Cour d’appel de Paris, le 19 juin 2025, n°24/18411

Rendue par la Cour d’appel de Paris, le 19 juin 2025, la décision confirme l’incompétence du tribunal judiciaire au profit du conseil de prud’hommes. Le litige naît d’allégations de détournements opérés par une salariée d’une étude notariale durant l’exécution de ses fonctions, suivies d’une mise à pied conservatoire puis d’un licenciement pour faute. L’employeur et son assureur, après indemnisation des clients, ont exercé un recours sur le fondement de la subrogation légale et de la responsabilité délictuelle. Le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a décliné compétence le 15 octobre 2024, retenant la compétence prud’homale. Les appelants demandaient l’infirmation au motif que l’action, subrogatoire et délictuelle, relèverait du droit commun. L’intimée sollicitait la confirmation, insistant sur l’origine salariale du différend et l’absence de condamnation pénale. La question posée tenait à la détermination de la juridiction compétente pour connaître, d’une part, du recours subrogatoire de l’assureur et, d’autre part, de l’action de l’employeur contre la salariée, lorsque les faits reprochés sont liés à l’exécution du contrat de travail. La cour confirme la solution, en rappelant que « Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail (…). Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti », et en précisant que « La juridiction compétente pour connaître des recours subrogatoires est celle qui a compétence pour connaître de l’action principale du subrogeant ».

I. Fondement et articulation des règles de compétence

A. L’ancrage du litige dans l’exécution du contrat de travail
La cour rattache le différend à l’exécution du contrat de travail, dès lors que les faits reprochés ont été accomplis par la salariée avec les moyens mis à disposition par l’employeur. Elle s’appuie sur l’article L. 1411-1 du code du travail, rappelé en ces termes : « Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code (…). Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti ». Ce rattachement facture le cœur de la solution, puisque la détermination de la juridiction compétente se fait par la cause du litige, et non par la qualification ex post des actions exercées par les demandeurs.

B. La subrogation ne modifie pas la juridiction naturelle du litige
La cour retient ensuite que l’effet translatif de la subrogation ne dénature pas l’assiette juridictionnelle. Elle énonce que « La juridiction compétente pour connaître des recours subrogatoires est celle qui a compétence pour connaître de l’action principale du subrogeant. En effet, si la subrogation investit le subrogé de la créance primitive avec tous ses avantages et occasions, le subrogé n’a pas plus de droits que son subrogeant au lieu et place duquel il agit ». Cette formulation consacre une solution classique : l’assureur subrogé suit la créance dans toutes ses modalités, y compris les règles de compétence, sans pouvoir déplacer le litige vers le juge de droit commun.

II. Portée et limites de l’immunité du préposé et des recours de l’employeur

A. L’immunité du préposé dans les limites de sa mission
La cour rappelle la règle cardinale, déjà posée, selon laquelle « l’employeur-commettant (…) ne dispose d’aucune action récursoire contre ce salarié (…) dès lors qu’il ne peut se prévaloir d’une subrogation dans les droits de la victime, laquelle ne dispose d’aucune action contre le préposé qui a agi dans les limites de la mission qui lui était impartie, hors le cas où le préjudice de la victime résulte d’une infraction pénale ou d’une faute intentionnelle ». Cette indication circonscrit le régime de responsabilité personnelle du salarié et réaffirme l’immunité fonctionnelle du préposé, sauf faute intentionnelle ou infraction, lesquelles demeurent des hypothèses strictement appréciées.

B. La compétence prud’homale pour apprécier l’éventuelle faute intentionnelle
La cour ne tranche pas le fond de l’intention, mais localise le débat devant le juge naturel de la relation de travail. Elle souligne que l’« appréciation éventuelle de l’existence d’une faute commise par la salariée dans l’exécution du contrat de travail (…) relève de la compétence d’attribution de la juridiction prud’homale ». Cette répartition garantit l’unité d’appréciation entre la qualification des faits, la délimitation de la mission, et l’incidence sur la responsabilité personnelle du salarié. Elle évite des décisions divergentes, et sécurise l’office du juge spécialisé dans les litiges nés à l’occasion du travail.

Ainsi, la solution confirme une articulation cohérente entre droit du travail, responsabilité du commettant et mécanisme de subrogation. En assignant au conseil de prud’hommes la connaissance des recours fondés sur des faits liés à l’exécution du contrat, la cour assure la stabilité des compétences et la lisibilité des conditions d’engagement de la responsabilité personnelle du salarié, tout en préservant les exceptions liées à l’intentionnalité qui, si elles sont alléguées, doivent d’abord être caractérisées devant le juge prudentiel.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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