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Je vais procéder à la rédaction du commentaire d’arrêt.
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La question de la restitution des sommes inscrites sur un compte-titres ayant fait l’objet d’un nantissement constitue un contentieux récurrent du droit bancaire. La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 2 juillet 2025, apporte une contribution significative à cette problématique en précisant les conditions dans lesquelles l’établissement dépositaire peut s’exonérer de son obligation de restitution.
En l’espèce, un particulier reconnu handicapé à plus de 80 % avait souscrit, le 13 juillet 2016, une déclaration de nantissement de titres financiers d’une valeur de 15 000 euros au profit du bailleur d’un appartement. Par courrier du 19 septembre 2019, la banque l’informait de la clôture de l’ensemble de ses comptes. Le titulaire du compte sollicitait alors la restitution de la somme nantie, demeurée sans réponse de l’établissement bancaire.
Par jugement du 3 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris avait condamné la banque à payer la somme de 15 000 euros augmentée des intérêts au taux légal. L’établissement bancaire relevait appel de cette décision. La procédure d’appel fut marquée par plusieurs incidents tenant à la mise sous curatelle de l’intimé, nécessitant l’intervention forcée du curateur.
Devant la Cour, la banque soutenait que le nantissement n’avait pu être suivi d’effet, les règles internes exigeant une garantie équivalente à 125 % de la valeur à garantir. Elle faisait valoir que des rachats successifs avaient ramené le solde du compte-titres à zéro dès le 17 novembre 2016, justifiant sa clôture le 17 août 2018. L’intimé contestait la réalité de ces rachats et invoquait le manquement de la banque à son obligation d’information.
La question posée à la Cour était de savoir si l’établissement bancaire dépositaire pouvait s’exonérer de son obligation de restitution des titres nantis en établissant que le constituant avait lui-même procédé au rachat desdits titres postérieurement à la déclaration de nantissement.
La Cour d’appel de Paris retient que les relevés de compte produits par la banque établissent que la somme de 15 000 euros, initialement investie en bons de trésorerie, a fait l’objet de rachats successifs jusqu’au 17 novembre 2016, les sommes correspondantes ayant été reversées sur le compte courant du client. Elle juge que ce dernier, qui ne s’était jamais plaint de n’avoir pas reçu ses relevés préalablement à ses conclusions d’appel, ne peut utilement contredire ces pièces.
L’examen de cette décision conduit à envisager successivement la question de l’extinction du nantissement par disparition de son assiette (I), puis celle de la charge probatoire pesant sur les parties dans le contentieux de la restitution (II).
I. L’extinction du nantissement par épuisement de son assiette
La Cour d’appel de Paris consacre le principe selon lequel le nantissement de compte-titres s’éteint lorsque son assiette disparaît du fait du constituant lui-même (A), tout en admettant la validité des clauses contractuelles prévoyant la clôture automatique des comptes dépourvus de titres (B).
A. La disparition des titres nantis du fait du constituant
Le nantissement de compte-titres, régi par les articles L. 211-20 et suivants du code monétaire et financier, confère au créancier nanti un droit réel sur les instruments financiers inscrits en compte. Ce droit de préférence ne peut toutefois s’exercer que sur des actifs effectivement présents dans l’assiette du nantissement.
La Cour relève que « si la somme de 15 000 euros a été utilisée au début du mois de juillet 2016 à partir du compte chèque pour souscrire des bons de trésorerie placés sur le compte-titres », des « rachats sont ensuite intervenus jusqu’au 17 novembre 2016 ». Elle constate précisément une « souscription d’OPC le 13 juillet 2016 pour un montant de 15 000 euros et le rachat daté du 18 juillet suivant pour une somme de 14 999,51 euros revenue créditer le compte CCP ».
Cette analyse soulève une difficulté juridique substantielle. Le constituant d’un nantissement conserve-t-il la faculté de disposer des titres nantis sans le consentement du créancier ? En principe, le nantissement de compte-titres emporte interdiction pour le constituant de disposer des instruments financiers sans l’accord du créancier nanti. La décision ne précise pas si le bailleur créancier avait été consulté ou informé des rachats successifs. Cette lacune dans le raisonnement affaiblit quelque peu la motivation de l’arrêt.
L’intimé contestait formellement ces rachats et soulevait l’incohérence des relevés avec les explications bancaires, relevant notamment que « le montant cumulé » n’atteignait que « 14 601,26 euros » alors que le nantissement portait sur 15 000 euros. La Cour écarte cet argument sans y répondre expressément.
B. La validité de la clause de clôture automatique
La Cour valide l’application de la clause contractuelle stipulant qu’« un compte-titres sans titres pendant une durée d’un an, est clôturé sans préavis ». Elle en déduit que le compte-titres, « entièrement dépourvu de valeur depuis le 17 novembre 2016 a été régulièrement clôturé le 17 août 2018 ».
Cette clause soulève la question de son opposabilité au créancier nanti. Le nantissement avait été constitué pour garantir le paiement des loyers jusqu’au 31 août 2018 selon l’intimé. La clôture du compte avant cette échéance privait potentiellement le créancier de sa garantie. La banque, informée de l’existence du nantissement puisqu’elle avait elle-même établi la déclaration, pouvait-elle procéder à cette clôture sans en aviser le bénéficiaire ?
La décision ne tranche pas cette question, se concentrant exclusivement sur les rapports entre la banque et son client. Elle omet ainsi d’examiner les obligations du teneur de compte envers le créancier nanti, pourtant partie à l’acte de nantissement.
La portée de cette solution demeure donc limitée aux relations bilatérales entre l’établissement bancaire et le constituant du nantissement. Elle laisse entière la question de la responsabilité éventuelle de la banque envers le créancier nanti privé de sa garantie.
II. La charge de la preuve dans le contentieux de la restitution
La Cour d’appel de Paris reconnaît une force probatoire déterminante aux relevés bancaires produits par l’établissement (A), tout en écartant implicitement le grief tiré du manquement au devoir d’information (B).
A. La force probante des relevés de compte
L’arrêt retient que l’intimé « ne peut utilement contredire les pièces versées qu’il n’a pas contestées avant la clôture de ses comptes ». La Cour relève qu’il « ne s’est jamais plaint de n’avoir pas reçu ses relevés des deux comptes concernés préalablement à ses conclusions d’appel ».
Cette motivation consacre le principe selon lequel le silence gardé par le client à réception de ses relevés vaut approbation tacite des opérations y figurant. La règle trouve son fondement dans l’obligation de vérification pesant sur le titulaire du compte et dans le délai de contestation implicitement admis par la jurisprudence.
La solution appelle néanmoins une réserve. L’intimé bénéficiait de l’aide juridictionnelle totale et était placé sous curatelle simple. Ces éléments auraient pu justifier une appréciation plus nuancée de sa capacité à contester utilement les relevés de compte. La Cour ne tient pas compte de ces circonstances dans son appréciation de la charge probatoire.
L’arrêt retient également que « la banque a reversé sur son compte CCP les sommes correspondantes dont il a ensuite librement disposé ». Cette constatation établit que le client a effectivement bénéficié des fonds issus des rachats. Elle neutralise l’argument selon lequel il aurait subi un préjudice du fait de la disparition des titres nantis.
B. L’éviction implicite du manquement au devoir d’information
L’intimé reprochait à la banque d’avoir manqué à son obligation d’information en ne l’avisant jamais de l’insuffisance des titres en portefeuille pour permettre le nantissement. Il invoquait la règle interne exigeant que les titres nantis représentent 125 % de la somme à garantir, soit 18 750 euros pour 15 000 euros.
Ce moyen soulevait une question essentielle. La banque pouvait-elle recevoir une déclaration de nantissement portant sur 15 000 euros alors que les titres ne satisfaisaient pas à ses propres exigences prudentielles ? Le courrier interne à destination de la conseillère bancaire, mentionné par l’intimé, n’aurait jamais été porté à sa connaissance.
La Cour n’examine pas expressément ce grief. Son silence peut s’interpréter de deux manières. Soit elle considère que l’argument est inopérant dès lors que les rachats postérieurs ont de toute façon vidé le compte de sa substance. Soit elle estime que le client, en procédant lui-même aux rachats, a renoncé tacitement au bénéfice du nantissement.
L’intimé faisait valoir qu’il souffrait d’importants problèmes de santé exigeant des « précautions particulières ». Cet argument tendait à renforcer l’obligation d’information pesant sur l’établissement bancaire. La jurisprudence admet en effet un renforcement du devoir de conseil envers les clients vulnérables. La Cour n’accorde aucune portée à cette circonstance.
La solution retenue privilégie une approche objective fondée sur les mouvements de compte. Elle écarte toute prise en considération de la situation personnelle du client. Cette rigueur peut se justifier par le souci de sécurité juridique des opérations bancaires. Elle laisse toutefois un sentiment d’inachèvement quant au traitement du devoir d’information invoqué.