Cour d’appel de Paris, le 25 juin 2025, n°22/09417

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La décision a été fournie intégralement dans le message. Je dispose de tous les éléments pour rédiger le commentaire d’arrêt.

Par un arrêt du 25 juin 2025, la Cour d’appel de Paris a confirmé le licenciement pour cause réelle et sérieuse d’un technicien SAV et rejeté l’ensemble de ses demandes indemnitaires. Cette décision illustre les exigences probatoires en matière de contestation du licenciement et les conditions d’appréciation des manquements professionnels répétés.

Un salarié a été engagé le 3 juillet 2017 en qualité de technicien SAV par une société spécialisée dans les systèmes de pesage. Après plusieurs incidents relatifs à la qualité de ses prestations, il a reçu une lettre d’observations le 30 avril 2019. De nouveaux manquements ayant été constatés les 27-28 juin et 9 juillet 2019, il a été convoqué à un entretien préalable le 17 juillet 2019, mis à pied à titre conservatoire le 24 juillet 2019, puis licencié pour cause réelle et sérieuse le 2 août 2019. Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Meaux le 8 janvier 2020, sollicitant notamment des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour conditions vexatoires, pour exécution déloyale du contrat de travail, ainsi qu’un rappel de commissions. Par jugement du 20 octobre 2022, le conseil de prud’hommes l’a débouté de l’ensemble de ses demandes. Le salarié a interjeté appel le 14 novembre 2022. L’employeur a soulevé un moyen tiré de l’absence d’effet dévolutif concernant la demande de commissions, celle-ci n’étant pas mentionnée dans la déclaration d’appel.

La question posée à la Cour d’appel de Paris était double. D’une part, il s’agissait de déterminer si l’omission d’une demande dans l’énumération des prétentions figurant dans la déclaration d’appel, alors que celle-ci mentionne un appel contre le débouté de l’ensemble des demandes, fait obstacle à l’effet dévolutif. D’autre part, la Cour devait apprécier si des manquements professionnels répétés, établis par des réclamations de clients, caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La Cour d’appel de Paris a rejeté le moyen relatif à l’effet dévolutif et confirmé le jugement en toutes ses dispositions. Elle a retenu que la mention « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués en ce qu’il a débouté Monsieur [K] de l’ensemble de ses demandes » suffisait à opérer la dévolution, l’énumération des demandes dans la déclaration d’appel n’ayant pas pour objet de les former. Sur le fond, elle a considéré que les fautes commises les 27-28 juin et 9 juillet 2019, établies par les pièces produites, justifiaient le licenciement au regard des précédents incidents.

Cet arrêt appelle un examen de l’interprétation libérale de l’effet dévolutif de l’appel (I), avant d’analyser l’appréciation des manquements professionnels réitérés comme cause de licenciement (II).

I. L’interprétation libérale de l’effet dévolutif de l’appel

La Cour d’appel de Paris adopte une lecture souple de la déclaration d’appel en privilégiant la formule générale sur l’énumération particulière (A), ce qui conduit à distinguer clairement l’objet de la déclaration d’appel de celui des conclusions (B).

A. La primauté de la formule générale sur l’énumération particulière

L’employeur soutenait que l’omission de la demande de commissions dans l’énumération des prétentions figurant dans la déclaration d’appel faisait obstacle à la dévolution de ce chef. La Cour rejette ce moyen en relevant que la déclaration d’appel mentionnait un appel contre le jugement « en ce qu’il a débouté Monsieur [K] de l’ensemble de ses demandes ».

Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence désormais établie de la Cour de cassation. L’article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017, impose certes de mentionner les chefs du jugement expressément critiqués. La Cour de cassation a précisé que la formule visant le débouté de « l’ensemble des demandes » satisfait à cette exigence dès lors qu’elle permet d’identifier sans ambiguïté l’étendue de la dévolution.

La Cour d’appel de Paris retient que « la déclaration d’appel mentionne appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués en ce qu’il a débouté Monsieur [K] de l’ensemble de ses demandes », ce qui « ne permet pas de retenir que l’effet dévolutif de l’appel ne porte pas sur les commissions ». Cette formulation générale englobe nécessairement toutes les demandes sur lesquelles le salarié a été débouté en première instance, y compris celle relative aux commissions.

B. La distinction entre déclaration d’appel et conclusions

La Cour précise qu’« il importe peu que M. [K] a indiqué les demandes qu’il allait former devant la cour en omettant dans la déclaration d’appel celle relative aux commissions au motif que non seulement la déclaration d’appel n’a pas pour objet de former les demandes ».

Cette distinction fondamentale entre l’acte d’appel et les conclusions rappelle que la déclaration d’appel a pour seule fonction de délimiter l’étendue de la dévolution, non de formuler les prétentions. Les demandes sont formées par les conclusions, dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile. La Cour relève d’ailleurs que le salarié « a formé sans que cela ne soit contesté ses demandes incluant celles relatives aux commissions dans ses conclusions d’appel déposées dans les délais ».

Cette solution préserve l’accès au juge d’appel en évitant une lecture excessivement formaliste de la déclaration d’appel. Elle s’inscrit dans le mouvement jurisprudentiel favorable à la régularisation et à l’interprétation des actes de procédure dans un sens permettant leur validité.

L’examen de l’effet dévolutif étant résolu en faveur du salarié, la Cour devait se prononcer sur le bien-fondé du licenciement.

II. L’appréciation des manquements professionnels réitérés comme cause de licenciement

La Cour procède à une analyse rigoureuse des faits postérieurs à la lettre d’observations pour établir la faute (A), puis examine la charge de la preuve des demandes accessoires du salarié (B).

A. L’établissement de la faute par les faits postérieurs à la sanction antérieure

La Cour rappelle que « les faits antérieurs » à la lettre d’observations du 30 avril 2019 « ne peuvent être pris en considération pour apprécier la cause réelle et sérieuse du licenciement de M. [K] que pour autant que des fautes postérieures sont établies ». Cette règle, issue de l’interdiction de sanctionner deux fois les mêmes faits, impose à l’employeur de démontrer la persistance du comportement fautif.

La Cour examine les pièces produites par l’employeur concernant les prestations des 27-28 juin et 9 juillet 2019. Elle retient que « la société Moba France démontre la réalité des fautes reprochées » car « ces pièces démontrent la mauvaise exécution du travail et l’insatisfaction du client ». Les griefs portaient sur des défauts de montage : masse de l’instrumentation mal reliée, habillages de cabine mal montés, câbles de pesée pendant à côté du pot d’échappement au lieu d’être fixés au châssis.

La gravité de ces manquements s’apprécie au regard des fonctions du salarié. Un technicien SAV intervenant sur des systèmes de pesage embarqués doit assurer la sécurité des installations. Les négligences répétées, malgré les alertes de l’employeur, caractérisent une insuffisance professionnelle constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement. La Cour prend en compte « les précédents incidents » pour apprécier le caractère persistant des manquements, sans les sanctionner une seconde fois.

B. La charge de la preuve des demandes accessoires

Concernant les demandes de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et exécution déloyale du contrat de travail, la Cour applique l’article 9 du code de procédure civile selon lequel « il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

Sur le caractère vexatoire du licenciement, la Cour retient que le salarié « ne prouve pas que son licenciement est intervenu dans des conditions vexatoires » et ajoute qu’il « n’articule dans ses conclusions aucun moyen permettant de caractériser dans son quantum le préjudice découlant, selon lui, des circonstances de son licenciement ». L’employeur avait justifié la mise à pied conservatoire par la nécessité de préserver la confidentialité de fichiers, le salarié ayant été vu sortant de l’entreprise avec des documents.

Sur l’exécution déloyale, la Cour relève que le salarié « ne prouve pas que M. [R] avait un comportement inapproprié à son encontre ni qu’il a fait l’objet d’un avertissement sans fondement ». L’employeur justifiait le bien-fondé de ses remarques par les manquements établis.

Quant aux commissions, la Cour interprète la clause contractuelle prévoyant « 5 % du chiffre d’affaires réalisé sur le SAV montages et interventions ». Elle retient qu’aucun élément « ne permet de retenir que la clause relative aux commissions signifie que les commissions dues doivent être calculées sur les interventions de l’ensemble du service SAV et non uniquement sur ses interventions ». Cette interprétation restrictive s’impose en l’absence de stipulation expresse contraire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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