- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Now using node v22.15.1 (npm v10.8.2)
Utilisation de Node.js v20.19.4 et npm 10.8.2
Codex est déjà installé.
Lancement de Codex…
Rendue par la Cour d’appel de Paris, le 26 juin 2025, l’espèce oppose une salariée technicienne de montage, engagée par une chaîne de télévision internationale au moyen de contrats à durée déterminée d’usage pendant six années, à son employeur. Le litige porte sur la validité du recours répété à ces contrats, sur l’étendue des rappels salariaux liés aux périodes interstitielles et aux primes, sur les heures supplémentaires, puis sur la qualification de la rupture intervenue par message électronique en 2019.
Les faits tiennent à une collaboration intermittente, irrégulière et fragmentée en vacations, organisée au gré de plannings tardifs et fréquemment modifiés, sans autre activité parallèle effective avérée. Après saisine prud’homale, un jugement du 3 mars 2022 a requalifié la relation en contrat à durée indéterminée, fixé un salaire de base, accordé diverses primes et indemnités de rupture, et alloué une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’appel principal de la salariée sollicitait la reconnaissance d’un temps plein et l’augmentation de plusieurs postes; l’appel incident de l’employeur contestait la requalification, l’assiette salariale et la qualification de la rupture.
La question de droit principale était double. D’une part, déterminer si la succession de contrats d’usage était justifiée par des « éléments concrets et précis » établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi de monteur. D’autre part, apprécier les effets pécuniaires de la requalification sur les périodes interstitielles, les primes conventionnelles et les heures supplémentaires, ainsi que la qualification de la rupture et l’ampleur des indemnités. La Cour confirme la requalification, retient le rappel des salaires interstitiels, fixe les primes sur la base d’un salaire de référence reconstitué, ajuste les heures supplémentaires, rejette la demande pour exécution déloyale, qualifie la prise d’acte de licenciement sans cause réelle et sérieuse et majore l’indemnité afférente. L’étude revient d’abord sur le contrôle du recours aux contrats d’usage et ses effets salariaux, puis sur les conséquences pécuniaires et statutaires de la requalification et de la rupture.
I. Le contrôle du recours aux CDD d’usage et la requalification en CDI
A. L’exigence d’éléments concrets établissant le caractère temporaire
Le cadre légal est rappelé sans détour. D’abord par le principe selon lequel « Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ». Ensuite par l’exigence, posée par le juge d’appel, qu’« il appartient néanmoins au juge, en cas de litige, de rechercher si l’utilisation de contrats à durée déterminée d’usage successifs est justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ». La Cour ne nie pas l’existence d’un secteur d’usage autorisé, mais resitue l’exception dans son périmètre.
Appliquant ce contrôle in concreto, la Cour relève l’identité des fonctions, leur insertion dans des émissions courantes et quotidiennes, et l’absence d’aléas autres que ceux issus de l’organisation interne autour de renforts intermittents. Elle retient, en conséquence, que « les contrats signés […] avaient pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ». La requalification en contrat à durée indéterminée s’impose depuis l’origine de la relation, et consacre un office du juge axé sur la matérialité du besoin pérenne, indépendamment des usages de branche et des facilités de planification invoquées.
B. Les effets de la requalification sur la durée et les périodes interstitielles
La Cour examine ensuite la demande de reconnaissance d’un temps plein et, surtout, la rémunération des périodes interstitielles. Elle observe des disponibilités requises au fil de plannings tardifs et mouvants, des sollicitations de dernière minute, et l’absence d’activité concurrente effective. Sur ce faisceau, elle retient que l’intéressée se tenait à la disposition de l’employeur et statue que « Il sera fait droit à sa demande de rappel de salaire au titre des périodes interstitielles ».
La solution est cohérente avec la position de principe sur la requalification. La relation étant réputée à durée indéterminée, la rémunération couvre les périodes où le salarié, sans travailler, est tenu disponible par l’organisation des vacations. La Cour fixe un salaire de référence reconstitué et l’érige en base de calcul, en relevant que « Le salaire de référence […] sera fixé à la somme de 2 710,90 euros, conformément à ses calculs ». La démarche concilie refus d’un temps plein automatique et reconnaissance du droit au rappel interstitiel, apprécié sur la disponibilité effectivement exigée.
II. Les effets pécuniaires et statutaires de la requalification et de la rupture
A. Primes conventionnelles, salaire de référence et heures supplémentaires
La requalification emporte des effets statutaires clairs. La Cour rappelle que « la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l’entreprise, a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été recruté depuis l’origine ». Il s’ensuit l’octroi de rappels de prime d’ancienneté, de fin d’année et de sujétion sur l’assiette reconstituée, sans imputation des sommes perçues au titre des contrats précaires.
S’agissant des heures supplémentaires, l’arrêt retient la méthode probatoire classique: « il appartient au salarié de présenter […] des éléments suffisamment précis […] afin de permettre à l’employeur […] d’y répondre utilement ». La Cour corrige toutefois le taux horaire et déduit le temps de pause, ce qui réduit l’ampleur du rappel, tout en accordant les congés payés afférents au repos compensateur omis en première instance. Le raisonnement maintient une rigueur arithmétique, et distingue nettement l’assiette des primes de celle des majorations horaires.
B. Prise d’acte, indemnités de rupture et office du juge
La qualification de la rupture commande les indemnités. La Cour juge que le message annonçant la cessation de collaboration constitue une prise d’acte, laquelle, au vu des manquements relevés, « est suffisamment grave pour justifier que la prise d’acte soit dite aux torts exclusifs de l’employeur et qu’elle produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ». La solution articule la faute consistant à pourvoir durablement un emploi permanent par contrats d’usage et les griefs accessoires liés à la rémunération du travail.
La réparation est alignée sur le barème légal, après considération des critères personnels et professionnels, la Cour estimant « qu’il convient d’allouer […] la somme de 15 000 euros ». Elle ajoute l’indemnité de requalification, le préavis et les congés afférents, ainsi que l’indemnité conventionnelle de licenciement, et ordonne la capitalisation des intérêts. En miroir, la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale est rejetée faute de preuve du préjudice distinct, ce qui confirme une exigence probatoire stricte et évite les doublons indemnitaires.
La portée de l’arrêt dépasse le cas d’espèce. Le contrôle serré du caractère temporaire des emplois d’usage dans l’audiovisuel rappelle que la liste des fonctions éligibles ne dispense jamais d’apprécier la permanence du besoin. La solution sur les périodes interstitielles, indexée sur la disponibilité exigée, incite à des pratiques de planification plus prévisibles. La clarification de l’assiette des primes, du traitement probatoire des heures supplémentaires, et de la qualification de la prise d’acte renforce, enfin, la sécurité juridique des contentieux de requalification.