Cour d’appel de Paris, le 2 juillet 2025, n°25/00267

Voilà un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, pôle 5, chambre 6, le 2 juillet 2025, statuant sur une requête en rectification d’erreur matérielle.

Une société de crédit immobilier avait obtenu, par arrêt du 12 mars 2025, la confirmation d’un jugement du Tribunal de commerce de Melun du 12 décembre 2022, condamnant solidairement deux époux au paiement de diverses sommes. Le dispositif de cet arrêt condamnait en outre les époux à verser une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, mais mentionnait par erreur une autre société bancaire comme bénéficiaire de cette condamnation. La société créancière a donc déposé, le 14 mars 2025, une requête aux fins de rectification. Les parties ont été avisées le 8 avril 2025 de la possibilité de statuer sans audience. Aucune observation n’a été formulée dans le délai imparti.

La question posée à la Cour était de savoir si l’erreur affectant la dénomination de la société intimée dans le dispositif de l’arrêt initial constituait une erreur purement matérielle susceptible de rectification au sens de l’article 462 du code de procédure civile.

La Cour répond par l’affirmative. Elle ordonne la rectification du dispositif en substituant le nom exact de la société créancière à celui erronément mentionné. Elle ordonne également la mention de cette décision en marge de l’arrêt rectifié et met les dépens à la charge de l’État.

La présente décision illustre les conditions d’exercice du pouvoir de rectification reconnu au juge (I), tout en révélant les garanties procédurales entourant cette voie de recours particulière (II).

I. Le domaine strictement délimité de la rectification d’erreur matérielle

A. La notion d’erreur matérielle au sens de l’article 462 du code de procédure civile

L’article 462 du code de procédure civile dispose que les erreurs et omissions matérielles affectant une décision peuvent être réparées par la juridiction qui l’a rendue. Cette disposition ouvre une voie procédurale distincte des voies de recours ordinaires, répondant à une finalité pratique : permettre la correction d’imperfections rédactionnelles sans remettre en cause l’autorité de la chose jugée.

En l’espèce, la Cour qualifie l’erreur « d’erreur purement matérielle sur la dénomination de la société intimée ». Cette formulation appelle quelques observations. L’erreur matérielle se distingue de l’erreur de jugement en ce qu’elle n’affecte pas le raisonnement juridique ayant conduit à la décision. Elle résulte d’une inadvertance, d’une faute de plume ou d’une confusion purement formelle. La substitution du nom d’une société bancaire à celui de la véritable partie au litige relève incontestablement de cette catégorie. La Cour n’a pas modifié sa décision sur le fond ; elle a simplement rétabli la concordance entre son intention décisoire et son expression écrite.

Cette qualification emporte des conséquences importantes. La rectification ne constitue pas une nouvelle décision modifiant les droits des parties, mais une mesure technique visant à assurer l’exactitude formelle de l’arrêt initial.

B. Les limites du pouvoir de rectification

Le pouvoir de rectification connaît des frontières que la jurisprudence a progressivement précisées. Le juge ne peut, sous couvert de rectification, modifier le sens ou la portée de sa décision. Il ne saurait davantage réparer une erreur de droit ou une appréciation inexacte des faits.

Dans l’affaire commentée, la limite est respectée. La condamnation solidaire des époux au paiement des frais irrépétibles était acquise ; seul le bénéficiaire était inexactement désigné. L’arrêt rectificatif ne crée aucun droit nouveau et n’en supprime aucun. Il rétablit simplement l’identité exacte du créancier de l’indemnité allouée.

La décision présente toutefois un intérêt pratique considérable. L’erreur sur la dénomination du bénéficiaire d’une condamnation aurait pu susciter des difficultés d’exécution. La société erronément mentionnée n’aurait eu aucun titre pour recouvrer la créance, tandis que la véritable partie intimée se serait heurtée à l’inadéquation entre le dispositif et sa qualité. La rectification purge ces difficultés en amont.

II. Les modalités procédurales de la rectification

A. La procédure sans audience : une simplification adaptée

L’arrêt mentionne que la Cour a envisagé de statuer sans audience, conformément à l’article 462 du code de procédure civile. Cette faculté, consacrée par les réformes procédurales récentes, traduit une volonté de rationalisation du traitement des requêtes ne présentant pas de difficulté particulière.

La procédure sans audience suppose que les parties soient préalablement avisées et disposent de la possibilité de formuler des observations. En l’espèce, les parties ont été informées le 8 avril 2025. Aucune observation n’a été adressée dans le délai imparti. Ce silence peut s’interpréter de deux manières. Il peut témoigner d’un accord tacite des parties sur le caractère purement matériel de l’erreur à corriger. Il peut également refléter une absence d’enjeu réel pour les débiteurs, l’identité du créancier ne modifiant pas leur obligation.

La décision de statuer sans audience apparaît cohérente avec la nature de la requête. Une erreur matérielle évidente ne justifie pas la mobilisation d’une audience contradictoire. Le respect du délai d’observation garantit néanmoins le principe du contradictoire.

B. Les effets de l’arrêt rectificatif

La Cour ordonne la mention de la décision rectificative en marge de l’arrêt rectifié. Cette mesure de publicité assure la traçabilité de la rectification. Tout lecteur de l’arrêt initial sera ainsi informé de l’existence d’une correction. Cette précaution revêt une importance pratique pour l’exécution de la décision et pour la sécurité juridique.

Les dépens sont mis à la charge de l’État. Cette solution mérite attention. La rectification d’une erreur imputable au service public de la justice ne saurait en effet être supportée par les parties. Cette règle de bon sens évite de faire peser sur le justiciable les conséquences d’une imperfection dont il n’est pas responsable.

La présente décision s’inscrit dans une jurisprudence constante relative à la rectification des erreurs matérielles. Elle rappelle que cette procédure, bien que marginale dans le contentieux judiciaire, demeure un instrument utile de perfectionnement des décisions de justice. Son exercice, encadré par des conditions strictes, préserve l’autorité de la chose jugée tout en permettant la correction d’inexactitudes purement formelles.

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Hassan KOHEN
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