Cour d’appel de Paris, le 26 juin 2025, n°22/04127

Par un arrêt du 26 juin 2025, la cour d’appel de Paris statue sur les droits pécuniaires d’un salarié du bâtiment liés à la fin d’un contrat à durée déterminée, dans le contexte d’une liquidation judiciaire. Le litige porte sur une indemnité compensatrice de congés payés, une prime de vacances issue de la convention collective régionale, et l’indemnité de fin de contrat. Il s’inscrit dans le régime particulier des caisses de congés payés du secteur, où la prise en charge est corrélée aux déclarations et cotisations de l’employeur.

Le salarié, engagé par contrat à durée déterminée, a travaillé jusqu’à fin février 2020. Il a saisi le conseil de prud’hommes de Paris au printemps 2020 pour obtenir divers rappels, faisant état d’un droit à congés de trente jours ouvrables dont une partie seulement avait été indemnisée par la caisse. Le tribunal de commerce a ouvert puis converti la procédure collective de l’employeur en liquidation judiciaire courant 2021.

Par jugement du 16 février 2022, le conseil de prud’hommes de Paris a qualifié la relation de contrat à durée déterminée, fixé un rappel de salaire limité et rejeté les autres demandes. Le salarié a interjeté appel. Devant la juridiction du second degré, le liquidateur a conclu principalement à la confirmation, tandis que l’organisme de garantie n’a pas conclu. La cour rappelle à juste titre que « En application de l’article 954, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs. »

La question posée est double. D’une part, déterminer si, en présence du régime des caisses du bâtiment, un reliquat d’indemnité de congés payés demeure dû par l’employeur lorsque la caisse ne couvre pas toutes les périodes. D’autre part, apprécier la créance afférente à la prime de vacances conventionnelle et vérifier l’existence d’un solde au titre de l’indemnité de fin de contrat. La cour infirme partiellement le jugement pour les congés payés et la prime, en retenant que « Le jugement sera infirmé sur ce point. » Elle confirme pour l’indemnité de précarité, au motif que le versement ressort du bulletin de paie, en énonçant que « Le jugement sera confirmé sur ce point. »

I. La reconnaissance du droit aux accessoires de la rémunération dans le secteur du bâtiment

A. L’indemnité compensatrice de congés payés malgré la couverture partielle de la caisse

La juridiction d’appel relève que la caisse limite sa prise en charge aux périodes pour lesquelles l’employeur a effectivement acquitté les cotisations, ce qui laisse subsister un reliquat. Cette constatation s’accorde avec l’économie du droit aux congés payés, droit d’ordre public dont la réparation pécuniaire incombe à l’employeur lorsque l’indemnisation par un tiers est incomplète. La cour retient la preuve par un courrier de la caisse, ainsi que l’absence de discussion chiffrée. Elle décide en conséquence d’allouer la somme demandée au titre du reliquat non indemnisé, en jugeant que « Le jugement sera infirmé sur ce point. »

La solution s’inscrit dans la logique d’une articulation distributive des débiteurs de l’indemnité, selon la réalité des versements et des déclarations. Elle renforce la sécurité du droit au congé en neutralisant, pour le salarié, les manquements déclaratifs de l’employeur. La fixation de la créance au passif préserve, en outre, le rang de la garantie légale. Sur le plan probatoire, la pièce émanant de la caisse, jointe à l’absence de contestation sérieuse du quantum, suffit raisonnablement à emporter la conviction de la cour sans alourdir le contentieux.

B. La prime de vacances conventionnelle et la portée de l’absence de critique

La cour se fonde sur la clause conventionnelle propre aux ouvriers du bâtiment de la région parisienne, qui prévoit une prime de vacances égale à 30 % de l’indemnité de congé, sous condition d’un seuil d’heures. Elle constate que le calcul opéré par le salarié applique ce taux à l’assiette pertinente et que l’adversaire n’en discute ni le principe ni le quantum. Elle motive sobrement en retenant que « Le liquidateur ne forme aucune critique ni quant au principe ni quant au quantum de la demande. Il convient d’y faire droit. »

Cette motivation illustre la valeur opératoire du silence argumentatif en procédure civile d’appel, lorsque la prétention est étayée et que la clause conventionnelle est claire. La solution valorise la prévisibilité normative des avantages collectifs, tout en rappelant que la charge de la contestation technique incombe au défendeur. Elle confirme, enfin, le lien de dépendance de la prime à l’indemnité de congé, ce qui harmonise la réparation du préjudice de non-jouissance avec l’économie conventionnelle du secteur.

II. La délimitation des sommes dues à la rupture et les garanties du droit positif

A. L’indemnité de fin de contrat déjà réglée et la force probante du bulletin de paie

S’agissant de l’indemnité de fin de contrat, la cour souligne la concordance entre son appréciation et celle des premiers juges. Elle énonce que « La cour constate, comme les premiers juges, que l’indemnité de précarité figure sur le bulletin de paie de février 2020. Le jugement sera confirmé sur ce point. » Le bulletin de paie, auquel la loi confère une présomption de régularité des mentions, établit le paiement, sauf preuve contraire absente en l’espèce.

Cette position réaffirme un principe de saine administration de la preuve en matière salariale. Elle évite les doubles condamnations et concentre le contentieux sur les seules créances subsistantes. L’articulation avec les règles de la procédure collective s’en trouve clarifiée, la fixation au passif visant les postes non satisfaits lors de la rupture. La décision sécurise ainsi la clôture des comptes de fin de contrat sans affaiblir la protection du salarié.

B. La portée de l’arrêt en contexte de liquidation et l’exactitude formelle du dispositif

La cour fixe au passif les créances admises au titre des congés payés et de la prime de vacances, conformément à la protection attachée aux créances nées du contrat de travail. Cette fixation conditionne la mobilisation de la garantie légalement instituée et ordonne la priorité de paiement selon les plafonds applicables. La décision présente une portée pratique immédiate pour les salariés du bâtiment confrontés à des défaillances déclaratives vis‑à‑vis de la caisse.

On relève, au regard des motifs, une possible inadvertance matérielle dans l’intitulé de l’un des postes figurant au dispositif, sans incidence sur le sens de la solution. Une telle discordance se corrige par la voie adéquate de rectification, afin d’assurer la pleine concordance entre la motivation et les chefs prononcés. L’arrêt offre, pour l’essentiel, une grille de lecture stable conciliant le régime sectoriel des congés avec les impératifs de la procédure collective.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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