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La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 2 juillet 2025, statue sur une requête en rectification d’erreur matérielle. La question posée relève d’un contentieux technique mais essentiel au bon fonctionnement de la justice : la portée et les conditions de mise en œuvre de l’article 462 du code de procédure civile permettant de corriger les erreurs purement matérielles affectant une décision de justice.
Par un arrêt du 11 décembre 2024, la Cour d’appel de Paris avait statué sur un appel formé contre un jugement du tribunal judiciaire de Paris du 9 février 2022 relatif à un contrat de prêt conclu le 6 avril 2011. La cour avait notamment déclaré irrecevable la demande de nullité du contrat formée par les emprunteurs, rejeté leur demande de nullité de la déchéance du terme et leur demande de délais de paiement, et les avait condamnés in solidum aux entiers dépens. Cette décision mentionnait toutefois un prénom erroné pour l’une des parties, erreur provenant de la déclaration d’appel elle-même et des écritures du conseil des emprunteurs.
Le 24 mars 2025, l’établissement bancaire créancier dépose une requête en rectification afin de corriger cette erreur affectant l’identification de la partie défenderesse. Le 8 avril 2025, les parties sont avisées que la cour envisage de statuer sans audience conformément à l’article 462. Aucune observation n’est formulée dans le délai imparti. La cour fait droit à la requête, ordonne la rectification du dispositif de l’arrêt initial et met les dépens à la charge de l’Etat.
La question juridique soumise à la cour est celle des conditions dans lesquelles une erreur matérielle affectant l’identification d’une partie peut être rectifiée sans remettre en cause l’autorité de la chose jugée. La cour répond positivement en constatant que l’erreur est « purement matérielle » et en ordonnant la substitution du prénom exact dans le dispositif de l’arrêt initial.
La portée de cette décision conduit à envisager successivement le domaine de la rectification d’erreur matérielle (I), avant d’examiner les modalités procédurales de sa mise en œuvre (II).
I. Le domaine de la rectification d’erreur matérielle
La rectification d’erreur matérielle répond à une définition stricte excluant toute remise en cause du fond (A), tout en permettant une correction effective de l’acte juridictionnel (B).
A. La distinction entre erreur matérielle et erreur de jugement
L’article 462 du code de procédure civile dispose que les erreurs et omissions matérielles affectant une décision peuvent être réparées par la juridiction qui l’a rendue. La jurisprudence de la Cour de cassation a précisé les contours de cette notion en exigeant que l’erreur soit étrangère à tout exercice de la fonction juridictionnelle. Ne peut constituer une erreur matérielle celle qui résulterait d’une appréciation des faits ou du droit.
En l’espèce, la cour qualifie l’erreur comme « purement matérielle » concernant le prénom d’une partie. Cette qualification ne souffre d’aucune discussion : l’identité des personnes figure parmi les mentions dont l’inexactitude ne peut jamais procéder d’une volonté délibérée du juge ni d’une quelconque appréciation. Le prénom erroné provenait au demeurant des propres écritures de la partie concernée, ce qui exclut définitivement toute confusion avec une erreur de jugement.
Cette distinction revêt une importance capitale car elle conditionne le maintien de l’autorité de chose jugée attachée à la décision. Une erreur de jugement ne pourrait être corrigée que par l’exercice des voies de recours ordinaires ou extraordinaires. L’erreur matérielle, en revanche, n’affecte pas la substance de la décision.
B. L’étendue de la rectification opérée
La cour ordonne la rectification du dispositif de l’arrêt du 11 décembre 2024 en substituant le prénom exact dans chacun des paragraphes où figurait le prénom erroné. Cette opération purement substitutive ne modifie en rien les condamnations prononcées, les irrecevabilités déclarées ni les rejets ordonnés.
La décision illustre que la rectification d’erreur matérielle peut affecter des mentions multiples au sein d’un même dispositif dès lors qu’elles procèdent d’une seule et même erreur. La répétition de l’inexactitude dans plusieurs paragraphes n’empêche pas une correction globale par un unique arrêt rectificatif. Le caractère systématique de la substitution témoigne du souci d’assurer la cohérence de l’acte corrigé.
II. Les modalités procédurales de la rectification
La mise en œuvre de la rectification obéit à des règles procédurales particulières tenant à la procédure sans audience (A) et aux conséquences attachées à la décision rectificative (B).
A. La procédure sans audience prévue par l’article 462
L’article 462 du code de procédure civile prévoit expressément que le juge peut statuer sans audience lorsque les parties ne s’y opposent pas. En l’espèce, la cour a informé les parties le 8 avril 2025 qu’elle envisageait de recourir à cette procédure. Aucune observation n’ayant été présentée dans le délai imparti, la cour a pu valablement statuer sur pièces.
Cette faculté de statuer sans audience répond à un impératif d’efficience procédurale. La rectification d’une erreur matérielle ne nécessite généralement pas de débat contradictoire approfondi puisque, par définition, elle ne porte pas sur le fond du litige. Le silence des parties vaut acceptation tacite de la procédure écrite.
La présente décision confirme que l’établissement bancaire, bien que demandeur à la requête et donc potentiellement intéressé par une audience, n’a pas jugé utile de solliciter la tenue de débats. Les défendeurs, dont le prénom de l’un d’eux était précisément l’objet de la rectification, n’ont pas davantage formulé d’opposition. Ce consensus tacite témoigne du caractère incontestable de l’erreur en cause.
B. Les effets de la décision rectificative
La cour ordonne que mention de l’arrêt rectificatif soit portée en marge de l’arrêt rectifié. Cette publicité assure l’opposabilité de la correction aux tiers et garantit que toute expédition ultérieure de l’arrêt initial sera accompagnée de la mention rectificative. L’unité de l’acte juridictionnel s’en trouve préservée.
La mise des dépens à la charge de l’Etat mérite attention. Cette solution se justifie par l’origine de l’erreur qui, si elle provenait des écritures des parties, a été reprise par la cour dans sa décision. La juridiction assume ainsi la responsabilité de l’inexactitude qu’elle a entérinée. Cette imputation évite de faire peser sur les parties le coût d’une procédure rendue nécessaire par une défaillance du service public de la justice.
L’absence de toute condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile s’inscrit dans cette même logique. La requête en rectification ne résultant pas d’un comportement fautif de l’une ou l’autre partie, il n’y avait pas lieu de faire supporter à l’une d’elles les frais irrépétibles de l’autre.