie de deux questions. D’une part, il lui appartenait de déterminer le montant exact de la créance du syndicat des copropriétaires et d’apprécier la validité des contestations émises par les débiteurs. D’autre part, elle devait statuer sur l’existence d’une situation irrémédiablement compromise justifiant l’octroi d’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.
La cour d’appel de Paris a infirmé partiellement le jugement. Elle a fixé la créance du syndicat à 19 439,53 euros et le passif total à 65 107,59 euros. Elle a confirmé le rejet de la demande de rétablissement personnel et maintenu le plan de désendettement en l’adaptant. Elle a également confirmé le rejet de la demande de dommages et intérêts.
L’arrêt mérite examen en ce qu’il précise les conditions de vérification des créances dans le cadre du surendettement (I) et rappelle les critères d’appréciation de la situation irrémédiablement compromise (II).
I. La vérification des créances, office du juge et charge de la preuve
A. Le pouvoir de vérification du juge saisi de la contestation des mesures
La cour rappelle que « le juge statuant sur une contestation des mesures imposées peut vérifier, même d’office, la validité des créances et des titres qui les constatent ainsi que le montant des sommes réclamées ». Ce pouvoir découle de l’article L.733-12 du code de la consommation. Il confère au juge une mission de contrôle étendue qui dépasse le simple examen des griefs formulés par les parties.
La vérification porte sur « le caractère liquide et certain des créances ainsi que sur le montant des sommes réclamées en principal, intérêts et accessoires ». La cour précise toutefois une limite importante. La créance « n’est toutefois vérifiée que dans le cadre de la procédure, c’est-à-dire pour l’établissement du plan ou des mesures recommandées ». Elle n’acquiert donc pas l’autorité de la chose jugée au sens plein du terme. Cette solution assure un équilibre entre protection du débiteur et droits des créanciers.
Le premier juge avait réduit la créance du syndicat au motif que celui-ci n’avait pas produit l’ensemble des pièces justificatives. La cour procède différemment. Elle constate que le syndicat produit désormais « l’intégralité des éléments propres à justifier de sa créance ». Elle énumère précisément les documents versés aux débats. Cette approche illustre le caractère évolutif de la vérification, qui peut être actualisée à hauteur d’appel.
B. L’irrecevabilité des contestations nouvelles en appel
La cour statue également sur la contestation de la créance bancaire soulevée pour la première fois en appel. Elle relève que les débiteurs « n’ont jamais émis de contestation à ce titre devant le juge en charge de la vérification des créances ». Le jugement de vérification ayant été « rendu en dernier ressort », les époux ne pouvaient plus remettre en cause cette créance.
La cour ajoute que les débiteurs « n’ont pas non plus émis de critique lors de la contestation des mesures recommandées ». Par conséquent, « la cour d’appel n’est donc pas saisie de ce point ». Cette solution s’inscrit dans la logique de l’effet dévolutif de l’appel. Le juge du second degré ne peut statuer que sur les points qui ont été soumis au premier juge et qui font l’objet de l’appel.
Sur le fond, la cour observe que les débiteurs « ne démontrent pas l’existence de deux prélèvements de 605 euros chacun non pris en compte ». La charge de la preuve pèse donc sur le débiteur qui conteste le montant d’une créance. Cette répartition est conforme au droit commun de la preuve. Elle incite les parties à produire leurs justificatifs dès la première instance pour préserver leurs droits.
II. L’appréciation de la situation irrémédiablement compromise, critères et conséquences
A. L’exigence d’une impossibilité manifeste de traitement
L’article L.724-1 du code de la consommation définit la situation irrémédiablement compromise comme « caractérisée par l’impossibilité manifeste de mettre en œuvre les mesures de traitement ». Cette définition suppose une appréciation concrète de la capacité du débiteur à honorer un plan d’apurement. La cour rappelle que cette appréciation repose sur « le rapport entre le montant des dettes et les revenus disponibles ou ceux prévisibles ».
La cour procède à un examen détaillé des ressources et charges du ménage. Les époux perçoivent des pensions de retraite évaluées à 3 380 euros mensuels. Les charges sont fixées à 1 557,92 euros selon les barèmes applicables et les justificatifs produits. La capacité de remboursement peut donc « être fixée à la somme de 1 822 euros, en légère augmentation ».
La cour en déduit que les débiteurs « ne se trouvent pas en situation irrémédiablement compromise ». Elle ajoute qu’ils sont « par ailleurs propriétaires de leur résidence principale évaluée à un peu plus de 250 000 euros ». La détention d’un patrimoine immobilier constitue un élément déterminant. Elle exclut l’accès au rétablissement personnel sans liquidation judiciaire qui suppose l’absence de biens réalisables.
B. Le maintien du plan de désendettement adapté
La cour confirme le principe du plan de désendettement tout en l’adaptant aux créances actualisées. Elle fixe une mensualité de 1 618 euros pour le premier palier concernant la créance du syndicat. Le solde résiduel de 23,53 euros est effacé. Cette solution permet d’apurer intégralement la dette en douze mensualités.
La cour rappelle les obligations incombant aux débiteurs pendant l’exécution du plan. Ils « ne peuvent accomplir aucun acte qui aggraverait leur situation financière sauf autorisation ». La sanction du non-respect est précisée. « À défaut de paiement d’une seule de ces échéances à son terme, l’ensemble du plan est de plein droit caduc 15 jours après une mise en demeure restée infructueuse ».
S’agissant de la demande de dommages et intérêts, la cour observe que les débiteurs « n’apportent aucun élément au soutien de leurs allégations à l’encontre du syndic ». Elle constate au contraire qu’ils « ont bien perçu la subvention de l’ANAH pour 7 557,59 euros ». Le rejet de cette demande est confirmé. La cour refuse de faire droit aux accusations qualifiées de « malveillantes » en l’absence de toute preuve d’une faute du syndic.